Supprimer le poste de Premier ministre ? Une très mauvaise idée

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L’ancien Président Hollande a souhaité que l’on aille "jusqu'au bout de la logique qui [lui] paraît être finalement celle de la Ve République dans sa modernité : un Parlement qui ressemblera à bien des égards au pouvoir du Congrès américain [...] et un président de la République élu pour cinq ans, qui doit remplir son mandat et qui est forcément le chef de la majorité". Il précise : "[…] le président de la République doit être le seul chef de l'exécutif, donc plus de Premier ministre, plus de responsabilité devant le Parlement, plus de droit de dissolution du président de la République pour l'Assemblée nationale".

En fait, une telle proposition irait jusqu’au bout… de la déconstruction de la Ve République. À la base, la Ve République est un parlementarisme maîtrisé et contenu. Il est tout à fait exact que la Constitution prévoit un exécutif à deux têtes. Mais elles ne sont pas au même niveau. C’est le Premier ministre qui « détermine et conduit la politique de la nation ». La stature historique du général de Gaulle a fait oublier cela. Mais le Président, en cas de cohabitation, doit bel et bien s’incliner devant le Premier ministre en tant que celui-ci est appuyé par une majorité à l’Assemblée nationale.

Même si ces périodes de cohabitation ne sont pas souhaitables, elles montrent justement que notre Constitution y résiste, et même très bien. En cas de suppression du poste de Premier ministre, le Président serait en première ligne. Comme il ne peut être responsable devant le Parlement, une évolution à l’américaine serait indispensable. L’inconvénient, c’est que cette évolution paralyse souvent le pouvoir. Nous perdrions donc le principal avantage de la Constitution de la Ve : la capacité d’action.

Là où Hollande n’a pas tout à fait tort, c’est en soulignant les problèmes de la situation actuelle. En dehors des empiétements de plus en plus massifs du gouvernement des juges, notre Constitution souffre d’un énorme défaut depuis l’an 2000. C’est le quinquennat, acquis par un référendum avec 70 % d’abstention, et c’est l’inversion du calendrier électoral. Cela a amené une dévalorisation dramatique de la perception de l’enjeu des élections législatives, et cela a amené, au final, une dévalorisation du rôle du Parlement, déjà menacé depuis des décennies par les dérives technocratiques des gouvernements.

Il serait donc nécessaire de découpler à nouveau les élections présidentielles et législatives par le retour au septennat, dont on ne voit pas pourquoi il ne serait pas renouvelable. Il serait, aussi, logique que le Président, chef de l’État, ne préside pas le Conseil des ministres, ce qui est la tâche du Premier ministre, sauf cas exceptionnels de crise internationale. Ce n’est pas au Président de s’impliquer dans de multiples lois dont l’immense majorité ne porte pas sur l’essentiel.

Pour autant, le Président ne serait pas un simple arbitre, il serait un garant suprême des intérêts de la nation. Le Président ne serait pas collé au quotidien. Il pourrait prendre recul et distance et resterait le premier représentant de notre pays vis-à-vis du monde et le chef des armées. Il garderait le moyen de dénouer des crises, en gardant bien entendu son pouvoir de dissolution et son pouvoir de référendum. Cela n’empêche pas que pourrait être créé un large pouvoir de référendum d’initiative populaire.

Enfin, si une dose sérieuse de proportionnelle est indispensable (de l’ordre de 25 %), le pays ne peut être gouvernable avec une proportionnelle intégrale. Un correctif majoritaire avec un scrutin de circonscription est nécessaire, ou une proportionnelle avec prime majoritaire. Dans le même ordre de préoccupation, l’article 49-3 doit impérativement être maintenu afin d’assurer que le Parlement soit un outil de la décision, et non un obstacle à la décision.

Oui, notre Constitution doit changer, mais pour en finir avec la dérive du quinquennat et revenir à ce qu’elle avait de meilleur en 1958.

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Pierre Le Vigan
Écrivain, journaliste, juriste

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