L’édito de Elle, cette semaine, est touchant. On y voit Marie Trintignant pensive, serrant une veste autour de ses épaules, fixant de ses grands yeux bruns l’objectif du photographe… avec ce titre : "Au nom de Marie".

Il est une réponse à la une des Inrocks montrant Bertrand Cantat. Et la douceur triste de l’une fait ressortir la brutalité mal rasée de l’autre. C’était le but, bien sûr.

Quand la dure réalité s’invite, il faut bien revenir aux fondamentaux : oui, le destin tragique de Marie Trintignant émeut. Parce qu’elle était une jeune femme. Parce qu’on imagine ses dernières heures. Parce qu’on pense à ses enfants privés de leur mère, parce qu’on revoit ses vieux parents, à l’enterrement, vieillards brisés par le chagrin. Et papa aura beau porter une robe, tonton mettre du rouge à lèvres et pépé enfiler des bas résille, la force physique restera un apanage masculin.

La concomitance de l'indignation Cantat avec le scandale Weinstein - qui a suscité le hashtag #BalanceTonPorc - fait réfléchir.

Alors quoi ?

Alors, il faut peut-être reconnaître que l’égalité entre homme et femme ne se conçoit, disons-le, que sur un plan intellectuel : on peut toujours essayer de transcrire violeur en écriture inclusive, ça ne fonctionne pas, et une cougar entreprenante, une "Weinsteinette" qui tenterait de coincer un éphèbe contre le mur, se ferait immédiatement tordre un bras.

Cette égalité ne peut donc s’épanouir que lorsque l’homme « respecte » la femme. C’est tout l’objet d’un récent article paru dans Le Huffington Post, sous la plume d’une certaine Marine Le Breton : "#BalanceTonPorc : plutôt que d’apprendre la self-défense à ses filles, apprendre le respect à ses garçons." Et de citer Christine Barois, psychiatre et pédopsychiatre : "Je crois en une certaine valeur de l’exemplarité, on peut aussi les interroger : parlerais-tu ainsi à ta mère ou à ta grand-mère ? Ou leur dire que leur père ne parlerait pas comme ça aux femmes." Puis Carole Bloch, psychothérapeute : "La base, c’est de leur apprendre que la femme n’est pas un objet."

Alors, plutôt que se retrancher derrière un hashtag agressif et vulgaire, un anonyme avatar permettant sans danger de jouer au corbeau et, dans ce grand déballage, de salir la réputation de tel ou tel, mélangeant dans un confus gloubi-boulga compliment et harcèlement, courtoisie et lourdinguerie, il faut peut-être se poser les bonnes questions…

Qui donc, depuis plusieurs années, a fait de la femme « un objet », comme dit la psychothérapeute, tournant en dérision le respect, la décence, la retenue, enfin tous ces mots ridicules, boutonnés jusqu’en haut avec un grand balai dans le dos, qui avaient peut-être engendré quelques parangons de vertu parlant pointu passablement exaspérants, mais dont on comprend soudain, maintenant qu’ils ont disparu, l’immense utilité ?

Qui a banalisé la sexualité, l’abordant de façon triviale et hygiéniste dès l’école primaire, en bannissant toute dimension sacrée, mystérieuse, responsable, la subordonnant à une seule exigence, morne comme un bout de latex, laissant supposer qu’un acte sexuel avec son voisin n’engage pas plus qu’une partie de Trivial Pursuit ? Weinstein aimait peut-être les jeux de société ?

Qui a laissé proliférer avec gourmandise à la télé, au cinéma, dans les bouquins - y compris enfantins - scènes scatologiques, descriptions graveleuses, commentaires obscènes ?

Qui travaille sans relâche à décorréler la sexualité de la procréation, la féminité de la maternité, rendant inopérante l’injonction du psychiatre de se référer à l’image de la mère et grand-mère ?

Qui a voulu éradiquer la galanterie, celle qui enseignait de ne jamais frapper une fille même avec une rose, cet hommage de la virilité à la féminité, cette servitude volontaire, cette juste cession consentie à la femme de la part de force physique qui lui fait défaut… pour un peu plus d’égalité ?

Oui, les filles, qui est responsable ?

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17 octobre 2017 à 20:30

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