"On n'en peut plus, on ne sait plus à qui se confier et où se situe notre avenir."

Voilà ce qu'ont dû ruminer les huit policiers et les deux gendarmes avant de mettre fin à leurs jours la semaine dernière. Comme le souligne Le Parisien, en une semaine, le commissaire Antoine Boutonnet, ancien responsable de la lutte contre le hooliganisme, un capitaine de 45 ans du commissariat d'Alfortville (Val-de-Marne) et trois gardiens de la paix dont deux femmes ont mis fin à leurs jours. La première, âgée de 32 ans, agent de la police aux frontières (PAF), a été découverte pendue dans un centre de rétention, la seconde s'est tuée avec un fusil de chasse dans un bois.

Depuis le début de l'année, ce sont 47 policiers et 16 gendarmes qui se sont suicidés. Le chiffre de 2016 (43) était dépassé dés la fin septembre. Depuis 25 ans, 1.135 policiers ont mis fin à leurs jours. On le voit, le plan anti-suicide validé par l'ex-ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve est loin d'être convaincant.

Pourtant, au ministère, les cerveaux s'activent et phosphorent au maximum car ces morts constituent un sujet particulièrement dramatique. J'en sais quelque chose, ayant eu moi-même un gendarme qui s'est tué avec son arme de service. Or, les autorités atténuent souvent certaines causes en niant les difficultés de service, camouflant ainsi en partie la réalité du quotidien à laquelle est confronté le policier.

Mais quelles sont les raisons possibles d'un tel acte autodestructeur dans la police ?

D'abord des raisons personnelles : lorsque des problèmes familiaux (divorce, adultère, relations difficiles parents ou enfants) arrivent à leur paroxysme, des individus plus vulnérables peuvent disjoncter. De la même manière, les problèmes de maladies graves, d'argent, d'addiction peuvent aussi pousser les fonctionnaires à retourner leurs armes contre eux-mêmes.

Tout citoyen peut avoir un coup de blues, un "pet au casque", comme on dit dans l'armée, mais tout citoyen n'a pas la chance ou plutôt la malchance d'avoir dans sa table de nuit un 9 mm parabellum. Comme le souligne une source ministérielle pour les policiers : "L'autorisation de pouvoir prendre son arme chez soi en raison de la menace d'attentats a pu être un élément facilitateur."

Ensuite des raisons professionnelles : "La problématique du suicide est multifonctionnelle mais les mauvaises conditions de travail, le manque de considération, un management parfois trop rude sont des réalités que l'on ne peut exclure", soulignait Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat Alliance. De plus, les tracas professionnels induisent la causalité privée, c'est souvent le mélange des deux qui va entraîner l'implosion.

Enfin, il est primordial de mentionner ce qui apparaît comme une constante dans de nombreux cas, la manière dont se voient traiter les fonctionnaires à la fois par les "racailles" de banlieues, la justice et les grands médias. Pris entre ces différents étaux, ils se retrouvent finalement désavoués par une hiérarchie aux ordres, une justice idéologisée et la pensée unique retranscrite par les médias "mainstream".

Car comment peuvent-ils ne pas être blessés quand ils voient à la télévision le président de la République de l'époque s'épancher au chevet de Théo. Comment ne seraient-ils pas désespérés quand ce dernier salue chez l'interpellé "un jeune qui a toujours été connu pour un comportement exemplaire" ?

Il est clair que les banlieues difficiles provoquent découragement, colère et engendrent la peur. Les dernières manifestations de ras-le-bol en dehors des syndicats des forces de l'ordre en sont le parfait reflet.

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18 novembre 2017 à 18:19

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