[STRICTEMENT PERSONNEL] Le premier des Mohicans

Dominique Jamet

Pourquoi ne pas le reconnaître ? Pourquoi nier l’évidence ? Emmanuel Macron a été brillant, l’autre soir, lors de son « seul en scène » simultanément diffusé, à l’heure de la plus grande écoute, sur TF1, France 2 et quelques autres chaînes-relais, ce qui nous rappelait opportunément que parmi tous les dons qu’il a reçus à sa naissance figure celui de l’ubiquité. Il est vrai qu’il y interprétait le personnage qu’il préfère, dans son rôle favori, maître de lui-même comme de l’univers, ou peu s’en faut, sur le devant du grand théâtre du monde. Chef d’État, et désormais chef de guerre. Ayant perdu ses dernières illusions de jeunesse et encore gagné en expérience, en savoir-faire. Et en faire savoir ?

Plutôt clair, net, et même relativement concis, le président de la République avait pris le parti de sortir de l’ambiguïté, à ses risques et périls, quitte à jouer l’atout maître des dirigeants en temps de crise internationale, autrement dit la carte de la peur. « La France », a-t-il martelé, « ne laissera pas tomber l’Ukraine. Elle honorera ses requêtes, autant qu’elle le pourra, et aussi longtemps qu’il le faudra. La Russie ne doit pas et ne peut pas gagner la guerre. Nous poursuivrons et même nous accentuerons notre effort. Nous mettrons à la disposition de notre allié tous les armements, toutes les munitions, tous les moyens techniques qui font si cruellement défaut à notre armée. » Jusqu’à quel niveau ? « Rien n’est exclu. » Jusqu’à quelle date ? « Tout est ouvert. » Jusqu’à entrer en guerre ? Contre celui qu’il appelle « l’adversaire », « l’ennemi », qu’il qualifie de « criminel » ? « Nous verrons bien. »

Que de chemin parcouru depuis le début de l’opération spéciale. Le Président n’est pas le dernier à s’en étonner, avec une certaine candeur. On pense au Swann de La Recherche du temps perdu qui, ayant cessé d’être amoureux d’Odette de Crécy, ne comprend plus que celle-ci ait pu le faire à ce point s’abaisser, qu’il ait pu à ce point trembler, pleurer, souffrir, « et pour une femme qui n’était même pas mon type ! » Et dire, a gémi Emmanuel Macron, que j’ai passé des centaines d’heures au téléphone (sic) avec Vladimir Poutine, que je l’ai reçu comme un roi à Versailles, que j’ai répété pendant des mois qu’il ne fallait pas humilier la Russie et que celle-ci, du reste, n’avait pas tous les torts. Et tout ça pour quelqu’un dont je ne parle même pas la langue, avec qui je n’ai aucun goût commun, qui m’a fait asseoir au bas bout de sa grande table, sur des fauteuils plus bas que les siens. J’étais encore naïf. J’envisageais des rencontres discrètes, des négociations secrètes, la recherche de compromis, des concessions de part et d’autre, un cessez-le-feu, l’apaisement, la consultation des populations concernées, un modus vivendi et, pour finir, le rétablissement de la paix. Mon Dieu, que j’étais jeune ! Je croyais encore à la diplomatie et, c’est à peine si j’ose l’avouer, aux diplomates. J’ai mis bon ordre à cela. Croyez-moi, les amis, rien ne vaut une bonne guerre pour reléguer au second plan tous les problèmes gros, moyens et petits, qui sont apparemment insolubles en temps ordinaire, et accessoirement pour gagner les élections.

Ainsi pense (peut-être) le Président Macron. Ainsi va, en tout cas, ce bas monde où des historiens ignorants de l’Histoire, des sociologues ignorant la société et des philosophes ignorant la nature humaine ont cru pouvoir décréter que la guerre avait fait son temps et que les moyens de destruction que la science avait mis à la disposition des puissants de la Terre la rendaient tout simplement inconcevable. Des idéalistes qui péchaient par optimisme et des réalistes qui croyaient encore à la raison humaine avaient défendu cette thèse à la veille de la Première Guerre mondiale, pendant le bref entracte des années folles, et de nouveau après la fin de la guerre froide. L’actualité nous démontre surabondamment qu’il n’en est rien.

Les insensés qui voulaient croire à la victoire du bon sens sont priés de battre leur coulpe et de faire amende honorable. Les hommes de bonne volonté (pour reprendre le titre du roman-fleuve humaniste de Jules Romains) qui avaient prétendu mettre la guerre hors la loi sont invités à retrouver leurs esprits égarés comme le furent et le sont de nouveau les éternels empêcheurs de s’entretuer en rond qui préfèrent la paix au carnage. Les rodomonts, les matamores et les tranche-montagnes qui prolifèrent sur leurs canapés devant la télévision et sur les plateaux de télévision derrière leurs micros sont prêts, comme toujours, à combattre jusqu’au dernier Ukrainien et à mourir jusqu’au dernier Russe. Le Président Macron n’a pas manqué de fustiger comme il se devait les « lâches ». Il ne sera pas, qu’on se le dise, le dernier des « Munichois », mais bien le premier des Mohicans, prêt à prendre le sentier de la guerre qui est aussi le sentier de la gloire. Tout seul, s’il le faut. Comme un grand.

Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

48 commentaires

  1. La Russie ne peut pas et ne doit pas gagner la guerre… Comme si ce n’était pas déjà fait. Attention, on arrive ;enfin peut-être… comme en Pologne en 1940.

  2. Très juste et cela explique en partie pourquoi Macron s’est débarassé du corps diplomatique Il n’aurait pas fallu que quelqu’un trouve une issue à cette confrontation . Il fallait qu’il puisse entretenir cette tension guerrière au m oins jusqu’en 2027 avec des rebonds en 2024 . Une fois que l’on a dit cela , si la Russie ne doit pas gagner la guerre , on sait très bien que l’Ukraine ne la gagnera pas . Qu’est ce que l’on fait? On attend la fin des élection ?

  3. Personnellement, je n’ai pas trouvé Macron brilliant, car jamais je ne l’ai trouvé ainsi.
    Je ne suis jamais tombé dans le panneau de ses outrances.
    En revanche, il a été plus condescendant et obséquieux que jamais.
    Ce type est dangereux pour celles et ceux qui sont incapables de séparer le bon grain de l’ivraie.

  4. Fournir le matériel militaire qui fait cruellement défaut à notre armée….Une mise au point s’impose !

  5. Nous ne savons pas ce que ses généraux lui ont dit et ce n’est surement pas très flatteur pour l’Ego de Monsieur . Tout ceci ressemble plutôt à des manœuvres préliminaires pour obtenir les pleins pouvoirs , au cas où .

  6. Le problème c’est que ce n’est pas lui qui ira se battre. Ce sont des jeunes français qui verseront leur sang. Pourquoi ? Pour qui? Pour satisfaire la soif insatiable de pouvoir d’un ancien banquier qui se prend pour ce qu’il n’est pas. Faut-il il être fou pour envisager avec un tel aplomb envoyer des français faire la guerre contre la Russie ? Encore une preuve que l’on ne voit pas le monde de la même façon quand on n’a pas d’enfant. Par ailleurs Il nous a fait le coup avec le Covid, rappellons nous ses mots face aux français :  » c’est la guerre  » nous avait-il dit. Décidément c’est une obsession. Il aime faire peur pour se poser en sauveur. Sauf que jouer avec V. Poutine ce n’est plus du jeu. Les Européennes approchent et le RN risque de lui infliger l’humiliation qu’il redoute tant. Alors pour éviter cela oui c’est une idée, pourquoi ne pas déclencher la guerre à la Russie? Cet homme est dangereux.

  7. Seul bémol,pour les Français, c’est que celui qui décrète la guerre n’est pas celui qui va la faire… Ce sont nos pères, nos frères, nos enfants que Macron veut y envoyer… Lui, il dispose, sous l’Elysee, d’un abri anti atomique dans lequel il pourra attendre Avec quelques amis triés sur le volet, la fin des retombées pour en être exfiltré revêtu des combinaisons adéquates et aller ailleurs « organiser la résistance »… Mais je ne m’inquiète pas trop… Il s’agit seulement pour lui de tenter une combine contre le RN dont un sondage qui vient d’être révélé nous apprend qu’aujourd’hui, en cas de legislatives anticipées, il pourrait faite carton plein à l’Assemblée Nationale…

  8. L’immaturité de la jeunesse certes , mais elle ne peut excuser tout et elle n’a pas sa place lorsqu’il s’agit de mettre en jeu le devenir d’un pays et de ses habitants. n’est pas chef de guerre qui veut sauf à la guerre des boutons peut être.

    • En principe, la jeunesse est un défaut qui se corrige tous les jours. J’avais environ 25 ans lorsque, en « cours de répétition » (les Suisses comprendront), j’ai dû conduire un groupe de mes camarades dans un exercice de combat où nous devions détruire une patrouille ennemie figurée par des cibles (heureusement, nous tirions avec de la munition de guerre…). Par la suite, en y repensant, j’ai pris conscience que si, au lieu de cibles il s’était agi d’hommes de mon âge, peut-être mariés, pères de famille, j’aurais donné l’ordre de tirer DE LA MÊME MANIÈRE. À plus de 80 ans, je n’a pas oublié.

  9. Il semble surtout que l’étude de l’IPSOS datée de décembre, et jusqu’ici tenue secrète, qui prévoyait en cas de dissolution de l’Assemblée nationale et de législatives anticipées, que le RN obtiendrait entre 243 et 305 sièges de députés, soit la majorité relative voire absolue (fixée à 289 sièges), ait fait à notre président Macron l’effet d’un électro-choc.

    Cela expliquerait sa panique et la fuite en avant dans ces gesticulations guerrières qui ont au moins eu l’effet de sidérer aussi bien nos alliés européens que « nos amis américains ».

  10. Bien , qu’il aille se battre en Ukraine , excellente idée et bel exemple de fraternité pour Zelenski . Nous le soutenons et l’encourageons , et si quelques uns de ses amis désirent le suivre pas de problèmes nous saurons bien nous débrouiller sans lui .

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