Au-delà de l'émotion légitime suscitée par l'assassinat de la jeune Angélique Six, dont le corps a été retrouvé à Quesnoy-sur-Deûle, se trouvent à nouveau posées les questions relatives au traitement, par la Justice, des délinquants sexuels et de leur suivi.

Les faits qui se sont déroulés à proximité de Wambrechies, où résidait la victime, sont malheureusement récurrents et défrayent régulièrement la chronique.

Un individu, apparemment bien intégré, marié et père de famille, se révèle tout à coup être le monstre que tout le monde redoute de rencontrer un jour. Et l'on se rend compte que celui qui était, aux dires de certains témoins, un homme sans histoire était en fait un repris de justice, déjà connu et condamné auparavant pour des faits similaires.

Les événements qui viennent de se dérouler dans le nord de la France ne dérogent pas à ce schéma. Et, à nouveau, resurgissent les mêmes questions. Pourquoi une peine au départ si clémente ? À quoi sert le fichier des délinquants sexuels et violents ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu de suivi médical ? En réalité, les réponses ne sont pas simples. Elles sont révélatrices d'un mode de fonctionnement de notre Justice qui, par rapport aux infractions à caractère sexuel, a encore bien du mal à se positionner.

Ainsi, les informations du ministère de la Justice révèlent que les parquets poursuivent, en matière d'affaires sexuelles, plus de 30.000 personnes chaque année (33.000, en 2016). Sur ces 30.000 personnes mises en cause, 38 % le sont pour des viols, 60 % pour des agressions sexuelles et 2 % pour harcèlement à caractère sexuel. Mais les statistiques pénales nous apprennent aussi que sept affaires sur dix font l'objet d'un classement sans suite, et que moins de 2 % des individus accusés de viol finissent devant une cour d'assises. Le plus souvent « correctionnalisés », ces crimes sont ainsi banalisés et traités sans tenir compte des préjudices multiples subis par les victimes.

Dans ce contexte général, qui veut qu'encore de nos jours peu de plaintes déposées pour viol aboutissent, les questions du traitement judiciaire et médical des auteurs de ces infractions viennent se surajouter.

Il en est ainsi du Fichier des délinquants sexuels, en service depuis 2005, qui semble bien ne remplir qu'une partie du rôle qui lui était assigné au départ. Présenté d'abord comme un outil de prévention, il s'avère n'être qu'un instrument d'enquête, certes, utile aux enquêteurs de la police et de la gendarmerie, mais incapable de favoriser la prévention. Le cas de la petite Angélique est symptomatique à cet égard, puisque l'auteur présumé des faits était fiché, ce qui ne l'a pas empêché de repasser à l'acte plusieurs années après.

Second point fort, à nouveau soulevé par ce drame : l'information de la collectivité quant à la présence d'un prédateur sexuel sur un territoire donné. À ce jour, seules les autorités judiciaires et administratives peuvent avoir accès au fichier des délinquants sexuels. Cela signifie qu'un employeur peut très bien recruter une personne fichée sans savoir exactement à qui il a affaire. Enfin, le suivi de ce type de délinquants n'est pas non plus sans poser de véritables questions. La délinquance sexuelle revêt, de l'aveu de nombreux psychiatres, des caractéristiques particulières. Celle de la récidive n'est pas des moindres, puisque selon certains médecins, elle serait quasiment inévitable dans la durée.

Autant de questions auxquelles notre société, coincée entre la préservation absolue des libertés individuelles et la nécessaire protection des populations, ne parvient pas à répondre de manière déterminée et efficace. Angélique, 13 ans, vient de payer le prix de ces atermoiements.

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30 avril 2018 à 17:51

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