Salon du Bourget : où est passée l’europhilie ?

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15 h 20 pétantes, ce 23 juin 2017 au 52e Salon aéronautique du Bourget, premier des trois jours ouverts au public. Pile à l’heure prévue, et conformément au programme imprimé, le pilote d’essai de Lockheed Martin met les gaz, enclenche la postcombustion de son F-35, dernier-né des avions de combat multirôles américains. Pas vraiment le "fer à repasser" que la rumeur décrivait, il paraît acquérir une portance très rapidement, au bout de 250-300 mètres, semble-t-il (estimation à vue d'œil). Dans un déchaînement de fin du monde, le réacteur Pratt & Whitney F135 semble asséner un véritable coup de massue aux fesses de cet avion présenté comme furtif.

Pas vraiment "furtive", la chandelle qui suit, puisqu'elle doit s’entendre à 15 kilomètres à la ronde, le tonnerre de l’unique réacteur Pratt & Whitney F135, d’une poussée autour de 18 tonnes (!), faisant trembler le sol et vibrer l’air ambiant, manquant de fendiller mes verres de lunettes et tassant probablement au passage les poignées d’amour parmi les cholestéroleux mais comblés spectateurs présents.

Le Parisien du même jour le présentait comme un concurrent du Rafale de Dassault, lequel fut pourtant opérationnel une bonne décennie et demie plus tôt. Par ailleurs, et contrairement au F-35 (en apparence, du moins), le Rafale semble également taillé pour la baston de rue, le corps-à-corps, même si le combat aérien rapproché semble de nos jours une exception confirmant la règle. Quoi qu’il en soit, présentés par Le Parisien comme "deux bijoux de technologie", le Rafale semble afficher un prix catalogue nettement inférieur à celui de son concurrent, lequel trimbale par ailleurs un dépassement budgétaire proche de l’explosion…

Non, ce qui intrigue un citoyen européen lambda de mon espèce, sommé par le politiquement correct ambiant de verser dans l’europhilie inconditionnelle, sous peine de n’être plus qu’une personne de douteuse vertu, adepte de la « fermeture » et du « repli sur soi » - ces moisissures humaines -, ce qui m’intrigue, disais-je, c’est ce choix résolument non européen opéré par un certain nombre d’instances politico-militaires du Vieux Continent…

Les avions de combat européens de qualité ne manquent pas, du Saab Gripen suédois au Rafale français, en passant par l’Eurofighter, développé en coopération par le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie. Pourtant, un certain nombre de pays ont jeté leur dévolu sur un programme de coopération militaro-industriel avec le concurrent américain. Ce fut déjà le cas dans le cadre du « marché du siècle » (1975), qui opposa en son temps le Mirage F1 de Dassault et le F-16 de General Dynamics, avec le résultat que l’on sait (environ 4.500 F-16 vendus dans le monde). Dans le cas du F-35, il s’agit de l’Italie, de la Norvège, des Pays-Bas (qui ont réceptionné leurs deux premiers appareils le 23 mai 2016), du Royaume-Uni et du Danemark. Le Parisien affirme même que la liste n’est pas près de s’arrêter : "La Belgique, la Suisse ou encore l’Allemagne doivent renouveler leur flotte", précise le journal, qui semble oublier au passage l’Espagne. Selon un spécialiste cité par Le Parisien, le F-35 ne serait rien de moins qu’une "vraie machine à tuer l’industrie européenne". Situation due notamment à "la force de persuasion du marketing américain", selon une source de chez Dassault. S’agit-il du vaste lupanar de lobbyistes qu’est devenu le Parlement européen, évoqué par Philippe de Villiers ? En attendant, le citoyen continental, dindon de cette exemplaire farce aéronautique, et prié de signer sans conditions sa reddition au dieu Europe, assiste stupéfait au spectacle militaro-politico-industriel le plus europhobe qui soit…

Silvio Molenaar
Silvio Molenaar
Nouvelliste.

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