Zemmour au Bataclan : surjouer l’indignation pour éluder le fond
Souvenez-vous, c’était au moment des gilets jaunes. Une jeune chanteuse, Marguerite, avait rencontré un vif succès sur les réseaux sociaux, en reprenant, avec talent, la célèbre chanson de Michel Fugain « Les gentils, les méchants ».
Un refrain déclinable à l'infini, qui pourrait illustrer à merveille les polémiques du week-end.
Qu’est-ce qui est très gentil ? Les gentils/Qu’est-ce qui est très méchant ? Les méchants.
À qui tout est permis ? Les gentils/Qui n’a pas le droit de se rendre devant le Bataclan ? Les méchants.
Le méchant Éric Zemmour « instrumentalise » les attentats pour accuser François Hollande. Ce n’est pas gentil !
Même Michel Barnier, sur BFM TV, trouve que la « provocation » d’Éric Zemmour « n’est pas très digne ». On demande des comptes dans toutes les professions, mais pas au gouvernement. Cela manque de classe. Tenons-nous-le pour dit.
Quant à la gentille Raquel Guarrido, elle juge le méchant Zemmour « indécent », car ses propos empêchent la « réconciliation y compris avec les terroristes ». Comment voulez-vous que ces méchants redeviennent gentils si l’on est si méchant avec eux ? Le raisonnement s’applique-t-il aussi aux nazis, aux serial killers, aux pédophiles ? Ou, tiens, à Éric Zemmour lui-même, méchant parmi les méchants, pour lequel elle ne semble pas déborder de mansuétude ni d'esprit de miséricorde.
En dehors de la droite, la saillie n’a pas fait tellement réagir. Aucun membre de LFI n’a pris ses distances. Il est vrai que Raquel Guarrido n’a fait qu’exprimer tout haut la philosophie sous-jacente à gauche, celle que l’on a pu lire entre les lignes dans la presse durant ces semaines de procès.*
Dans son dernier opus La Fin de la chrétienté, Chantal Delsol explique finement que de la même façon que le christianisme a pu prendre racine en Gaule païenne grâce à un processus d’acculturation, notre monde progressiste s’arrime sur les vertus civilisatrices dudit christianisme pour le vampiriser, le vider de sa réelle substance et, in fine, les tuer. Ce sont les fameuses vertus devenues folles de Chesterton… pas si folles, les guêpes. Elles œuvrent toutes dans la même direction, celle du camp des gentils.
Parmi les parents du Bataclan, il y a aussi les gentils et les méchants : Seuls les « résilients », ceux qui affirment s'être reconstruits et avoir dépassé leur esprit de vengeance ou de rancœur - en résumé, les « vous-n’aurez-pas-ma-haine » -, sont montrés en exemple dans des articles laudatifs du Monde et Libération. Un Patrick Jardin - dont les propos sont peut-être virulents, mais qui peut garantir, si l’on assassine son enfant, qu’il n’aura que des propos mesurés et policés ? - a été, lui, qualifié par Le Monde de « père haineux » faisant montre de « militantisme d’extrême droite virulent ».
La réconciliation, le pardon sont spirituels, individuels, dans le temps long, demandent un effort de volonté surhumain qui n’exclut, pour un parent ainsi crucifié, ni le temps de la douleur révoltée ni le droit légitime à la justice.
Se servir de ce mot aux effluves de sacristie pour paralyser la critique, annihiler la capacité de réaction de tout un pays et ses réflexes naturels de survie - vous en voulez aux terroristes ? À celui qui par sa légèreté les a laissés entrer ? Ce n’est pas gentil, c’est même très méchant ! Vous manquez de grandeur d’âme - est, quand en sus on milite à LFI, d’un cynisme remarquable.
C’est comme un guignol spectacle permanent, chantait Michel Fugain.
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