Le destin de la modernitude artistique est d'être parfois confondue avec des éléments gênants. Tantôt, le personnel de nettoyage met à la poubelle un assemblage d'objets pompeusement nommé Installation, tantôt, une femme de ménage balaye une boîte de conserve conceptuelle... Les instances de la culture avant-garde le constatent avec effroi : les gens du commun ne comprennent rien à l'esthétique nouvelle.

 À Toulouse, comme ailleurs, l'équipe municipale déplore l'ignorance de son service chargé de la propreté de la ville. Dans le cadre de l'exposition « Périscope », les portraits en forme de tags commandés à un artiste méga engagé ont été recouverts de peinture blanche par ces ennemis de la culture bobo. Des malotrus salariés par la ville, tout à fait hermétiques à l'esthétique révolutionnaire, se sont munis de leurs pinceaux et de leurs rouleaux. Sous le coup d'une inspiration soudaine, les voilà badigeonnant une couleur unie par-dessus les images pieuses. De son vrai nom Christian Guémy, l'artiste qui s'est auto-immatriculé C215 a parsemé la ville d'images de Simone Veil, Robert Badinter, Nelson Mandela, Gisèle Halimi et autres Charlie Chaplin. Quelle audace ! Ne manquait plus que François Hollande et Valérie Pécresse pour que la mairie se prosterne jusqu'à terre. Consternés par la boulette, les élus pleurent à chaudes larmes. Comment a-t-on pu confondre ces mannequins du prêt-à-penser avec des tags de bas étage ?  

L'artiste C215 reste de marbre face à ces dégradations involontaires. Ils n'auront pas sa haine. « C'est une exposition évolutive, mon travail n'était pas fini. Donc, je n'en veux à personne. En tout cas, ça ne me choque pas. » Le détachement est l'apanage des peintres d'icônes de cartes postales. Et puis, du Badinter recouvert d'un blanc immaculé est encore du Badinter. De l'avis des galeristes, il y a message sous roche. La censure exprimée, les droits de l'homme bafoués. La mairie ne semble pas avoir pris conscience que l’œuvre s'est trouvée sublimée par le geste innocent d'employés municipaux. De cette expo « Périscope », ils sont le sous-marin qui fait avancer l'art contemporain. Le mur gris-blanc toulousain se négociera à prix d'or chez Sotheby's. Du C215 revisité peut monter jusqu'à 218.

Soucieux de cocher toutes les cases, l'artiste incompris du bas peuple serait actuellement en Ukraine pour cause de peinture sur les murs de Kiev. Repeints à Toulouse, démolis à Kiev. Le chemin sera long avant la postérité.

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20 avril 2023 à 17:00

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12 commentaires

  1. En littérature, il y a l’écriture blanche, désormais en art, il y aura la peinture blanche. Gageons que ces œuvres vont s’arracher aux enchères ! Encore que d’avoir utilisé le blanc, on se demande si ce n’est pas un peu raciste…

  2. Comment peut-on « vivre avec son temps » si l’on n’accepte pas les « artistes » contemporains?
    Il doit être désespérant, pour un intellectuel de gauche, de constater à quel point le bas peuple reste si peu évolué, en dépit des efforts passés! Quelle ingratitude…

  3. L’inkulture woke a atteint ses limites !
    Plugs et autres monstruosités ne font plus recette… Sauf pour ceux qui s’engraissent et encaissent le pognon de dingue déversé par le ministère et autres services municipaux officiels de gauche dits de la culture !

  4. Toulouse prend sa place de 4ème ville de France et peut etre bientôt seconde ,vu qu’à l’instar de paris nous avons autant de « surmulots  » ,les velos et trottinettes circulent n’importe où n’importe comment en toute impunité, le maire dépense des sommes dingues dans du street art ou autres manifestations soit disant culturelles mais il augmente le prix des tickets de bus , on nous coupes les platanes centenaires pour les remplacer par des buissons en containers au nom de l’écologie, et il nous gratifie d’une des ZFE les plus etendue alors que 300 avions en phase d’atterrissage ou de décollage le moment ou ils consomment le plus passent au dessus de la ville en larguent plus de pollution en une journée que les quelques centaines de vielles bagnoles « souvent des petites cylindrées  » en 6 mois ,il doit y en avoir d’autres mais la liste est trop longue

  5. Jack Lang a fait des ravages. je voyais un reportage à Marseille lors de l’effondrement des immeubles. Les rues sont couvertes de graffitis, mais plus personne ne les voit. Les gens se sont accommodés à la laideur.
    Il fut un temps, à Toulouse, où un service entier de la mairie était dédié à l’effacement des graffitis. Il suffisait de les signaler à la mairie.

  6. Il faut dire que se taper à longueur de journée l’image des icônes sus-nommés à de quoi mettre le blues. Dans sa bonne ville de Toulouse, Claude Nougaro aurait surement trouvé un moyen d’égayer ça en musique.

  7. Quel art ? Le même qui fleurit dans nos facs actuellement ? A croire que le personnel communal est bien plus intelligent que toutes ces élites. Au fait, qui fera ce même nettoyage dans les facs ? Est-ce toujours le même con-tribuable spolié qui mettra la main à la poche, tandis que nos pauvres petits étudiants continueront à lui coûter un pognon de dingue, soit disant pour se former ?

    1. Le contribuable n’aura pas à mettre sa main à sa poche, les mains de Macron et Lemaire se chargeront de piller son portefeuille.

  8. Le street art n’existe pas. C’est simplement une justification de la dégradation.
    Car le mur, avant l’intervention du « street artiste » était lui-même une œuvre d’art, celle d’un architecte ou d’un artisan. Donc le street art est une dégradation, sans quoi on pourrait légitimement taguer la Joconde.

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