Il est des faits divers qui en disent long sur l’état de notre société. Celui-ci, par exemple. Ce dimanche soir dernier, quatre individus s’attablent dans un restaurant marseillais. Le service est long, très long. Des choses qui arrivent. Le service est d’ailleurs tellement long qu’après un début d’esclandre, ils préfèrent aller se sustenter ailleurs. Jusque-là, rien que de très normal.

Ce qui l’est moins, c’est qu’ils promettent de revenir pour se venger de l’attente infligée. Et ce qui l’est encore moins, c’est que près d’une heure plus tard, l’un d’entre eux revienne armé et tente d’ouvrir le feu sur le personnel. Une chance pour ce dernier : le client mécontent, en plus d’être impatient, est de plus maladroit - son pistolet s’enraye. On tente de le maîtriser, mais il parvient à s’échapper, tandis qu’un de ses amis fait feu sur la devanture de l’établissement, blessant un employé à la cuisse.

Certes, la violence a toujours été partie inhérente de la vie en société et elle n’est guère plus barbare aujourd’hui qu’hier. Une chose, néanmoins, a peut-être changé ces dernières années : son aspect gratuit, sa dimension incontrôlée, son côté nihiliste. Comme si le feu couvait sous le couvercle de la marmite et qu’un rien suffisait à la faire déborder. Bref, on « chauffait » jadis les pieds des paysans pour leur soutirer leur bas de laine ; c’était méchant, mais au moins y avait-il un concept tenant à peu près debout. On peut tuer désormais pour une cigarette refusée, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

À croire que la maîtrise jadis traditionnelle du voyou dans l’exercice de son métier – car il en faut pour exercer ce dernier sans finir sous les verrous – a cédé le pas à une sorte d’immédiateté de type pulsionnel. On aurait bien tort d’imaginer que ce type de comportement puisse être le seul apanage des quartiers de non-droit, sachant que l’exemple vient aussi de haut.

D’où le récent et viril échange de vues entre deux socialistes, Boris Faure et M’Jid El Guerrab, le premier issu du canal historique et l’autre de sa filiale macronienne. En d’autres temps, bons mots et piques assassines auraient fusé, les claques même, voire un rendez-vous sur le pré au petit matin. Là, non : M’Jid El Guerrab a préféré assommer son contradicteur à grands coups de casque de scooter avec une violence telle que sa victime s’est retrouvée direct sur le billard. Et le même de prétendre que sa victime l’aurait traité de « sale Arabe ». Comme c’est original ; représentatif, surtout, de cette époque d’infantilisation généralisée.

C’est pas moi, c’est l’autre qui a commencé. Infantilisation, donc, mais déresponsabilisation, surtout : C’est pas ma faute, vu que je suis arabe.. Et ces grands enfants ayant la force d’adultes, voilà qui débouche sur les violences qu’on sait. On veut tout, tout de suite. À n’importe quel prix, au mépris des éventuelles conséquences. Sans réfléchir, sans se projeter dans l’avenir. C’est la tyrannie du désir immédiat allant de pair avec la frustration du plaisir inassouvi.

Bienvenue dans le plus con des mondes. Le nôtre, malheureusement.

9792 vues

05 septembre 2017 à 19:52

Pas encore abonné à La Quotidienne de BV ?

Abonnez-vous en quelques secondes ! Vous recevrez chaque matin par email les articles d'actualité de Boulevard Voltaire.

Vous pourrez vous désabonner à tout moment. C'est parti !

Je m'inscris gratuitement

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.