« Adoptez un poilu ! » ou comment souiller la mémoire de nos soldats

poilus

À l’occasion des commémorations de la Grande Guerre, les poilus ont décidément de quoi se retourner dans leur tombe ! Au printemps dernier, déjà, les plus hautes autorités de l’État n’avaient rien trouvé de mieux que de faire dévaler au pas de course des milliers de jeunes Français et Allemands dans les allées du cimetière militaire de la nécropole nationale de Douaumont. Libre alors, à ces adolescents, que l’on suppose instrumentalisés, de piétiner la sépulture de leurs ancêtres morts pour la patrie cent ans plus tôt, sous le regard attendri de François Hollande et Angela Merkel. Il s’en est fallu de peu qu'on voie les commémorations se conclure par des selfies pris sur les tombes des soldats disparus et postés sur les réseaux sociaux !

On pensait avoir touché le fond avec cette "profanation" mais il n’en est rien. Jugez plutôt : les archives départementales des Yvelines ont récemment lancé une initiative baptisée… "Adoptez un poilu !" Une référence à peine implicite au site de rencontre adopteunmec.com. Sous couvert de "projet scientifique d’envergure nationale" visant à "mieux connaître les parcours des soldats", cette démarche laisse perplexe. Que penser, en effet, des "points attribués à chaque fois que l’on adopte un poilu" et qui "permettent de monter en grade et recevoir des trophées numériques" ? Et que dire, encore, des "défis" lancés sur la page Facebook consacrée à ce projet ?

Dans une vidéo de présentation, un inspecteur de l’Éducation nationale va jusqu’à se féliciter de l’occasion que représente un tel dispositif pour les enseignants et leurs élèves. C’est dire... Faut-il rappeler à ces démagogues d’un nouveau genre que la guerre n’est pas un jeu et que le déluge ininterrompu d’obus qui déchiquetaient les corps des poilus ne leur donnait pas le droit à des points qu’ils pouvaient exhiber sur la vulgaire page d’un réseau social... Bref, autant d’initiatives délirantes qui constituent un réel affront pour les millions de Français qui, comme moi, ont dans leur famille un aïeul tombé au combat dans les tranchées entre 1914 et 1918.

C’est pourquoi j’ai décidé de réagir vivement dans mon dernier livre intitulé Génération treillis, où je dénonce justement, dès les premières pages, le comportement de ces responsables en charge de la jeunesse convaincus qu’il faut brader notre histoire nationale pour que celle-ci suscite l’intérêt des jeunes générations. Quitte à extirper des manuels scolaires des figures historiques du récit national et les remplacer par des chapitres entiers faisant l’apologie de civilisations venues de l’autre rive de la Méditerranée. Nos ancêtres les Gaulois n’ont qu’à bien se tenir... Nos poilus, eux, ne sont plus là pour se défendre et c’est à nous, leurs descendants directs, de reprendre le flambeau pour lutter contre ces trafiquants de mémoire.

Véronique Bouzou
Véronique Bouzou
Professeur de lettres modernes

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