Pourquoi l’ouverture de l’enquête du parquet national financier sur McKinsey est largement insuffisante

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Ce mardi 5 avril, dans Marianne, plusieurs magistrats signaient une tribune où ils indiquaient trouver « anormal que le parquet ne déclenche pas d’enquête » à propos de l’affaire McKinsey. Cette prise de parole publique, anonyme pour ne pas contrevenir à leur devoir de réserve, appelait de ses vœux l’ouverture d’une enquête préliminaire par le PNF ou par le parquet de Paris.

Dans cette tribune, les magistrats anonymes dressent la liste de ce qui devrait attirer l’attention de « tout magistrat du parquet » au sujet de l’« intervention des cabinets de conseil dans le champ étatique et public ». Cette liste énumère quatre aspects :

- « la régularité de la procédure d’attribution des marchés au regard du Code des marchés publics et du délit de favoritisme » ;

- le questionnement quant à « la réalité des prestations effectuées par le cabinet » ;

- la question du conflit d’intérêts, car « les éventuels liens directs ou indirects avec les cabinets de conseil ne peuvent qu’interroger sur le processus décisionnel ensuite » ;

- et, enfin, la fraude fiscale de McKinsey, par rapport au non-paiement de l’impôt « au regard de son niveau de transfert ».

Ce même jour, Guillaume Peltier, Sébastien Meurant et Stéphane Ravier, trois parlementaires du parti Reconquête, demandaient, au nom de l’article 40 du Code de procédure pénale, au parquet national financier (PNF) de se saisir de l’affaire.

Devant la pression de ces deux actions, le PNF a rendu public, mercredi 6 avril au matin, par un communiqué, le fait qu’il a ouvert « une enquête préliminaire, le jeudi 31 mars 2022, du fait de blanchiment aggravé de fraude fiscale » par le cabinet privé McKinsey. Devant Gilles Bouleau et Anne-Claire Coudray, Emmanuel Macron s’est réjoui, ce mercredi 6 au soir, en déclarant que c’est « très bien que les contrôleurs fiscaux se saisissent d’une affaire quand on dit qu’il y a une entreprise qui aurait fraudé », avant de rappeler que « la Justice ne se saisit pas de l’usage de cabinets de conseil » et que « si c’était excessif en France, on le verrait »

Afin de le voir, Boulevard Voltaire a contacté plusieurs juristes ayant conseillé les parlementaires Reconquête qui ont demandé l’autosaisine du PNF, pour qui l’enquête ouverte est « largement insuffisante ». Ils affirment que « les Français peuvent légitimement espérer une extension de l’enquête, pour d’autres acteurs et d’autres chefs d’accusation : favoritisme dans le système d’attribution des lots et violation des règles de la commande publique, escroquerie pour rapports “copier-coller” ou encore détournements de fonds publics ».

En s’appuyant sur le rapport de la commission d’enquête sénatoriale, ces juristes expliquent que ce qui pose question est « le fait que les cabinets de conseil exercent une influence grandissante dans toutes les décisions importantes de l’État », la commission du Sénat parle même d’« emprise tentaculaire », mais aussi le fait que « dans le même temps, certains cabinets privés sont rémunérés pour des prestations vides de sens bien que hors de prix, peut-être d’ailleurs pour rémunérer des activités différentes accomplies par le passé »

L’attention de ces juristes se porte aussi sur « la porosité entre la sphère publique et la sphère privée car il y a un phénomène d’aller-retour entre les cabinets ministériels et les grandes entreprises privées. Le PNF devrait enquêter sur cette gabegie et ce copinage ! » lancent-ils.

McKinsey étant par ailleurs un cabinet américain, il défend les intérêts américains. « Qu’a-t-il fait des données recueillies pendant le confinement, lui qui était chargé d’organiser les rendez-vous médicaux liés au Covid ? » s’interrogent-ils. Là encore, l’enquête étant circonscrite au blanchiment de fraude fiscale de McKinsey, nous n’en saurons rien.

Le PNF se limite donc à une infime partie de l’affaire, ne mettant en cause que McKinsey, et « le président de la République peut dire que devant la Justice, l’État n’y est pour rien, et se cacher derrière son immunité pénale ». La séparation des pouvoir pose question, car « le PNF étant sous le contrôle de la Chancellerie, il ne jouit pas d’une indépendance totale pour décider des poursuites, la Chancellerie représentant le pouvoir exécutif ».

Ces magistrats ayant signé cette tribune dans Marianne et ces juristes espèrent que l’ensemble des chefs d’accusation seront l’objet d’enquêtes par le parquet national financier. Quand on pense qu'il avait été saisi en 24 heures pour l'affaire Fillon...

Matthieu Chevallier
Matthieu Chevallier
Etudiant en journalisme

Vos commentaires

32 commentaires

    •  » Que la justice fasse son travail honnêtement » me semble être un oxymore ! La justice est aux ordres ou/ et guidée par son idéologie !

  1. Une fois de plus l’on nous prend pour des crétins, aveugles de surcroît ! Comme par hasard les juges du PNF, qui ne sont pas indépendants, ouvrent une enquête qui semble ne concerner qu’un volet somme toute mineur de cette affaire, de manière à ne pas nuire à la candidature de Macron tout en se faisant passer pour d’honnêtes magistrats au service des seuls intérêts du peuple de France.

  2. Cette enquête est destinée à éteindre le véritable incendie – les liens de corruption entre Macron et McKinsey et la mainmise d’une multinationale américaine ayant la CIA comme client sur la politique française – en focalisant sur une question secondaire. C’est toujours ce que fait le « système » quand il est en danger. Et, fans cette affaire, le PNF est égal à lui-même…

  3. Il va encore passer entre les gouttes car l’enquête va se faire trop tranquillement .(combines et compagnie)

  4. Comme le conseil con-situtionnel, le PNF semble être au service de machiavel ! Il a ouvert (seulement) une enquête pour fraude fiscale pour faire semblant d’agir, pour faire croire qu’il n’est pas complice de ce gouvernement ? Tout le monde sait que la situation fiscale aurait dû être vérifiée lors de l’étude du dossier d’appel d’offre : donc malversation ? Et l’action de Mac Kinsey lors de la campagne électorale de Jupiter en 2017 : un non sujet de plus ? Ah, quelle impartialité notre justice !

    • Et Lemaire d’ajouter que depuis décembre Bercy suivait cette affaire de près !!! Et ne nous inquietons pas, « ils paieront ce qu’ils doivent »…
      En France, en 2022 il est donc possible de participer à des marchés publics sans fournir les pièces administratives exigées comme les quitus fiscaux… le paradis en somme !

  5. La macronie tente, dans un dernier souffle, de tout verrouiller…
    C’est (heureusement) bientôt la fin, qu’on se le dise !

  6. Ce cabinet est une « extension » d’une société américaine et qui a donc l’obligation de transmettre à leur maison-mère TOUTES leurs actions.
    Cette société a son siège social dans le Delaware, Etat où les sociétés ne paient pas d’impôts. Où se trouvent leurs bureaux?
    Le Delaware est l’Etat de Biden, ancien gouverneur où il a d’ailleurs laissé quelques « affaires ».
    Comment un chef d’état peut recruter une société étrangère? Comment les finances n’ont-elles rien contrôlé?

  7. Le PNF ouvre une procédure contre McKinsey, mais pas contre Macron ! Pourtant, il a utilisé les services bénévoles des professionnels de chez McKinsey pour élaborer son programme en 2017. Or, toute aide de professionnels (même gratuite) doit être comptabilisée dans les frais de campagne. Ce que Macron n’a pas fait et c’est illégal !! Le PNF doit ouvrir des poursuites contre Macron pour cette « oubli » (involontaire ou pas ?). Si le PNF ne le fait pas, c’est une forme de complicité.

    • Il est sans doute un peu tard pour secouer le cocotier… tout était sous nos yeux, dans nos oreilles… et les médias aux ordres se sont tus, et les ONG bien pensantes se sont tues, et le fameux « mediapart » s’est tu…

    • je crois que vous vous trompez, McKinsey est venu voir macron pour prendre conseil. en effet comment ne pas demander conseil a un truand de grande envergure pour savoir comment berner le peuple

  8. Parce que les juges ne veulent pas révéler les relations d’intérêts entre McKinsey et qui vous savez… Eh oui, il faut éviter des ennuis au petit protégé de la caste financière, mondialiste et progressiste et qu’il puisse être réélu triomphalement par les médias et les coupeurs de bourses.

  9. Les entreprises américaines qui exercent en dehors des US sont tenues de transmettre leurs travaux à leur société mère donc toutes les décisions prises pour les divers « conseils » de notre gouvernement sont connues du gouvernement US, il y a là un problème de transparence qui mérite d’être soulevé. Les hauts fonctionnaires sont tenus au devoir de réserve ce qui n’est pas le cas de mckinsley.

  10. Le secteur public est en effet bien poreux…Le PNF vient également d’ouvrir une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêts visant la préfète du Loiret et de la région Centre Val de Loire, en ce qui concerne la vente de la fameuse caserne Gudin de Montargis. Elle est intervenue auprès du ministère de la culture pour défendre la vente de cette caserne à son ancien employeur Nexity (elle y était directrice des partenariats stratégiques) pour un vaste projet immobilier !

  11. L’enquête n’est surtout pas assez rapide : Les responsables de LAREM devraient déjà être en examen et à tout le moins convoqués chez le juge … et on devrait pouvoir lire les PV d’audition dans le Volatile.

  12. « Quand on pense que le PNF avait été saisi en 24 heures pour l’affaire Fillon.. » oui et alors même qu’il n’était pas compétent pour juger cette affaire qui relevait strictement du bureau de l’Assemblée! J’espère que macron sera battu et que tous les dossiers seront ouverts et soumis aux juges pour qu’il réponde de TOUTES ses magouilles, le mozart de l’entourloupe!

  13. A mon avis et pour faire simple le PNF c’est aux ordres de l’état, ils attendent le résultats de dimanche soir , si c’est le  »Z » au second tour, alors ce sera une grosse épine dans le pied du candidat à sa réélection dès la semaine prochaine l’enquête sera menée tambours battant ( faut bien manger ) si c’est un autre cela passera aux oubliettes, les sondeurs aurais vue juste, alors votons.
    Vous avez devinez moi c’est le’’ Z’’

    • J’espère que EZ, s’il est élu, saura s’entourer de gens honnêtes, compétents et aussi aguerris, car son inexpérience des rouages du pouvoir peut le condamner sinon à l’impuissance.

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