Rokhaya Diallo : un dictionnaire, peut-être ; mais féministe, sûrement pas !

Quand on se penche sur la biographie de Rokhaya Diallo, « l’une des voix les plus influentes de France et d’Europe », nous dit-on, on lit que « militante féministe et antiraciste », elle est « également afro-féministe et décolonialiste ». À quoi il convient d’ajouter journaliste, réalisatrice de documentaires et chercheuse en théorie du genre à l’université de Georgetown, à Washington.
C’est donc en référence à ce statut de VRP multicarte que les Éditions Plon lui ont confié la rédaction d’un Dictionnaire amoureux du féminisme. En résulte un pavé de quelque 600 pages qui n’est, en vérité, ni vraiment un dictionnaire, ni féministe.
Plutôt Greta Thunberg qu’Élisabeth Badinter
Si les entrées sont bien alphabétiques, on est étonné du peu de noms propres qui y figurent. On s’attendrait, en effet, à y trouver, même noyés entre titres de séries télévisées, charge mentale et violences, les noms des illustres pionnières qui ont ouvert la voie à l’émancipation des femmes. Peine perdue : elles n’y figurent pas. À l’exception de Simone Veil et Simone de Beauvoir, les heureuses gagnantes sont soit issues de « la diversité », soit lesbiennes militantes ou connues pour leurs frasques. Exception pour Greta Thunberg, dont on ne voit pas le rapport avec le féminisme. Aucune ligne, par exemple, sur Judith Buttler, Élisabeth Badinter ou même des plus radicales comme Christine Delphy. Trop proches du « blantriarcat », sans doute…
C’est que la ligne qui soutient l’ouvrage est surtout la déconstruction, à commencer par celle de la famille opposée au « génie lesbien ». À l’entrée Argent, on apprend, ainsi, que c’est « le couple hétérosexuel » qui entraîne l’exploitation domestique des femmes. La raison en est que « la famille est formatée sur les besoins du capitalisme », soit un modèle « restrictif et normé » qui « n’est en rien naturel ». D’ailleurs, « être une femme, c’est répondre à des critères de désirabilité inhérents au patriarcat ». Conséquence : « Les femmes cisgenre sont définies selon leur capacité à engendrer physiquement (sic) des enfants. » Difficile de faire plus restrictif.
À noter que les fesses et les seins sont une grave préoccupation de l’« autrice » (elle y tient : il faut « éradiquer la charge sexiste de la langue »), dénoncés, ici, comme « supports du désir masculin ». On apprend donc que le soutien-gorge est un instrument de la domination masculine. Heureusement, dit Rokhaya Diallo, « il y a aujourd’hui la chirurgie esthétique » pour se modeler à sa guise. Tant pis si le patriarcat capitaliste y trouve son compte… Pour les fesses, c’est plus grave encore : enfin, la norme blanche des petites fesses de Kate Moss a cédé la place ; c’est aujourd’hui la revanche des grosses fesses afro « dans leur expression libératoire ». Les nombreuses danses traditionnelles – pas la bourrée ni la valse mais le twerk et la cheikha – ont enfin libéré les femmes. Désormais, « les fesses volumineuses sont devenues l’impératif d’une génération, incitant de nombreuses femmes à des modifications corporelles ». Hélas, trois fois hélas, il en est résulté « la grossophobie », car il faut désormais « une taille fine » sur un gros cul. Question : « Cette évolution libère-t-elle vraiment les femmes du carcan patriarcal ? » Un sujet pour le bac ?
L’ode aux travailleuses du sexe
On vous épargne les centaines de pages du même acabit, porteuses souvent d’inepties militantes et, plus gravement encore, de contradictions parfaitement nuisibles à la cause première : le féminisme. C’est-à-dire, selon la définition du dictionnaire, un mouvement « en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes ». Ce n’est pas de cela qu'il s’agit ici. C’est de la « déconstruction » de l’homme blanc et de sa femme complice, au profit d’une société dégenrée et créolisée, comme dirait Mélenchon.
Emblématique de la démarche, le traitement du cas Zahia Dehar, jeune femme rendue célèbre en 2010, à l’âge de 18 ans, pour avoir vendu ses charmes à des footballeurs de l’équipe de France. Présentée comme victime de la France raciste et sexiste, son métier de « travailleuse du sexe » devenu une gloire, elle est prétexte à démontrer, ici, que la frontière n’est pas grande entre « les femmes respectables et les travailleuses du sexe ». Elle assure qu’« elle ne s’est jamais sentie aussi dégradée que dans une relation classique » et s’enorgueillit, aujourd’hui, de « s’amuser et surtout rester maîtresse des règles du jeu ». Traduction : manipuler les hommes n’est en rien de la vénalité, c’est du féminisme. On rappellera que ladite Zahia, ou plutôt sa cambrure, a fait les belles heures du Paris mondain, que sa ligne de lingerie fut lancée par Karl Lagerfeld et que son anatomie fessière, moulée en silicone, est devenue une sculpture exposée dans les plus chics galeries parisiennes.
Voilà pour la victime des mâles blancs qui se font dézinguer, deux pages plus loin, en raison de leur désir « actif et dominateur »… Mais du moment qu'ils payent, rien à redire. Bref, ce « dictionnaire » n’est qu’un pavé d’afro-militantisme décolonial, au bout du compte sans intérêt.

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18 commentaires
Au fait! que devient sainte Gréta? On entend plus parler d’elle. Serait elle retournée à ses études?