Le Tchad et Trump : la paille et la poutre
Le Tchad revient sur le devant de la scène politique depuis que Donald Trump l’a placé sur la liste noire des États dont les ressortissants sont interdits d’entrée aux USA. L’ambassade des États-Unis n’a pas autorisé les diplomates tchadiens à se rendre à la 72e Assemblée générale de l’ONU, empêchant le président Idriss Déby d’aller à New York.
Sur cette liste noire revisitée : la Libye, la Syrie, l’Irak, l’Iran, le Yémen et la Somalie, la Corée du Nord, le Venezuela et le Tchad. Le Soudan en sort : c’est le couronnement d’un long travail américain visant à la normalisation des relations du Soudan avec Israël, confirmée par les déclarations récentes de Mubarak al-Fadil al-Mahdi, ministre soudanais de l’investissement étranger.
Les éléments islamistes du Soudan (ancrés depuis l’essor du mouvement mahdiste qui prendra Khartoum en 1885 et établira un califat jusqu’en 1899) se sont déjà repliés… au Tchad.
Il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte pour comprendre que ce pays, au cœur du Sahel, sans frontières naturelles défendables, est la base de repli rêvée pour ces groupes, tous rivaux, porteurs de l’idéologie salafiste : islamistes du Soudan, djihadistes de Libye, Al-Qaïda du Mali/Niger, Boko Haram du Nigeria.
Le Tchad est donc très vulnérable et, par là même, contraint à composer, d’où son soutien affiché aux groupes musulmans, comme lors de la crise centrafricaine de 2013.
Il n’en fallait pas plus pour que des ONG américaines (agences de renseignement) alertent la Maison-Blanche sur "la prolifération locale de courants islamistes dangereux tolérés voire autorisés par Idriss Déby".
Le Tchad est fermement opposé à l'islamisme radical, car sa menace sur la souveraineté est réelle, c’est pourquoi il abrite le poste de commandement de l’opération française Barkhane, fer de lance de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, et qu’il accueille… une base de drones américains !
Pourtant, Trump estime que "le Tchad ne partage pas suffisamment les informations liées au terrorisme et à la sécurité publique"…
En outre, il joue les « pères la vertu » suite aux révélations de journalistes d’investigation sur l’enrichissement personnel de la famille Déby, ayant acquis des propriétés au Canada en utilisant les ressources du pays. Blacklister le Tchad ne facilitera pas du tout, aujourd’hui, l’action internationale contre les islamistes au Sahel : une erreur qui aura de lourdes conséquences et contribuera à rejeter ce pays, musulman, vers l’islamisme.
La parabole de « la paille et la poutre » aurait dû inciter Trump à plus de modération.
En Afghanistan, les États-Unis ont assis leur présence sur leurs relations, voire leur connivence, avec nombre de chefs de guerre locaux souvent grassement rétribués.
Et on n’évoquera pas la ténébreuse histoire de Ben Laden ni, en Afghanistan, cet argent des services secrets "ayant servi à financer les vastes réseaux clientélistes qui ont permis à M. Karzai de consolider son pouvoir" (New York Times).
Quant aux attaques familiales, Donald Trump devrait s’intéresser d’abord à son propre entourage, à celui de son gendre Jared Kushner, par exemple. Son père Charles, promoteur immobilier, fondateur en 1985 de Kushner Companies, est un magnat de l’immobilier, comme Trump (c’est comme cela qu’Ivanka et Jared se sont connus). Il a d’abord été condamné en 2004 à une amende de 508.000 dollars pour contribution illicite à la campagne démocrate, puis en 2005 pour dix-huit chefs d’accusation dont fraude, évasion fiscale et surtout manipulation de témoin, à deux ans de prison ferme, purgés notamment au camp Montgomery (Alabama). Aujourd’hui patron de Kushner Companies, l’héritier Jared fait l’objet d’une injonction "subpoena" du procureur général concernant le financement du groupe, notamment ses liens avec des banques israéliennes.
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