[ANIMAUX] Avec le printemps, le retour du loup… et une gestion toujours polémique

Pour J.-L. Valérie, de l'Observatoire du loup, les agents de l'OFB ont une vision hors-sol, loin des données du terrain.
@Patrice Schoefolt / Pexels
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En cette période de printemps, le loup se montre. On le signale un peu partout. Dans le nord-ouest de la Mayenne, 21 communes ont été classées « cercle 2 » en raison de sa présence : les éleveurs pourront demander des aides afin d’installer des clôtures électrifiées. Dans les Landes, quatre attaques en un mois ne laissent aucun doute sur l’arrivée de l’animal dans le département. Dans la Drôme, un loup a été abattu après la mort, dans une exploitation, de six béliers. Dans la Nièvre, un autre abattu. Dans le Tarn, on suspecte une attaque sur un veau. Le 28 avril, un loup a été retrouvé sur une route, percuté par un camion, entre Cannes et Grasse. On signale des loups dans Nice… Plus sympa : après plusieurs années de traque, un jeune photographe a réussi à prendre le cliché d’un loup sur le mont Ventoux, le 15 avril.

La population louvine européenne a doublé, en dix ans (20.300 bêtes en 2023), avec, comme victimes directes de cette hausse, 65.500 têtes de bétail tuées chaque année sur le continent. Cela a motivé l’abaissement du niveau de protection du loup décidé par la convention de Berne, en décembre dernier, et entré en vigueur le 7 mars 2025, ce qui augmentera les possibilités de tirs (TDS, tir de défense simple, et TDR, tir de défense renforcé, à partir de trois attaques dans les douze derniers mois). Pour Jean-Luc Valérie, porte-parole du collectif Observatoire du loup, la situation actuelle où l’on compte, d’une part, les cadavres de bétail, d’autre part, les tirs contre les loups, est absurde : « Cela ne réglera rien », déclare-t-il à BV. Des propos proches de ceux que Christian Provent, le « Monsieur Loup » de la Coordination rurale, nous adressait, en décembre : « Ce n’est pas une fin en soi, de tuer des loups, et ce n’est pas un avenir, de laisser la prédation sur les troupeaux se développer. »

Un décompte contestable

Dans notre pays, le dernier décompte de l’Office français de la biodiversité (OFB) - 1.013 individus pour l’année 2024 -, obtenu grâce à « une nouvelle méthode de comptage effectuée à l’aide de données génétiques », n’a satisfait personne. « Il faut un vrai suivi de la population, et ce n’est pas avec l’ADN seul qu’on peut le faire sérieusement, nous explique J.-L. Valérie. C’est soi-disant scientifique, c’est surtout coûteux. » Dans les faits, faute de recueil d’ADN, l’OFB classe comme « invérifiables » des attaques de loup qui, sur le terrain, sont aisées à identifier comme telles par les connaisseurs. Il existe une sorte de déni : sans vérifier, on décrète que c’est une attaque de chien.

À l’Observatoire du loup, on estime qu’il y a 700 loups, dans les Alpes, 560 dans le reste de la France, et que ce nombre ne devrait pas croître indéfiniment. « Le nombre de loups va atteindre sa limite dans trois ou quatre ans, selon le porte-parole de l’Observatoire du loup. Du fait de l’anthropisation des milieux, leurs possibilités d’extension sont limitées en matière d’aires de reproduction, d’aires de repos et d’alimentation. » Une autorégulation va se produire. Pour lui, « on ne dépassera pas les 2.000 loups, en France ».

L'OFB hors-sol

En tant que représentant d’association, J.-L. Valérie regrette que les données collectées par l’administration ne soient pas accessibles, en tout cas difficiles à obtenir : « Il y a un problème d’accès aux documents publics, un gros défaut d’information. » Ce défaut est général et se répercute sur toute la filière. Pour J.-L. Valérie, le Réseau Loup-Lynx est « exsangue. Les éleveurs sont mal informés par les autorités ; les préfets ne sont pas informés par l’OFB, dont les agents ne vont pas assez sur le terrain. »

Or, le terrain, J.-L. Valérie ne jure que par lui. Du local et du concret, loin d’une centralisation parisienne. Sur un zonage déterminé, si on veut arriver à un résultat, il faut associer les compétences : un comportementaliste du loup, un spécialiste des chiens de berger, un spécialiste des clôtures, un spécialiste du pastoralisme local, car on ne garde par les moutons dans les Alpes comme dans les Cévennes ou en Normandie… « Tout le monde doit collaborer », y compris les éleveurs voisins entre eux pour faire circuler les informations. Mais la question du loup reste si brûlante qu’il est difficile de faire asseoir autour de la table les agents de l'OFB, les environnementalistes et les éleveurs, premiers concernés par les carnages.

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

39 commentaires

  1.  » T’en fais pas mon petit loup « Les humains pensent avoir le pouvoir sur terre , ils finiront comme les autres et disparaitront un jour ou l’autre , enfin et pour toujours et la terre tournera encore .

  2. La maison que j’habite a été construite en 1957 en bord de mer. Il n’y avait rien autour. Ça a bien changé. Pourtant j’ai vu à 6 mètres, il y a un an ou deux, un chevreuil. Tous les ans on pouvait voir le sol retourné, par endroits, par des sangliers. Il y a moins de 15 jours en pleine journée (16-17h00), deux sangliers sont venus tourner autour, à moins de 10 mètres. Les lapins, c’est tous les jours, apparemment ils sont chez eux. J’attends le loup, sans impatience.

  3. Au risque de me répéter ici, j’avance que les loups n’ont pas été « réintroduits ». Est-ce si difficile de comprendre que cet animal est capable de faire des kilomètres pour changer de territoire, quand il a été chassé de sa meute, et qu’il puisse avoir traversé les Alpes depuis l’Italie ? Ensuite, les tirs aveugles ont pour effet, principalement, de disperser les meutes et de rendre ainsi plus aléatoire la lutte pour la protection des troupeaux. L’Etat refuse toujours de tenir compte de l’avis des scientifiques, qui prônent d’autres solutions que létales. Il a été prouvé que les mesures de protection sont efficaces pour peu que les éleveurs jouent le jeu ! Enfin, le loup a un rôle dans la régulation des grands ongulés qui arasent la végétation, contre la prolifération des sangliers. Mais, sur ce dernier point, paradoxalement, les chasseurs s’insurgent… Allez comprendre… Tout le monde se plaint des sangliers mais quand les loups agissent efficacement contre leur surnombre, les chasseurs protestent. La population lupine est victime du braconnage, des accidents routiers ainsi que de la politique actuelle visant à la réduire. Je vous incite à visiter les sites tels que Férus pour changer de regard sur l’animal. Férus qui oeuvre depuis des décennies pour apporter son aide aux bergers avec des bénévoles, sur l’estive.

    • TRES bien … Merci pour ce commentaire lucide et sans excès loin des clichés des prétendus « protecteurs de la Nature » ! …
      Un mot a été oublié volontairement par ces « donneurs de leçon » … Il s’agit du mot « Clé de voûte » ! … Il s’applique dans l’Architecture et surtout dans n’importe quel biotope ! …
      Les animaux sauvages « s’adaptent » à leurs biotopes alors que « l’humain » prétend adapter l’environnement mais qu’il fini par polluer ! …

  4. Un agriculteur voit un loup à 6H30 du matin, juste à la sortie du village, à l’arrêt de bus scolaire. Les enfants y sont à 7H. Il faudra que plusieurs de nos enfants soient déchiquetés pour que l’on mette un terme à cette folie ? Car ne nous voilons pas la face, ceci arrivera !

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