1er juin 1958 : de Gaulle est investi chef du gouvernement

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Le 1er juin 1958, il y a soixante ans, l’Assemblée nationale investissait le général de Gaulle président du Conseil, c’est-à-dire chef du gouvernement – le vingt-deuxième et dernier gouvernement de la IVe République –, par 329 voix contre 224. De Gaulle n’assista pas au vote des députés. Il laissa cela au socialiste Guy Mollet, vice-président du Conseil désigné, ayant quitté l’Hémicycle immédiatement après être monté à la tribune pour y prononcer un très bref discours : sept minutes ! Sept minutes pour demander aux députés les pleins pouvoirs pour six mois. Avec un double mandat : le rétablissement de l’autorité de l’État et la préparation d’une réforme constitutionnelle qui sera proposée au pays par voie de référendum.

Comme le déclara à la tribune Pierre Mendès France, qui refusa de voter l’investiture au Général, "la IVe République périt de ses propres fautes". Ses fautes ? Son impuissance à résoudre la crise algérienne : une guerre qui ne disait pas encore son nom et qui durait depuis presque quatre ans.

Début mai, c’est la désignation de Pierre Pflimlin comme nouveau président du Conseil qui avait précipité les choses. En effet, celui-ci était favorable à une négociation avec le Front de libération nationale (FLN), perspective évidemment inacceptable pour les partisans du maintien de l’Algérie dans la France. Le 13 mai, ils organisent une manifestation à Alger. Un comité de salut public est créé sous la présidence du général Massu qui, le lendemain, lance cet appel : "Le comité de salut public supplie le général de Gaulle de bien vouloir rompre le silence en vue de la constitution d’un gouvernement de salut public qui seul peut sauver l’Algérie de l’abandon." Le 15 mai, le général Salan lance du balcon du gouvernement d’Alger "Vive la France ! Vive l’Algérie française !" et, après s’être retourné vers l’intérieur du bâtiment, revenant au micro, "Vive de Gaulle !"

Tout, ensuite, va aller très vite. Depuis Colombey-les-Deux-Églises, le 15 mai, de Gaulle rompt un silence de trois années. "La dégradation de l'État entraîne infailliblement l'éloignement des peuples associés, le trouble dans l'armée au combat, la dislocation nationale, la perte de l'indépendance. Depuis douze ans, la France, aux prises avec des problèmes trop rudes pour le régime des partis, est engagée dans ce processus désastreux. Naguère, le pays dans ses profondeurs m'a fait confiance pour le conduire tout entier jusqu'à son salut. Aujourd'hui, devant les épreuves qui montent de nouveau vers lui, qu'il sache que je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République."

Le 19 mai, de Gaulle vient à Paris et donne une conférence de presse durant laquelle il lance cette fameuse boutade : "Est-ce que j’ai jamais attenté aux libertés publiques fondamentales ? Je les ai rétablies. Croit-on qu’à 67 ans, je vais commencer une carrière de dictateur ?" De Gaulle ne voulait pas qu’on lui reprochât de tenir son pouvoir d'un coup de force. L’Humanité n’avait-il pas titré "Alerte au fascisme ! Coup de force à Alger" et L’Est républicain "Coup d’État à Alger" ?

Le 27 mai, le général de Gaulle avance un peu plus ses pièces en déclarant, dans un nouveau communiqué : "J’ai entamé hier le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain capable d’assurer l’unité et l’indépendance du pays." Le 29 mai, le gouvernement Pflimlin démissionne. De Gaulle, dans la soirée, rencontre à l'Élysée le président de la République, René Coty, qui annonce ensuite avoir fait appel au "plus illustre des Français". De Gaulle annonce ses conditions pour former un gouvernement : les pleins pouvoirs et la mission de présenter au pays une nouvelle Constitution. Après un retour à Colombey, il revient à Paris le 31 mai. Et le 1er juin, à 15 heures, il fait son entrée à l’Assemblée.

Moins de quatre mois après, le 28 septembre, la nouvelle Constitution sera approuvée par référendum avec 79,2 % de « oui » et promulguée par le Président Coty le 4 octobre. Le 21 décembre, de Gaulle sera élu président de la République par un collège électoral élargi et, le 8 janvier 1959, investi président de la République.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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