Alexandre Langlois : « La liberté d’expression n’est pas totale dans la police nationale »

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Le bras de fer judiciaire a été jusqu'au Conseil d'État. Il opposait le secrétaire général du syndicat Vigi, Alexandre Langlois, au ministère de l'Intérieur. Ce 2 février 2023, la Justice a estimé que la sanction prise contre ce policier révoqué « était disproportionnée au regard des fautes commises ». Alexandre Langlois réagit auprès de BV.

Marc Eynaud. Le 8 janvier 2020, un tract émanant de votre syndicat visait le directeur général de la police nationale. Ce tract vous avait valu une révocation. La Justice vous donne raison aujourd’hui. Que vous reprochait-on ?
Alexandre Langlois. On me reprochait d’avoir dit la vérité, d’avoir froissé l'ego de certains directeurs et remis en cause l’efficacité de la police à protéger ses propres personnels. C’était un communiqué sur les suicides. Il y a eu plus d’une centaine de suicides sous la direction de Monsieur Morvan. Cela n'effleurait personne au ministère. Les policiers mouraient plus de leurs propres mains que face à des criminels. Monsieur Morvan l’avait reconnu sur un plateau télévisé : le suicide des policiers était structurel et non conjoncturel, il reconnaissait lui-même que l’administration n’était pas sans tache. À l'époque, il proposait de faire des barbecues conviviaux. Monsieur Castaner proposait un Numéro Vert et Monsieur Darmanin a mis en place un Deuxième numéro Vert. Plutôt que de régler les problèmes, il vaut mieux les cacher sous le tapis…
M. E. Aujourd’hui, vous pourriez réintégrer la police. Que comptez-vous faire ?
A. L. Pour l’instant, je ne pense pas réintégrer la police. La police est utile mais elle est malheureusement mal dirigée, par des gens dont je ne partage pas les valeurs. Pour l’instant, j’en fais le deuil. J’ai essayé de me battre en interne, le message est passé car j’ai gagné à plusieurs reprises au tribunal administratif pour discrimination syndicale, et au Conseil d’État en référé pour la révocation. Malgré cela, la liberté d’expression n’est pas totale dans la police nationale, en tous les cas en ce qui concerne le métier. Beaucoup de gens sont Charlie, sauf quand on commence à critiquer le gouvernement et ses méthodes internes. Le message est bien passé : on ne peut pas s’exprimer librement, même avec un mandat syndical. Les choses ne vont pas dans la police et je dis bon courage à ceux qui y restent par vocation, car ils auront des difficultés à faire leur métier convenablement et en conscience.
M. E. Quel regard portez-vous sur la situation sociale actuelle dans notre pays ?
A. L. Comme souvent en France, il n’y a pas de dialogue, on est dans des bras de fer, c’est assez triste, ce n’est pas possible de discuter. La réforme des retraites qui fait l’actualité est un vieux serpent de mer. On en parlait déjà en 1900 avec les discours de Jaurès. Le vrai débat n’est pas l’âge du départ. Suivant les métiers, on est plus ou moins cassé. Des politiques hors-sol demandent des choses extravagantes comme de travailler plus tard alors qu’il n’y a pas de travail. Des personnes qui voudraient rester en poste ne le peuvent pas car il y a l’âge légal. On est sur une notion complètement déconnectée de la réalité, et ce qu’on regarde, c’est la préconisation européenne pour avoir des subventions. On va nous imposer des règles qu’on va subir sans pour autant avoir des avantages. Car les cotisations pour ma retraite, je vais continuer à les payer sans avoir de réduction, malgré l’âge de départ retardé.
Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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