Valéry Giscard d’Estaing, né sous Gaston Doumergue, mort sous Emmanuel Macron

valéry giscard d'estaing

Il avait à peine 48 ans lorsqu’il fut élu président de la République en 1974. 46 ans plus tard, autant dire un demi-siècle, Valéry Giscard d’Estaing vient de mourir, dans sa 95e année. De Gaston Doumergue à Emmanuel Macron, en quelque sorte.

Né en 1926, il s’en fallut de trois ans pour que Valéry René Marie Georges naisse Giscard tout court. Edmond, son père, qui se piquait de noblesse, avait obtenu, en 1923, un décret du Conseil d’État l’autorisant à ajouter à son patronyme le nom d’une arrière-arrière-grand-mère. Né avec une cuillère en argent dans la bouche, Valéry Giscard d'Estaing réussira tout, très vite, très jeune, pour finalement s’installer définitivement sur le trône de l'« Ex ».

Très jeune et très vite : la guerre. Durant l’été 1944, après la libération de Paris, il s’engage à 18 ans dans la 1e armée du général de Lattre. Huit mois de campagne qui vaudront au brigadier Giscard d'Estaing la croix de guerre, ce qui n'est pas mal à 19 ans. Polytechnique puis, dans la foulée, la toute jeune École nationale d’administration, le corps prestigieux de l’inspection des finances (comme papa), le jeune Giscard d’Estaing, faute de titre de noblesse, emprunte à grandes enjambées la voix royale. En 1952, ce fils de décoré de la Francisque épouse Anne-Aymone de Brantes, fille d’un comte romain, officier de cavalerie, résistant mort en déportation.

Très jeune et très vite, la politique. Pendant quelques mois, en 1955, il est directeur adjoint du cabinet d’Edgar Faure, président du Conseil, et, l’année suivante, à 30 ans tout juste, il devient député du Puy-de-Dôme, succédant à son grand-père maternel Jacques Bardoux (1874-1959) sous l’étiquette du Centre national des indépendants et paysans (CNIP), parti fondé en 1949 et qui comptera, dans ses rangs, des hommes comme René Coty, Antoine Pinay et, comme apparenté à l’Assemblée nationale, en 1958… Jean-Marie Le Pen.

Giscard enchaînera ensuite les mandats et gagnera toutes les élections auxquelles il se présentera durant sa très longue carrière – sauf la présidentielle de 1981, évidemment, et l'élection municipale à Clermont-Ferrand, en 1995, où il échoua à faire tomber la gauche socialo-communiste. Élections législatives (11 fois candidat, 11 fois élu), cantonales (3 fois candidat, 3 fois élu), municipales (1 fois candidat, 1 fois élu maire de Chamalières), régionales en Auvergne (3 fois candidat, 3 fois élu), européennes (1 fois candidat, 1 fois élu) et, enfin, l’Académie française (1 fois candidat, 1 fois élu !). Un palmarès électoral, notamment local, qui rend ineptes les comparaisons que l’on a pu faire entre Giscard et Macron qui, lui, n'a même pas été conseiller municipal.

Très jeune et très vite, le gouvernement. Secrétaire d’État à 33 ans dans le gouvernement de Michel Debré, puis ministre des Finances et des Affaires économiques dans les gouvernements Debré et Pompidou et, enfin, ministre d’État et ministre de l’Économie et des Finances des gouvernements Chaban et Messmer, Giscard s’identifiera à la prospérité économique des années 60 jusqu’au moment où la crise pétrolière de 1973 mit fin à la fête. Notons qu’avec la disparition de Giscard, il ne reste plus qu’un ministre du général de Gaulle encore en vie : un certain Jacques Trorial, secrétaire d'État à l’Éducation nationale de juillet 1968 à avril 1969.

Très jeune, enfin, président de la République. La campagne de 1974, tambour battant aux accents du « Chant du départ », Giscard, une fois à la barre, remonte à pied les Champs-Élysées, fait jouer « la Marseillaise » au rythme du « God Save the Queen », jette la jaquette aux orties pour se faire tirer le portrait officiel en paysage, lui qui faisait le baise-main et voussoyait sa femme. Puis la France à l'heure dîner ou du laitier et même jusqu'au fond des yeux jusqu'à cet au revoir pathétique, alors que son successeur, décoré de la Francisque, s’apprêtait, sans rire, à changer la vie aux accents du socialisme.

Que retenir du septennat de VGE ? La loi autorisant l’avortement, histoire de bousculer la bourgeoisie catholique qui avait contribué à porter au pouvoir ce jeune homme si bien élevé ? Ou bien Giscard laissant Chirac décider par simple décret le regroupement familial ? Il confiera, en 2018, à son biographe, de ne pas avoir surveillé l’application de cette décision. Ou bien, enfin, Giscard, chef des armées, nommant le général Bigeard secrétaire d’État et ordonnant à la Légion de sauter sur Kolwezi ?

Très jeune, très vite. Et puis, après, très longtemps, très lentement, avant d'entrer dans l'Histoire. Au rythme de sa « Marseillaise », finalement.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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