Ça y est, le Premier ministre Édouard Philippe vient de rendre publiques les conclusions du grand débat, au terme de la tournée des popotes d’Emmanuel Macron. À cette occasion, 1,5 million de Français se seraient exprimés. D’où cette sentence de Matignon : « Ce succès du grand débat n’est pas celui du gouvernement, c’est celui de tous les Français. » C’est beau et, surtout, ça ne coûte pas grand-chose de le proclamer, sachant que cette consultation aura tout de même coûté douze millions d’euros au contribuable ; ce qui n’est pas rien.

Il n’empêche que le chef du gouvernement, à en croire Le Monde, assure avoir retenu plusieurs idées fortes de la consultation, dont « une immense exaspération fiscale » ». Ainsi, poursuit-il, « notre pays atteint aujourd’hui une forme de tolérance fiscale zéro. […] Nous devons baisser, et baisser plus vite, les impôts. » Il est vrai qu’en France comme ailleurs, les grands bouleversements ont immanquablement démarré sur ces questions. C’était déjà le cas de Vercingétorix, mais également des Grecs qui, alors occupés par l’Empire ottoman, jugeaient que les percepteurs d’alors avaient la main un peu lourde. Et ne parlons même pas de la Révolution française…

Pour autant, ce grand débat aurait pu en susciter un autre, de débat. Sur la philosophie de l’impôt, sa progressivité ou sa proportionnalité, sur ce qu’il signifie, aussi, d’accession à la citoyenneté ; naguère, seuls les esclaves n’en payaient pas. Il aurait également pu aller au-delà de la sempiternelle question de l’ISF : ce n’est pas parce que les plus riches s’acquitteront de plus d’impôts que les plus pauvres en payeront moins. D’ailleurs, celui sur le revenu a plus valeur symbolique que pécuniaire : TVA et CSG (bientôt progressive ?), payés par 100 % des Français, comblent bien plus sûrement les poches percées de l’État que ces 10 % de contribuables assurant à eux seuls 70 % de ce même impôt sur le revenu.

Quant à la question des GAFA, ces monstres transnationaux, émanations du soft power états-unien, se jouant à leur unique profit des maquis fiscaux du vieux monde, rien. Mais il ne servirait à rien de demander plus à Emmanuel Philippe et Édouard Macron qu’aux pères fondateurs de l’Europe qui, eux aussi, n’avaient évidemment rien à refuser au puissant tuteur américain.

Pour ce qui est de la cohésion de la société française, on notera encore que le Premier ministre se dit « déterminé à rétablir l’équilibre entre les métropoles et les communes qui se trouvent à l’extérieur des logiques métropolitaines ». Douze millions d’euros pour en arriver là ? Acheter La France périphérique, prophétique essai de Christophe Guilluy, chez le libraire du coin aurait sûrement été moins dispendieux pour les finances publiques. De même, il serait aussi question de redresser le cap, point de vue désert médical ou chemin de croix administratif, en déployant une culture de la simplicité, sachant que l’État apporte trop de « normes » et pas assez de « solutions ». Mais où diable vont-ils dénicher des idées aussi innovantes ?

Au-delà de ce catalogue d’idées reçues et de bonnes intentions, il y aurait, au moins et peut-être, cette mesure pratique et immédiate voulant que l’on revienne sur la limitation à 80 km/h sur les routes nationales. Édouard Philippe, toujours : « Je voulais sauver des vies, on m’a accusé de vouloir remplir les caisses. » Ce que les Français peuvent avoir l’esprit mal tourné, des fois. Et pour le reste ? Rien. Bien la peine que notre jeune Président se ruine, paraît-il, cordes vocales et santé. Du coup, montagne qui accouche d’une souris ? Ou taupinière qui nous aurait pondu une paramécie. La réponse aux prochaines échéances électorales.

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08 avril 2019 à 20:03

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