Sécheresse : la France va aussi manquer de lait. L’occasion d’une prise de conscience en faveur des éleveurs ?

vache

La sécheresse historique que connaissent la France et l'Europe n'a pas fini de dérouler toutes ses conséquences néfastes, pour les agriculteurs comme pour les consommateurs. Vendredi, les ministres de la Transition écologique, Christophe Béchu et de l'Agriculture Marc Fesneau annonçaient que plus d'une centaine de communes de France étaient ravitaillées en eau potable par camions-citernes. Et assenaient que la transition n'était pas une option mais une obligation.

Aux pénuries annoncées de gaz et d'électricité dues à la guerre en Ukraine s'ajoute donc une pénurie en eau, avec l'appel à la « sobriété », devenue le nouveau mot d'ordre du gouvernement. Ce samedi, un nouveau produit de première nécessité est venu logiquement compléter la liste : le lait. C'est Yannick Fialip, président de la commission économique de la FNSEA. qui l'a annoncé sur franceinfo, vendredi : « Je pense que dans les mois qui viennent, on va avoir une pénurie de lait en France », a-t-il déclaré, expliquant que « pour faire du lait, il faut des fourrages, essentiellement de la luzerne et du maïs qui ont peu poussé cette année ».

En effet, avec la sécheresse, les bêtes ne pâturent plus dans les prés mais sont déjà nourries avec les réserves de foin et de fourrages pour l'hiver. Pour Le responsable syndical qui est aussi éleveur, les choses sont malheureusement simples : « On tape dans les stocks. C'est quelque chose d'inhabituel pour nous. On est très inquiet sur la capacité de beaucoup d'éleveurs à pouvoir nourrir leurs troupeaux sur l'ensemble de l'hiver 2022-2023. »

Pour répondre à cette crise du lait qui s'annonce, il a appelé Marc Fesneau à actionner deux leviers. D'abord, le fonds des calamités qui aide les éleveurs à acheter des fourrages. Ensuite et surtout « une meilleure revalorisation des prix payés aux éleveurs ». Il a expliqué que « le prix du lait en France est 20 % inférieur au prix du lait payé aux autres producteurs européens, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas ».

La mesure déplaira aux consommateurs et sera vue comme un énième élément inflationniste, mais, si elle était portée par une communication positive, centrée sur une éthique de la juste rémunération du travail de production des produits de première nécessité et sur le soutien à ce « made in France » enfin devenu à la mode, elle pourrait faire évoluer les mentalités. Nous n'en sommes plus à la maladresse culpabilisatrice de l'impôt sécheresse, la solution giscardienne de 1976, très mal vécue tant par les paysans que les consommateurs. À l'heure où le ministre de l'Agriculture est aussi celui de la « Souveraineté alimentaire », si les mots ont un sens.

Bien des agriculteurs, quel que soit le type d'agriculture suivi, se sont engagés dans des modèles vertueux. Pour le lait, citons par exemple la coopératives Cantaveylot, qui réunit trente fermes de trois départements du Cantal, de l'Aveyron et du Lot, qui commercialisent, dans les différentes grandes surfaces, « un lait régional, tracé, de qualité, et respectueux de la nature ». Allez voir leur site ici pour découvrir, si ce n'est déjà fait, le lait Bleu Blanc Cœur. Cette belle histoire, racontée entre autres par Isaac Getz et Laurent Marbacher dans leur livre L'Entreprise altruiste, où interviennent une laiterie alternative LSDH et une certaine Valérie Pécresse, a permis de sauver des éleveurs excentrés en leur garantissant un prix en surfant sur les nouvelles attentes des consommateurs. Et en mettant leurs bouilles sur les briques de lait.

Histoire de rappeler, dans cette conjonction des crises qui frappe l'agriculture française, qu'il faut vraiment sauver nos agriculteurs, durement frappés pour toutes leurs productions, eux dont le nombre ne cesse de baisser depuis des décennies, passant de 1,6 million, en 1982, à 400.000, en 2019. Et c'est autant une question d'identité que de souveraineté.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

18 commentaires

  1.  » Aux pénuries annoncées de gaz et d’électricité dues à la guerre en Ukraine …  »
    NON, Frédéric Sirgant, la catastrophe à venir est due aux sanctions imbéciles édictées contre la Russie par la commission européenne.
    Comme l’a déclaré, il y a quelques temps, l’excellent Charles Gave, avec les sanctions, l’UE ne se tire pas une balle dans le pied, elle se tire une balle dans la tête !

  2. La liste des pénuries à venir s’allonge démesurément.
    Heureusement que nous avons un ministère de l’Agriculture ET de la Souveraineté alimentaire …

  3. Il faut de l’eau pour  » fabriquer » du lait ! Demandez donc à une jeune parturiente allaitante ( normale, quoi ..)

  4. On va donc manquer de tout …
    De mieux en mieux et nous serons encore dans la peur donc bien accessibles à la manipulation …

    • c’est ce qui m’inquiète déja que le peuple se laisse manipuler a fond la caisse pour les vaccins et la guerre en ukraine

  5. De toutes façons, tel les « 7 plaies d’Egypte », tant que Macron et ses incapables seront en poste, la France souffrira. Et nous n’en sommes qu’à la 3ème, alors attendez-vous au pire.

  6. Les catastrophes s’enchaînent et à part se lamenter et stresser la population les instances dirigeantes ne font rien.
    Depuis le temps qu’ils nous parlent de réchauffement climatique, où sont les mesures efficaces ? A quoi servent les différentes taxes ? A force de brasser du vent ils ont installé des éoliennes dont le rendement est une goutte d’eau : bel effort

  7. Sans doute est ce pour sauver nos agriculteurs que l’europe sous la présidence de Macron a signé un accord de libre échange commercial avec la Nouvelle Zélande qui va nous inonder de ses agneaux à bas prix?

    • Les accords avec la nouvelle Zélande, sur ce sujet, font suite à l’affaire du Rainbow Warrior, opération menée sous la houlette d’un dénommé Mitterrand : Macron nageant dans le même marigot il y avait fort peu d’espoir que ces accords « de repentance » soient abrogés.

    • Les agneaux congelés de Nouvelle-Zélande , c’est pas nouveau ! Déjà dans les années 70 …Mais on mangeait encore beaucoup de cochon et de vrai boeuf/veau en France, à l’époque .Désormais, c’est poulet ou mouton ( et couscous quotidien obligatoire dans les cantines et les hôpitaux.!)°

  8. Jadis l’agriculture française était la deuxième du monde , elle pouvait nourrir le double de sa population. Aujourd’hui elle n’arrive plus à en nourrir une seule! Pour le reste Je me rejoins Lechonch dans son commentaire.

  9. 1) Non la France entière ne connait pas la pire sécheresse de son histoire, il suffit de comparer la pluviométrie depuis janvier avec l’année 1976 pour constater que ça n’a rien à voir.
    2) Il est inacceptable que la France manque d’eau, compte tenu se sa pluviométrie annuelle plutôt généreuse. Des solutions existent autres que des recommandations anti hygiéniques débiles comme le nombre de douches hebdomadaires.
    Rappelons que la consommation domestique ne représente que 10% de la consommation totale !

    • Un regard sur la physionomie des surfaces en culture, donne un début d’explication : plus de haies, de fourrés, de petits bois, mais des surfaces immenses traitées avec force pesticides et engrais, et arrosées en plein soleil histoire de favoriser l’évaporation de l’eau puisée dans les forages. Les anciens à l’ère du remembrement avaient prédit, il y a 60 ans, ces conséquences, mais c’étaient d’ignorants oiseaux de mauvaise augure refusant le « modernisme ».

  10. Pour commencer à les aider serait de faire cesser tous les vols dont ils sont victimes désormais; déjà qu’ils ne gagnent pas lourd avec leur travail, si en plus ils doivent intégrer la chaparde continue, vous comprendrez pourquoi le taux de suicide est anormalement élevé. Mais dans ce domaine également, on préfère parler mauvaise spéculation que laxisme avec la racaille…

    • La stigmatisation, une « culture » qui se répand dans nos campagnes est le meilleur engrais pour favoriser ce chiendent.

  11. La France n’est plus capable de nourrir sa population comme n’importe quel pays du 1/3 monde. Or, pour nos chers dirigeants depuis des décennies, c’est une bonne nouvelle. Cela veut dire que nous avons une économie moderne, de progrès et donc, mondialisée. Quelle honte. Quelle irresponsabilité. Les coupables devront être jugés.

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