Vincent Badré : « La bataille de Verdun n’est pas absente de l’enseignement de l’histoire, mais est-elle bien comprise ? »

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Pour Vincent Badré, le texte officiel et les nouveaux programmes ne citent pas le nom de cette bataille, mais ils remettent en valeur le récit du déroulement de la guerre en corrigeant ce qu’avait d’excessif un regard plus tourné vers les tourments des soldats que vers leurs motivations. Explications au micro de Boulevard Voltaire.

La bataille de Verdun va-t-elle disparaître des programmes scolaires ? C’est la question que se sont posée de nombreux élus ainsi que bon nombre de professeurs. Selon vous, pourquoi cette polémique sur la bataille de Verdun ?

Parce que le mot de Verdun n’est pas dans le texte officiel. Il n’était pas, non plus, dans les textes officiels précédents. Si on regarde le contenu des nouveaux programmes, au contraire, ils remettent en valeur le récit du déroulement de la guerre, alors que les programmes précédents, mis en place sous Nicolas Sakozy ou François Hollande, avaient tendance à insister tout particulièrement sur le vécu et les souffrance des soldats pendant la guerre. Ces précédents programmes passaient assez vite sur le récit du déroulement de la guerre. On a donc une évolution contraire à la polémique puisqu'il s'agit de présenter une Histoire plus successive pour le tronc commun au lycée. Il est un peu difficile de suivre les nouveaux programmes d’Histoire sans parler de la bataille de Verdun. Verdun n’a pas du tout disparu. Au contraire, on risque d’en parler un peu plus.

Pourquoi mettre l’accent plutôt sur le ressenti des soldats davantage que sur le déroulé de la bataille, qui est en soi le fait historique ?

Parce que l’enseignement de l’Histoire est très lié au vécu contemporain et à la perception actuelle des choses. À titre d'exemple, j'ai le souvenir d’un élève qui m’explique que l’armée française avait été complètement irresponsable d’accepter de laisser combattre un jeune homme qui avait triché sur son âge pour s’engager à 15 ans. On ne pouvait normalement s’engager volontairement qu’à partir de 17 ans en devançant l’appel. Aujourd’hui, un jeune Français pourrait se dire qu’il est horrible de mettre un enfant en danger en acceptant qu’il aille combattre. Mais les mentalités de l’époque de la Première Guerre mondiale étaient, qu’on les apprécient ou non, différentes.

Pourquoi la bataille de Verdun revient-elle régulièrement dans l’actualité pour créer la polémique ?

La question des symboles de l’Histoire nationale est une question politique. On a besoin de symboles et de se rattacher à des éléments qui nous racontent notre Histoire. C’est un support pour une discussion sur le patriotisme. Nous, professeurs d’Histoire, avons besoin de faire comprendre la mentalité des personnes concernées, et donc d’accepter d’apprendre à connaître l’autre. Si on veut connaître l’autre de la Première Guerre mondiale, il faut savoir que les gens qui se sont engagés volontairement en devançant l’appel ou alors qu’ils avaient une mauvaise santé ont quand même voulu combattre. Ils étaient plus de 26.000, en 1914, 10.000, en 1915. Leur nombre a augmenté à la fin de la guerre pour remonter jusqu’à presque 20.000, en 1917, et 31.000, en 1918. Des gens ont été assez volontaires pour participer à la guerre, pour des raisons assez variées. Aujourd’hui, on a tendance à trouver cela étrange. C’est pour cela qu’on a un peu de mal à en parler ou qu’on les commémore de manière un peu bizarre. Ce sont des polémiques d’aujourd’hui...

Vincent Badré
Vincent Badré
Professeur d'histoire-géographie - Professeur en banlieue parisienne

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