Prise en charge de la vieillesse : la solidarité passe par un changement des mentalités
La solidarité est souvent sélective, quand elle n'est pas idéologique. En cette période caniculaire, on parle beaucoup des SDF. On les imagine souvent affalés sur un banc ou sur un trottoir, avec une bouteille de mauvais vin. France Info nous livre le témoignage de l'un d'entre eux, qui montre que n'importe qui peut, du jour au lendemain, se retrouver sans ressources et devenir un paria, surtout s'il est âgé. Ce qui pose aussi la question du statut de la vieillesse dans notre société.
Marcel, 77 ans, vient de passer six mois dans la rue. Après la mort de sa femme, en 2005, il doit quitter son appartement, loge quelques années à l'hôtel, puis c'est la rue. « Je pensais que ça n'existait pas, les gens de 70, 75 ans qui se retrouvent à la rue... Pourquoi moi ? », s'interroge-t-il. Il est propulsé dans un monde sans pitié, se fait racketter. Le pire, c'est qu'il commence à se demander pourquoi il continue de vivre.
« Quand on a 30 ans, on a un dynamisme, un mental. Mais quand on a plus de 70 ans, qu'on a perdu les êtres qui comptaient le plus au monde, on se dit : “Pourquoi je vais rester là, pour qui ?” Et comme la réponse, c'est : “Pour personne”, on a tendance à plus facilement baisser les bras. » Il a été pris en charge par le SAMU social de Paris, transféré dans un centre d'hébergement.
Il a maintenant une chambre à lui et reprend goût à la vie : « J'étais parti pour partir au ciel. Maintenant, je n'ai plus envie. En plus, je suis tombé amoureux. Donc, je ne veux plus partir du tout. »
La mission du SAMU est intitulée : « Aidons-les à vieillir dans la dignité. » Un objectif louable, mais une goutte d'eau par rapport aux besoins, ce qui révèle les lacunes de la solidarité publique. Absence de solidarité familiale, d'abord. Il n'y a pas que les chiens ou les chats qu'on abandonne en été, il y a aussi des vieillards, dont on ne prend plus de nouvelles. « Il faut bien que jeunesse se passe et supporter patiemment que celle des autres se passe de nous », écrivait Marcel Pagnol, avec un certain stoïcisme.
Mais la solidarité nationale n'est guère plus forte. « Vieillir dans la dignité », un slogan qui n'est pas très éloigné de « Mourir dans la dignité ». On vient d'apprendre que la fin de vie ne figurera pas dans la prochaine révision de la loi de bioéthique. Ce n'est que partie remise. D'un côté, on prône la solidarité et la générosité, tant que cela ne coûte pas trop cher ; de l'autre, on remet à plus tard l'euthanasie et le suicide assisté, sans l'exclure quand on estimera que la société y est prête. Par une étrange inversion des valeurs, on veut faire croire que c'est un acte de liberté, alors que c'est surtout la manifestation d'un renoncement de la société à ses devoirs.
Le biologiste Jean Rostand, qui était un athée convaincu, n'était pas dénué de spiritualisme. Dans Le Courrier d'un biologiste, il écrivait ces phrases qu'il faudrait méditer : « Je pense qu'il n'est aucune vie, si dégradée, si détériorée, si abaissée, si appauvrie soit-elle, qui ne mérite le respect et ne vaille qu'on la défende avec zèle. J'ai la faiblesse de penser que c'est l'honneur d'une société que d'assumer, que de vouloir ce luxe pesant que représente pour elle la charge des incurables, des inutiles, des incapables ; et je mesurerais presque son degré de civilisation à la quantité de peine et de vigilance qu'elle s'impose par pur respect de la vie. »
Il ne suffit pas se donner bonne conscience par quelques actes de solidarité. C'est la mentalité d'une société de plus en plus individualiste et matérialiste qu'il faut s'attacher à transformer.
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