Ursula von der Leyen nous joue de la flûte…

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Oui, je sais, c’est rare et baroque : j’ai toujours eu un faible pour la langue allemande.

Quand j’étais lycéenne puis étudiante, il était de bon ton de « faire » espagnol. On aurait vendu sa mère pour un programme Erasmus sous le soleil de Séville mais on ne se bousculait pas pour tâter du ciel gris de Stuttgart. Étant entendu que, dans l'imaginaire collectif juvénile, l’Allemagne est une fourmi qui se lève tôt et l’Espagne une cigale qui se couche tard, le choix était vite fait.

On pensait naïvement (avant de les avoir suivis) que, pendant les cours d’espagnol, on jouait des castagnettes et on dansait le flamenco. Penses-tu. À ceux qui me vantaient les charmes du bassin méditerranéen, je vantais ceux du bassin d’emploi… Non, la langue allemande n’est pas gutturale et pénible à écouter ; comment, sinon, aurait-elle donné tant de poètes ? Non, ceux qui la parlent ne sont pas des rustres à casque à pointe, hermétiques à nos finesses latines. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire La Dernière à l’échafaud, qui inspira Le Dialogue des carmélites. Gertrud von Le Fort (d’où Blanche de la Force, vous suivez ?) y exprime mieux les finesses de « l’âme française » que ce plagiaire de Bernanos.

Oui, je sais, c’est assez étrange, presque inavouable : j’ai aussi un faible pour Ursula von der Leyen. Son côté famille von Trapp, sans doute. Issue d’une fratrie de sept enfants, elle a fondé - et dans son pays, c’est fort rare - la même famille nombreuse, menant sa vie de mère XXL de front avec la brillante carrière que l’on sait. Elle affiche, sur son profil Twitter, « President of the EU Commission, Mother of seven » comme deux titres de gloire d’égale importance. On peut même voir sa progéniture au violon dans un portrait qu’a fait d’elle Paris Match, en 2013. La mélodie du bonheur, on vous dit, et que voulez-vous, on ne se refait pas… ça me plaît !

Mais hier, c’est plutôt de la flûte, qu’elle nous a joué. Un refrain éculé.

« Je suis choquée et attristée par l'attaque brutale de Vienne. Mes pensées vont aux familles des victimes et à la population autrichienne. L'Europe se tient aux côtés de l'Autriche en toute solidarité. Nous sommes plus forts que la haine et la terreur. »

Certains disent que le problème constant des Allemands, dans l’Histoire, serait justement d’ordre linguistique… ils n’ont qu’un mot pour dire fierté et orgueil : der Stolz.

Ach, meine liebe Ursula, il va falloir en finir avec ce double Stolz pour renouer avec la Demut (l’humilité). Car l’Europe n’a pas de quoi être fière, encore moins orgueilleuse. Elle ne se tient au côté de personne et n’est pas plus forte, du tout, que la haine ou la terreur. Elle est même liquéfiée, tétanisée et impuissante… tout au plus, en creux et malgré elle, retrouve-t-elle une forme d’identité, celle qu’elle a voulu obérer, nier, oublier, cherchant l'union de toutes les façons (politiques, juridiques, économiques...), mais jamais, ô grand jamais, de celle-là, la plus intrinsèque pourtant. Plus qu’aucun autre, l’attentat de lundi soir le montre : les islamistes ciblent l’Europe non pour ce qu’elle fait (de quelle caricature, de quelle colonisation s’est rendue coupable l’Autriche ?) mais pour ce qu’elle est. Et si l’Europe ne sait pas qui elle est, les islamistes, eux, le savent.

En ces temps d'exactions et de décapitations sans échafaud, il nous faudrait une Ursula de la Force. Las, elle n’existe pas et il se dit que les descendants de Bernanos sont antifas.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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