Soldats français morts au Mali : laissons ricaner les charlots…
Avez-vous vu les dessins de Charlie Hebdo sur les soldats français morts au Mali ? C’est désopilant : Charlie a gardé les slogans de recrutement de l’armée de terre, mais a remplacé les photos de militaires par des dessins morbides. On voit, par exemple, des paras qui portent un cercueil drapé de tricolore avec cette légende : « Je suis tourné vers les autres et vers mon avenir. » Que dire de tout cela en tant qu’observateur civil ?
D’abord que, comme il arrive souvent en pareil cas, ce que Charlie Hebdo reproche à l’armée en dit davantage sur les propres obsessions de sa rédaction que sur le poids de la mort dans l’armée. Mettez-vous deux secondes à la place d’un dessinateur de Charlie Hebdo : on ne fait plus rien, ou presque, sur les musulmans, on a renoncé... Mais on veut encore jouer à l’iconoclaste. Alors, pour rigoler à pas cher, il reste encore les piliers de l’ancien monde : la famille, l’école, l’Église, l’armée...
Mais dans notre société liquide, beaucoup de ces concepts ne sont plus ce qu’ils étaient. La famille est une association temporaire « des deux sexes et autres » (comme la pension Vauquer dans Le Père Goriot) en vue d’avoir ou d’acheter, ou pas, des enfants qui auront notre ADN, ou pas, après avoir été portés ou pas.
L’école est une usine qui produit, chaque année, en série, des centaines de milliers de futurs chômeurs qui sont, pour beaucoup, immédiatement engloutis par les fournaises infernales de l’université gauchiste, persuadés d’être uniques, mais voués à devenir des clones.
L’Église est une ONG socialiste, en voie de paganisation, qui compte sur la démagogie, la soumission et la mode pour remplir les églises que ses propres prêtres ont vidées. Au moins, il reste l’armée.
Hélas pour Charlie, l’armée n’a jamais été aussi connue, aimée et respectée depuis 1945. Entre notre pays et son armée, les dernières décennies n’ont pourtant pas été faciles. Il y a eu l’Indochine, avec les ouvriers communistes qui sabotaient le matériel militaire qu’ils fabriquaient ; il y a eu l’Algérie, avec les porteurs de valises et les intellectuels anticolonialistes. Il y a eu les comités de soldats, les chansons de Maxime Le Forestier, les années sans OPEX dans l’Est, les corvées de patates, les alcooliques à moustache et verres fumés, les revues de chiottes. Il y a eu l’attentat du Drakkar, la guerre du Golfe à laquelle on ne comprenait rien.
Aujourd’hui, il suffit d’ouvrir les yeux pour constater que l’armée est comprise, que les militaires sont unanimement salués. Il y aura du monde sur le pont Alexandre-III. Avec émotion mais sans faiblesse, parce que la mort fait partie du job et que, n’en déplaise à nos défenseurs du monde libre, tout le monde sait, en dehors du périphérique, que parfois on meurt, tout comme les crayons ne sont pas plus forts que les canons.
L’humour insultant et méprisable des tocards de Charlie arrive trop tard, dans un monde qui commence à comprendre que la dérision de tout ce qui est grand et beau est un puissant corrosif, un jet d’acide gratuit sur une statue de marbre blanc. Les charlots, avec le clin d’œil du « dernier homme », salissent ce qui est admirable, pleurnichent sur leurs morts et allument des bougies. Les soldats, eux, trouvent de la grandeur dans ce qui est prosaïque, honorent leurs héros puis engagent des chargeurs.
On peut imaginer que les familles des défunts porteront plainte et que les autorités militaires livreront un communiqué. Quant à nous, laissons rire les charlots : le panache, vertu française, c’est aussi refuser de se colleter avec des minables. « Ils n’auront pas ma haine... »
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