Règlements : l’eau et le feu

barbecue

Petits souvenirs de vacances en Limousin, en Haute-Vienne, où je séjournais sur une propriété de 9.000 m², entourée de bois et de pâturages et située à 2 kilomètres d’un bourg. Une telle surface, même si l’essentiel est en herbe commune laissée sur place après sa tonte, ça produit du déchet vert. J’y ai aidé mon hôte à déplacer les quelques tas de bois regroupés près des arbres et arbustes taillés cet hiver. Nous les avons posés sur un tas de végétaux présumés « à brûler ». Sauf que mon hôte m’a appris que c’était dorénavant interdit. Un particulier n’est pas autorisé à brûler lui-même ses déchets. Un agriculteur ou un forestier, lui, peut le faire, mais sous contraintes.

L'arrêté préfectoral de 2013 consulté indique que même un feu de camp ou un barbecue entre le 1er mars et le 15 octobre doit faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès du maire de l’endroit au moins dix jours avant l’événement. Lequel maire peut refuser, mais doit informer la gendarmerie et les services départementaux d’incendie en cas d’autorisation. Pour un simple barbecue, cette demande doit identifier le responsable, indiquer date, heure et lieu précis pour la commission du forfait, la nature des végétaux brûlés (un barbecue au charbon de bois ne présente pas la même dangerosité qu’avec du bois de chêne), la motivation de la demande (faut-il aller jusqu’à détailler le nombre de morceaux et la nature de la viande, et si les saucisses sont de type Morteau, Toulouse, chipolata, andouillette ou merguez ?), et enfin les mesures de sécurité prévues.

La terrasse de la propriété surplombe un pâturage que jouxte une petite rivière. Ce pâturage semble laissé à l’abandon, en jachère, livré à l’humidité. Oui, le Limousin, dans certains endroits, c’est vallonné, boisé, et c’est parfois très humide. Sans doute depuis le Moyen Âge, depuis que l’homme a lutté contre la forêt pour cultiver la terre et y élever des animaux, il a tenté de réduire l’humidité de certaines parcelles pour les exploiter. Ce n’est pas très original : dans les polders des Pays-Bas, le problème est le même : évacuer l’eau. Les Aztèques de Mexico en faisaient de même. En Limousin, le paysan draine ses terres, depuis des siècles sans doute. D’abord à la main, puis avec leurs tracteurs. Sauf que, maintenant, c’est plus compliqué. Malheureux êtes-vous si, sur votre parcelle, sont présentes une ou des « zones humides ». En fonction de la surface, vous pouvez êtes astreint à quelques obligations administratives. Certes, à moins de 1000 m² (un grand jardin urbain en province), vous êtes libre. Mais entre ce seuil et un hectare, c’est la déclaration et, au-delà, l’autorisation. Il vous faudra, dans ces deux cas, une étude d’incidence réalisée par un bureau d’études ad hoc (à vos frais, bien sûr), et pour l’autorisation, il convient de rajouter une couche d’enquête publique. Oui, c’est pour un pâturage de 1,1 hectare en bordure de rivière. Le délai est de six mois pour la déclaration et d’un an pour l’autorisation. D’où l’abandon à l’eau de certaines terres acquises de haute lutte.

Bien sûr, toutes ces dispositions trouveront des justifications imparables et nul ne doute qu’elles aient été prises dans l’illusion de servir le bien commun et l’écologie. J’ai sans doute lu Franz Kafka il y a trop longtemps, il conviendrait que je le relise. Mais si ma mémoire ne me trahit pas, il dépeignait avec un talent extraordinaire la folie bureaucratique qui semble devenir notre quotidien. Un prophète.

 

 

 

 

 

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