Alors, pas de girouette au perchoir ?

Yaêl Braun-Pivet

Bon, on ne va pas se mentir. Emmanuel Macron a décidé que Richard Ferrand serait président de l’Assemblée nationale, et puis point barre. Le Richard, il se sentait à l’étroit dans son rôle de gardien du troupeau. Se coltiner les réunions hebdomadaires du groupe pour distribuer les rôles et les questions à poser au gouvernement, gérer les bisbilles internes, franchement... Lui fallait un truc à la hauteur de son rôle majeur, historique, à Richard : celui de faiseur de roi.

Et puis sa revanche, après son éviction du gouvernement en juin 2017 pour cause d’ennuis judiciaires. Des ennuis judiciaires, il en a certes encore – mais qui n’en a pas aujourd’hui, ne serait-ce qu’en prenant son volant -, puisqu’il est sous le coup d’une information judiciaire depuis le 18 janvier de cette année pour « prise illégale d’intérêts ». Mais la règle n’est-elle pas, dans la République irréprochable, d’être démissionné ou de démissionner, seulement si l’on est mis en examen. Donc, il a bon.

Quatrième personnage de l’État, ça vous pose son homme. Quand on pense qu’il y a deux ans à peine, à part au PS et dans sa circonscription, personne ne le connaissait et que Raffarin, que tout le monde connaît, n’a jamais été fichu de se faire élire président du Sénat.

Seulement voilà, c’est quand même une élection et, rapport à la parité, cela aurait été drôlement chouette de mettre pour de bon une femme au perchoir. Vu que le Richard, le changement de sexe ça n’a pas l’air d’être son truc, et puis, de toute façon, faut des délais, on s’est retrouvé devant un dilemme terrible. Comme au restau : fromage ou dessert. On avait bien compris, dès le départ, qu’à l’arrivée ce serait fromage. Mais comme il faut bien amuser la galerie, on a fait croire que. Ma belle, tu seras candidate, mais pas trop quand même, tu vois. Deux, trois petits tours à te dandiner comme un mannequin sur le podium et puis c’est marre, retour au vestiaire. La fille – son nom est Yaël Braun-Pivet –, ni une, ni deux, en bon petit soldat de La République en marche, elle se porte donc candidate. On commence à la connaître, d’ailleurs : elle a tellement brillé par son sectarisme et sa nullité dans sa présidence de la commission d’enquête sur l’affaire Benalla en juillet !

Problème : le matin, sur RTL, elle en fait un peu trop. "Ma candidature n’est pas une candidature contre Richard Ferrand. J’apprécie beaucoup Richard [on notera l’emploi du prénom] qui est un excellent président de groupe… Je crois que ce n’est pas à la hauteur de notre mouvement et des aspirations des Français au renouvellement." Traduction : Richard est à son maximum comme président de groupe. C’est un ringard, un gars du monde d’avant. Moi, je suis à la hauteur des aspirations et je suis une femme.

Fin d’après-midi, la même Yaël Braun-Pivet, dans la même robe, annonce, sans rire, "après avoir longuement réfléchi", qu’elle jette sa serviette-éponge, expliquant, toujours sans rire, qu’elle retrouve dans le projet de "Richard" les propositions qu’elle porte "pour poursuivre la transformation de l’institution dans laquelle nous nous sommes engagés". Pour une femme qui n’avait jamais fait de politique avant, on est épaté, franchement. Dans le vieux monde, on avait été habitué à ce qu’un politicien dise une chose et son contraire. Mais en général, il y avait délai de viduité. C’est fini, tout ça : les convenances, les formalités, les fausses pudeurs. On est dans le monde de l’instantané. Noir le matin, blanc le soir. Elle n'aurait pas subi de pressions, dit-elle. Alors, c'est pire qu'on le pensait !

Malgré les simagrées d’usage, Richard Ferrand (pardon : Richard), sauf retournement de situation - ce qui est possible vu l'ambiance actuelle -, sera probablement élu président de l'Assemblée nationale la semaine prochaine. Dommage, une girouette au perchoir nous aurait indiqué le vent.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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