Quatre-vingts ans après, n’oublions pas le courage de Monseigneur Saliège

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C'était le 23 août 1942, dans tout le diocèse de Toulouse. Un ordre, si rudement rédigé qu'il aurait pu être prononcé à la voix, dans son style inimitable, par le cardinal-archevêque lui-même, accompagnait le texte de Monseigneur Jules-Géraud Saliège : prière de lire le texte suivant sans commentaire. Ce texte ? Une « lettre sur la personne humaine » de vingt-trois lignes.

Les premiers mots saisissent l'assistance au vol : « Bien chers frères, Il y a une morale chrétienne. Il y a une morale humaine. Qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent à la nature de l'homme ; ils viennent de Dieu. On peut les violer... il n'est du pouvoir d'aucun mortel de les supprimer. » Puis, en quelques lignes, le prélat rappelle l'évidence, la fraternité du genre humain, les scènes d'épouvante qui se déroulent dans les camps de transit de la région.

Pour ce courage, il sera remercié par les Juifs de France jusqu'aujourd'hui, au point que le grand rabbin Korsia a demandé qu'on lise cette année la lettre de Mgr Saliège dans les synagogues de notre pays. Au point, également, que Mgr de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, a demandé la même chose à ses prêtres à l'occasion du 80e anniversaire de ce texte, bref, limpide, qui a le ton de l'évidence.

Bien sûr, il est facile de reconstruire l'Histoire a posteriori. Il est un peu agaçant d'entendre parler, chaque année, de la Seconde Guerre mondiale comme si elle était l'horizon indépassable de l'horreur. Il faut aussi tristement constater que le courage de Mgr Saliège, menacé de mort, dont les nazis demandèrent au nonce apostolique la révocation (ce que Pie XII ne fit pas, bien sûr), fut un peu isolé - pas tant dans le clergé qu'au sein des autorités françaises en général. Les juges qui jugèrent Pétain en 1945, par exemple, lui avaient tous prêté serment.

Et si la leçon de Mgr Saliège n'était pas tant celle de la défense de l'humanité que celle de la nécessité de se mobiliser face à la trahison des élites ? J'ajouterais peut-être que le devoir d'un catholique - l'archevêque de Toulouse l'avait bien vu en 1942 - est d'être un signe de contradiction pour le monde, d'aller à contre-courant des renoncements collectifs et des lâchetés administratives. Que dirait Mgr Saliège à notre monde décolonial, néo-féministe, post-religieux, soumis aux minorités ? Peut-être, de nouveau, assénerait-il un message de charité radicale contre les fractures multiples dont souffre le corps du Christ - qui sera, disait Pascal, en agonie jusqu'à la fin des temps.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

11 commentaires

  1. Je crois me rappeler qu’un seul n’avait pas fait serment à Pétain, il partait à la retraite. Il a repris du service pour le procès Pétain…
    Seul magistrat à ne pas avoir fait allégeance, Paul Didier je crois. Il n’était pas au procès Pétain.
    La résistance a aussi demandé aux magistrats de faire le serment, par contre une surveillance des magistrats s’est déroulée. Le seul magistrat (de Toulouse) qui a condamné à mort un résistant a été exécuté, aucun autre cas n’a eu lieu.

    • Suite à une recherche, le procureur, André Mornet n’avait pas fait serment de fidélité à Pétain, partant à la retraite, mais son attitude durant la guerre ne semble pas des plus honorable (participe à la préparation du statut des juifs).

  2. « … se mobiliser face à la trahison des élites. »
    La survie de la France exige effectivement que nous nous mobilisions contre ces élites acharnées à anéantir la France, à nous imposer une culture dont nous ne voulons pas, à nous dissoudre dans une Union européenne honnie, à asservir le peuple à coups de passes sanitaires et autres états d’urgence, sans oublier l’indigence de l’éducation nationale.

  3. Que représente l’église aujourd’hui ? les lieux de culte se vident et la messe du dimanche nest plus qu’un vieux souvenir pour les plus anciens d’entre nous. Au lieu de s’occuper de l’accueil de ceux qui s’imposent en arrivant sur nos terres les gens d’église devraient d’abord s’occuper des chrétiens qui sont dans le besoin social et cultuel. Le manque de réaction de l’église face aux chrétiens d’Orient martyrisés et tués en dit long sur le manque de bon sens de cette « église nouvelle ».

  4. L’église Catholique a pendant l’épisode COVID., laissé bien seuls ses ouailles face à l’agression de l’oligarchie mondialiste.

  5. Elevée par l admiration que portait mon pére Résistant au Cardinal Saliege,nous devrions aujourd hui en faire référence.Ce n est pas cette seule lettre du Cardinal qui en fait un Homme de grande Valeur Chrétienne .seuls nous les toulousains nous sommes au courant dommage

  6. Le courage de Son Éminence doit être un modèle pour une très large part de la CEF, plus obsédée par « l’accueil de l’Autre » que par la défense de la Vérité. Signe révélateur : depuis la démission de Mgr Barbarin, aucun Évêque de France n’a reçu le Chapeau. Pour la Fille aînée de l’Église, ça fait un peu désordre.

  7. Cette lettre est restée affichée pendant des décennies dans l’église de Saint Bertrand de Comminges et pendant toute la durée du Festival de Saint Bertrand de Comminges chacun pouvait la lire librement.Mais ce Festival très prestigieux s’appelle maintenant Festival du Comminges quelle idiotie! Où peut-on encore la trouver aujourd’hui ? Ce serait bien de la publier sur BV . Merci.

    • Bonjour Monsieur
      J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre commentaire sur Monseigneur Saliège. Je l’ai bien connu puisqu’il m’a confirmé, qu’il à baptisé les trois grosses cloches de mon village qui avaient été refondues après la Libération et que je l’ai rencontré lors de l’inauguration du monument des victimes de la division « das Reich » du massacre de Marsoulas a laquelle mon père m’avait amené. Il se trouve aussi que je suis membre de l’association du Festival du Comminges,
      Pierre Lacroix son ancien président aujourd’hui décédé était un ami personnel. Mais petit miracle, j’ai dans ma bibliothèque le recueil des messages de Monseigneur Saliège édité en 1945 par les Editions Ouvrières et imprimé à Toulouse par l’Imprimerie Régionale. Je me souviens tellement de ces lettres lues en chaire tous les dimanches par notre bon curé! J’étais enfant de choeur à l’époque. Si vous voulez je peux vous adresser la lettre en question « Et clamor Jérusalem ascendit ». Voici mon mail : marcel.bonpunt@orange .fr .Donnez moi le vôtre . sans doute ce recueil a été acheté par mon père a cette époque.
      Peut-être au plaisir de vous lire.

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