Quand Sarah Knafo dénonce le scandale de l’aide au développement

sarah knafo

Où faire des économies ? Telle est la question qui agite, actuellement, le petit milieu politico-médiatique. À peine nommés, les ministres de l'Économie et des Comptes publics devront en effet s'atteler à boucler l'épineux budget 2025, dont l'examen au Parlement doit débuter au plus tard au 1er octobre, pour une promulgation au 1er janvier suivant. Il faut donc d’urgence trouver ses sous et chacun a sa petite idée sur le sujet.

Interrogée, vendredi 20 septembre, sur RMC Story, Sarah Knafo a livré quelques pistes. « C’est un sujet qui me passionne. J’étais magistrate à la Cour des comptes, c’était mon métier d’épingler les ministères et de voir où il y avait des dépenses, a ainsi débuté la députée européenne. Est-ce que vous savez, par exemple, qu’on donne 800 millions d’euros à l’Algérie en aide publique au développement ? Est-ce que vous savez qu’on donne, chaque année, 120 millions d’euros d’aide au développement à la Chine, c’est-à-dire à la première puissance économique du monde ? On l’aide à se développer alors qu’on est train de faire des appels aux dons pour financer des scanners à l’hôpital Georges-Pompidou. »

Sarah Knafo ne croit pas si bien dire. Notre pays se montre en effet extrêmement généreux envers certains pays, ceux situés au sud de la Méditerranée en particulier. Alors que l’Afrique comptait déjà pour plus de la moitié de l’aide publique au développement (APD), soit 4,4 milliards de dollars par an, Emmanuel Macron s’engagea dès le début de son mandat à faire encore « mieux » et redoubla d’efforts pour dépenser l’argent du contribuable : 1 milliard d'euros pour les PME africaines en 2017, 1,4 milliard pour le métro d’Abidjan en 2018, 135 millions pour les femmes entrepreneures africaines en 2019, 120 millions pour le développement du Niger en 2022, 1 milliard pour la décarbonation de l'Afrique du Sud en 2022, 100 millions pour le développement du numérique au Nigeria en 2024… Autant d’argent dont nos services publics en déshérence auraient cruellement besoin.

La dette postcoloniale

Comment expliquer cette invraisemblable altruisme ? La députée Reconquête y voit le fruit d’un système de pensée dépassé, non actualisé. « La France croit encore qu’elle est dans son rôle des années 60 d’aller aider les puissances émergentes du monde entier, mais qui n’a pas compris que la Chine n’était plus une puissance émergente, mais la première économie du monde. » C’est très certainement juste. Peut-être est-il permis d’y voir également le comportement d’un pays animé d’un immense sentiment de culpabilité ?

Depuis la fin du XIXe siècle, l’Occidental est persuadé d’être chargé du destin de l’humanité. Il croit devoir apporter bonheur et progrès aux peuples du monde entier. C’est le « Fardeau de l'homme blanc », tel que conceptualisé par l'écrivain britannique Rudyard Kipling. Plus récemment, cet homme blanc s’est mis en tête qu’il était aussi responsable des malheurs de ses semblables. Son hybris le pousse à plaider coupable de tous les crimes dont on l’accuse et à s’acquitter d’une pseudo « dette coloniale ». C’est ainsi qu’il faut comprendre les subsides astronomiques et sans cesse croissants que l’État français accorde au continent noir. « Notre objectif : faire plus pour l’Afrique », tweeta Emmanuel Macron, le 18 mai 2021. « Nous avons une dette envers l’Afrique », déclara-t-il encore, quelques mois plus tard.

Cette idée d’un péché dont on pourrait s’absoudre en distribuant des espèces sonnantes et trébuchantes est bien naïve. En réalité, plus la France sort le chéquier, se met à genoux et se couvre la tête de cendres, moins elle est respectée. Certains peuples n’ont que mépris et haine pour ceux qui passent leur temps à s’excuser. « Sur le sujet de l'Algérie et des pays africains à qui on donne des milliards d’euros chaque année, je vous mets au défi d’aller me trouver la contrepartie que la France en retire. On n’obtient même pas d’eux le fait de reprendre leurs clandestins ! », observe Sarah Knafo.

C’est juste, hélas. Notre générosité envers le Sud ne nous vaut rien en retour, pas la moindre reconnaissance. Au moment où notre pays manque cruellement de liquidités, il serait bon d’en prendre conscience.

Jean Kast
Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

Vos commentaires

49 commentaires

  1. « L’Afrique à désintoxiquer  » de Kakou Ernest Tigori, prix Mandela de la littérature 2017 : Sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme . Cet intellectuel engagé dénonce depuis la fin des années 1990, la classe politique qui ruine son pays, La Côte d’Ivoire ; en exil en France il dénonce la trahison des élites noires et se propose de rétablir la vérité sur les relations entre l’Afrique et le l’Europe depuis le XV e s.  » Il appelle le monde noir à sortir du déni confortable qui dédouane l’Afrique de toute responsabilité dans la conduite de son destin, incapable d’autocritique et qui perd son temps en jérémiades au lieu d’être exigeante envers elle même « 

  2. Certes l’état est généreux, et anormalement. J’aimerais bien aussi que l’on passe en revue toutes les subventions accordées par les collectivités: régions, métropoles, départements et communes (grandes, souvent). Là aussi il y a de l’ordre à mettre dans les écuries d’Augias, malheureusement Hercule n’est pas avec nous!

  3. plus personne ne parle de toutes les annulations de dettes que la France a consenti à tant de pays africains ayant acquis leur Independence. J’ai cherché sur internet…pas de traces et pourtant je me souvient parfaitement avoir entendu des annonces récurrentes aux infos télévisées tout au cours des années 85 à 2000… c’était à coup de milliards que nous tracions un trait sur les dettes de ces pays … et ca ne nous a pas dispensé de continuer à envoyer de l’aide à ces pays … ces millions de francs, que nous avions investis et qui ne nous serons jamais remboursés, pèsent aujourd’hui dans nos 3000 milliards d’€ d’endettement…

  4. Effectivement, notre pays, Président en tête renonce à tout honneur, à tout amour propre, devant, notamment, les pays africains dans un élan constant de culpabilité tel un péché originel, nous nous réduisons à l’épaisseur d’un paillasson sur lequel nos « partenaires » s’essuient les semelles. Il est grand temps de réagir: conditionner nos aides, reconsidérer qui à besoin d’aide (Afrique du Sud, Chine,Algérie…) En mal d’affection notre Président devrait avoir compris après sa déconvenue avec Poutine que la considération n’est pas plus acquise après le chèque que par la caresse dans le sens du poils; ainsi il aurait pu s’abstenir de chaudement féliciter le Président Algérien pour sa réélection +/- douteuse. Cela vaut aussi pour les subventions aux associations bénéficiaires des subsides publics, tous les personnages politiques pensent acheter la paix sociale et des suffrages ainsi sans pour autant que les dites associations n’assurent une fonction utile à la Cité. Ainsi d’associations qui tirent à vue sur le « système » au nom de l’écologie militante, des droits humains communautarisés et/ou individualisés, etc…. . Nous subventionnons ceux qui nous trainent devant les tribunaux payant leurs avocats avec nos subventions. Serions-nous MASOCHISTES?
    Voilà des économies faciles à trouver le temps de réfléchir à l’organisation des administrations, leur inflation. J’ai déjà pu vérifier qu’une collectivité de travail laissée à vau-l’eau s’autoalimente en tâches et, s’estimant rapidement saturée, demande toujours plus de moyens. Qui aura le cran de secouer le panier?

  5. Tout ça on le sait, mais qui contrôle que tout ce pognon de dingue va réellement à ses destinataires ? Pourrait-on demander des comptes ?

  6. En tous cas, au Parlement Européen, son discours était « envoyé  » comme on dit. Elle avait déclaré qu’elle serait active à Bruxelles ( plutôt que de pantoufler ) et elle l’est !

  7. Tout père de famille un peu mature sait que chercher à se faire aimer de ses enfants amène à ne plus être respecté. Tout manager un peu mature sait qu’un bon manager est quelqu’un qui se fait respecter, sans chercher à se faire aimer. Après, il sera aimé ou non, mais là n’est pas sa demande.
    Macron n’a pas compris cela. D’abord parce qu’il n’a jamais élevé d’enfants. Ensuite, parce qu’il n’a managé que des gens faciles à manager ; et enfin, parce qu’il est narcissique. C’est-à-dire que le besoin d’être aimé l’emporte sur tout autre projet. Moralité, il n’est plus ni aimé, ni respecté ni dans le pays, ni à l’extérieur.
    S’il avait, ne serait-ce que passé deux ans à manager une PME, il aurait compris ça avant l’âge de trente ans.
    Et ce qui vaut pour Macron vaut aussi pour Attal. Notre désastre c’est d’avoir des politiques qui n’ont jamais ou presque, travaillé en dehors de la politique et en dehors de milieux feutrés et policés.

  8. Les Anciens disaient que charité bien ordonnée commence par soi-même. Michel Barnier a l’âge de s’en souvenir…

  9. Le nouveau ministre des finances s’est dit « fier du bilan laissé par Le Maire. Il espère faire mieux en multipliant par 2 la dette abyssale de la France. Normal : il sort de l’école normale comme Le Maire et de l’ENA comme son patron qu’il adore. Encore un « Mozart de l’escronomie ».

  10. Beaucoup de vérités mais aussi d’approximations, d’erreurs (la France ne  »donne » rien à la Chine) et d’oublis : car cette députée européenne, survivante du zemmourisme, ne nous dit rien sur l’aide gaspillée par l’UE, par exemple à la Turquie : 15 milliards sur 3 ans pour la  »pré-adhésion » (depuis x années), et les réfugiés, vrais ou faux, (que la Turquie laisse filer vers l’Europe). Charles Prats est bien plus sérieux, sur la fraude sociale car là ce sont des dizaines de milliards par an qui sont détournés délictuellement

    • Pour être précis concernant la Chine, l’Agence Française du Développement annonce sur son site 2,2 milliards d’Euros en 2023 pour des actions en faveur de l’écologie. Elle indique qu’il s’agit de prêts. On peut remarquer qu’il s’agit donc pour la France d’un décaissement alors que nous sommes en limite de solvabilité; et que ce décaissement est au bénéfice de l’Etat qui détient l’un des plus gros portefeuille de dettes extérieures mondiales

  11. Que de générosité avec l’argent des citoyens. Donner de l’argent à ceux qui nous crachent dessus, une logique très française.

    • « Que de générosité avec l’argent des citoyens ». Que de générosité avec l’argent que les fonctionnaires de Bercy empruntent pour le compte de citoyens qui devront le rembourser sans en avoir jamais vu la couleur…

  12. Il faudrait faire le bilan comptable, pour chaque pays d’Afrique et du Maghreb, de ce que la France a fait don depuis leurs indépendances. Je suis persuadé qu’à côté de ça nos 3000 milliards de dette sont pipi de chat.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois