Lorsque, le 7 décembre dernier, France 2 a diffusé un reportage tourné en caméra cachée dans un café de Sevran et montrant que les femmes y étaient indésirables, toutes les belles âmes se sont offusquées en feignant la surprise : « Allons, voyons, vous exagérez ! Faites attention à ce que vous dites, vous allez faire monter le Front national ! »

Le maire s’éleva contre cette "fausse" image que l’on donnait de sa ville, n’osant pas nier l’évidence mais s’insurgeant contre le fait qu’on ose pointer du doigts l’instauration de mœurs venues d’ailleurs et qui ne font pas - loin s’en faut - la part belle aux femmes. Nadia Remadna, auteur de la vidéo, créatrice de l’association Brigade des mères, disait alors combien son combat lui coûtait cher, la plupart des femmes qui l’accompagnaient s’en allant les unes après les autres "par peur des représailles". J’ai "le sentiment d’être de retour en Algérie au début des années 1990" (celles de la guerre civile !), confiait-elle alors.

Cinq mois ont passé depuis ce reportage ; les élections "de tous les dangers", comme disent les politiques, sont derrière nous. Macron ayant coiffé son auréole, le cafetier de Sevran accepte-t-il de servir les femmes ? Je suppose que non.

Comme à Paris, dans le quartier Chapelle-Pajol, à cheval sur les Xe et XVIIIe arrondissement. Un quartier où "plusieurs centaines de mètres carrés de bitume [sont] abandonnés aux seuls hommes, et où les femmes n’ont plus droit de cité. Cafés, bars et restaurants leur sont interdits. Comme les trottoirs, la station de métro et les squares", rapporte Le Parisien, ce vendredi. Devant "des groupes de dizaines d’hommes seuls, vendeurs à la sauvette, dealeurs, migrants et passeurs [qui] tiennent les rues, harcelant les femmes", leur vie est devenue infernale au point que nombre d’entre elles ont renoncé à sortir. "Il y a les insultes dans toutes les langues, les vols, l’alcoolisme de rue. Les trafics qui s’enracinent, et les employés de ces trafics, qui nous signifient chaque jour que nous sommes indésirables, nous et nos enfants. Cela doit cesser", disent-elles.

Que font les autorités ? De la com', cette grande spécialité de madame Hidalgo, qui préfère aménager les loisirs des bobos du dimanche et vendre les Jeux olympiques que se pencher sur la vie des quartiers populaires, ceux où on laisse prospérer dealers, voleurs et camps de migrants…

Dans ce style fleuri et écolo qui désigne désormais nos opérations guerrières, la mairie de Paris et le préfet de police ont ainsi lancé, en janvier, une opération intitulée "Barbès respire" (sans blague !). 110 opérations ont donné lieu à plus de 19.000 évictions de vendeurs à la sauvette et 884 personnes ont été arrêtées, nous dit-on.

Faut-il vous expliquer les mots ? "Éviction" signifie qu’on les repousse au carrefour suivant, "arrêtées" qu’on les a relâchées deux heures après…

Porter plainte ? Ça ne sert strictement à rien. "Nous sommes des éoliennes, on brasse de l’air", m’a dit récemment un policier excédé. Alors, les femmes du quartier ont lancé une pétition destinée à la mairie, à la préfecture de police et au procureur de la République. Son titre : "Les femmes, une espèce en voie de disparition au cœur de Paris." Puis elles feront une marche, "parcourront tous les lieux du quartier où elles sont indésirables. Puis, rendront compte, aux pouvoirs publics de leurs observations… En espérant être entendues."

Une bouteille à la mer…

À Sevran, Nadia Remadna voudrait "faire appliquer les lois de la République, là où l’État échoue". Vaste entreprise dans laquelle elle s’est sentie totalement abandonnée… "C’est ce que les gens veulent et c’est très bien comme ça. Tout le monde est content, pourquoi est-ce que tu t’en mêles ?", lui a-t-on dit.

C’est qui, « les gens » ? Qui « tout le monde » ?

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19 mai 2017 à 14:31

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