[RAISON GARDER] Trump : l’art du négociateur

Tout ce qui est à moi est à moi ; tout ce qui est à toi est négociable.
Capture d'écran The White House
Capture d'écran The White House

Trump est au pouvoir aux États-Unis. Il n’était pas difficile de savoir comment il allait se comporter, car c’est déjà ainsi qu’il s’était comporté durant son premier mandat ; car c’est ainsi qu’il s’est comporté toute sa vie. Tout simplement parce que c’est ainsi qu’il est fait.

Trump, dans toutes les fibres de son être, est un négociateur. N’oublions pas que le début de sa notoriété provient du livre qu’il a signé, intitulé The Art of the Deal. Il va toujours chercher le meilleur deal pour ses intérêts qui, pour le moment, sont ceux des États-Unis d’Amérique. Et parce qu’il est viscéralement un négociateur, il va appliquer systématiquement ce qu’il considère comme les règles éternelles de la négociation. Donc, pour savoir comment il va agir, pour savoir comme réagir face à lui, il est simplement nécessaire d’avoir en tête les principes d’une négociation efficace selon Trump.

« Il n’y a pas d’ami, au poker »

Tout d’abord, la négociation obéit à une règle qu’on peut exposer plaisamment : « Tout ce qui est à moi est à moi ; tout ce qui est à toi est négociable. » Le bon négociateur est celui qui ne se fixe a priori aucune limite dans sa volonté d’obtenir de son interlocuteur les meilleures conditions possibles. Comme on dit encore, « il n’y a pas d’ami au poker ».

Il suffit de voir comment a été tranquillement dynamité le contrat australien sur les sous-marins, pourtant conclu en bonne et due forme par la France. Si un Biden a ainsi traité, à l’instar d’un simple paillasson, le pays censé être « l’allié éternel » des États-Unis depuis au moins Louis XVI, il n’y a aucune raison d’être surpris par l’action d’un Trump.

Ensuite, dans une négociation, on ne révèle pas ses atouts, on garde sa « main » secrète. Le plus simple consiste à brouiller les pistes pour que l’adversaire ne sache jamais où l’on en est vraiment, ce qu’on veut réellement, ce à quoi on tient et ce qu’on est prêt à négocier. Pour cela, il convient de créer le chaos, de produire un maelström de déclarations qui vont désorienter l’interlocuteur. Trump a d’ailleurs théorisé explicitement ce principe durant sa campagne : « Nous devons être une nation plus imprévisible » (rapporté par Le Figaro du 28 janvier 2025). Et c’est exactement la façon dont il procède, sans qu’on puisse vraiment savoir si telle déclaration fracassante est du lard ou du cochon.

« Deux pas en avant, un pas en arrière »

Enfin, le bon négociateur n’hésite pas à demander 100 avec aplomb, alors qu’en réalité, il n’espère obtenir que 20 ou 30. Et, tout en déclarant hautement qu’il ne cédera sur rien, il est en fait prêt lui-même à concéder certaines choses à son adversaire pour obtenir ce qu’il cherche à tout prix. Il applique donc le principe de Lénine : « Deux pas en avant, un pas en arrière. »

Mais si son interlocuteur est un novice dans l’art de négocier, s’il est dominé par ses émotions et tributaire de ses nerfs, s’il prend au pied de la lettre tout ce qu’affirme le négociateur en face de lui, alors ce dernier peut espérer obtenir, en fin de compte, 50 ou 70, voire plus, tout en ne concédant lui-même que des satisfactions d’amour-propre ou des biens illusoires qui ne lui coûteront pas grand-chose.

L’art du négociateur, du bon joueur de poker en somme, ne rend pas sa « main » plus forte en soi mais seulement dans l’appréciation de son adversaire, si celui-ci est un naïf. Au contraire, si son interlocuteur n’est pas dupe, s’il est capable d’utiliser les mêmes armes, de suivre lui aussi les règles d’un bon deal, d’utiliser ses propres atouts, de bluffer et de faire illusion, il pourra retirer de grands avantages d’une négociation commencée pourtant sous des auspices très menaçants.

C’est ce que l’Union européenne devrait faire, face à un Trump très agressif dont les atouts sont en réalité beaucoup plus limités qu’il n’y paraît. Il n’est pas certain que l’Union européenne le fasse vraiment. Elle risque plutôt de se laisser mener par le bout du nez par un président états-unien qu’elle méprise pourtant et tient (bien à tort) pour un clown.

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Alexandre Dumaine
Journaliste, écrivain

Vos commentaires

21 commentaires

  1. Ce que l’UE ne fait pas Poutine a bien compris l’attitude qu’il doit avoir vis à vis de Trump, être patient, ne rien céder et ainsi il a des chances d’arriver au but qu’il se fixe. Deux bon négociateurs, certes avec des atouts différents, mais aussi tenace l’un que l’autre. Ce sera au détriment, quoi qu’il en sorte, de l’Ukraine et de l’UE donc de nous.

  2. Merci mr Dumaine de me conforter. Nous aurons peut-être tort, mais en attendant nous ne savons toujours pas ce que VEUX réellement Trump. Chaque fois qu’il nous déstabilise nous cherchons des réponses à lui proposer. Pendant ce temps, nous ne réfléchissons pas à élaborer une stratégie. Nous perdons du temps!

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