Les résultats d’une enquête de l’IFOP, conduite auprès de lycéens à la demande la LICRA, ont été publiés dans la presse ce mercredi. Elle porte sur la laïcité. Assez peu surprenant pour qui s’intéresse à la chose, les jeunes interrogés sont majoritairement favorables au port des signes religieux à l’école, cela au nom de « l’égalité », et pensent que la loi française est discriminatoire pour les musulmans.

Ce sont 1.006 jeunes qui ont été sondés suivant la méthode des quotas : sexe, âge, type d'enseignement, filière et niveau, secteur, académie, affiliation religieuse. Et comme l’écrit Le Parisien, « alors que la sphère politique se déchire sur un prétendu islamo-gauchisme ancré à l'université et que le Parlement vient d'adopter la loi Séparatisme en première lecture, ce sondage dévoile un fossé entre la conception des ados et celle leurs aînés au sujet de la place de la religion dans la sphère scolaire ».

J’ajouterai que cela dévoile également un fossé dans l’analyse qui en est faite et les éléments que les uns ou les autres médias choisissent de mettre en avant.

Les chiffres, d’abord. À 57 %, contre 25 % de l'ensemble de la population française, les lycéens sont majoritairement favorables au port de signes religieux ostensibles dans le milieu scolaire, de même que pour les agents des services publics (50 % contre 25 %). 52 % ne sont « pas favorables » au droit au blasphème, même s’ils sont encore 49 % à estimer que les journaux ont eu raison de publier les caricatures de Mahomet. À noter que « 37 % des sondés estiment que les lois "laïques", comme celles de 2004 interdisant le port de signes religieux à l'école, ou de 2010, contre le voile intégral dans l'espace public, sont "discriminatoires" à l'égard des musulmans ».

Le Parisien a demandé à Bernard Ravet ce qu’il en pensait. L’auteur de Principal de collège ou imam de la République ? (Éd. Kero) juge ces résultats « dramatiques » en ce qu’ils prouvent que « les valeurs de la République » ne sont pas transmises. Les enseignants interrogés ne semblent, en revanche, guère concernés. Mieux : Catherine Robert, professeur de philosophie à Aubervilliers (93) dans un lycée de zone prioritaire, assure que « la laïcité telle qu'elle se pratique à l'école n'est "pas remise en cause par les élèves" (sic) ». Elle insiste : « En 20 ans de Seine-Saint-Denis, je n'ai jamais connu la volonté de mettre en cause systématiquement le contenu des cours, ou la laïcité en tant que telle », ajoutant que, « à part des gâteaux de semoule offerts par certains élèves pour le ramadan, la religion est invisible ». Mais peut-être est-ce elle qui ne veut pas voir ?

En effet, l’analyse des mêmes données par Le Point apporte un éclairage fort différent sur le phénomène qui gangrène l’univers scolaire. Le magazine - comme RTL, d’ailleurs - y pointe les différences entre zones et milieux scolaires. Ainsi « 38 % (des lycéens) sont favorables à ce qu'une loi autorise les élèves à porter un "burkini" (une proportion qui atteint 63 % chez les seuls élèves scolarisés en REP, et 76 % chez les lycéens se déclarant musulmans) ».

La population lycéenne elle-même est divisée : « Si les jeunes musulmans s'opposent à 78 % au droit d'outrager une religion, de même que 65 % des personnes perçues comme "non blanches" et 60 % des jeunes vivant dans des zones d'éducation prioritaire, ce n'est le cas que de 45 % des catholiques et de 47 % des élèves se définissant "sans religion". »

Pour François Kraus, l’auteur de l’enquête, « c'est la victoire d'une vision anglo-saxonne ou même islamiste des choses […] Actuellement, les musulmans représentent 14 % de la population lycéenne, et ce noyau est très hostile au dispositif actuel de laïcité. Mais au-delà, il y a toute une jeunesse qui partage ces revendications. C'est particulièrement fort dans les quartiers populaires. »

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03 mars 2021 à 13:00

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