Pour Nike, la « modestie » féminine s’écrit hijab !

Capture d'écran
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En décembre 2017, dans ce temps de l’Avent où nous nous apprêtions à fêter le père Noël, héros ayant remplacé dans les esprits et les supermarchés la naissance d’un Christ qu’on n’ose plus montrer dans sa crèche, la marque Nike lançait le premier hijab « adapté aux sports de haut niveau ». Le hijab Nike Pro était né et promis à un bel avenir.

Il paraît que la demande était forte, les femmes brûlant de courir, sauter, danser, patiner, skier peut-être, bien enrobées de voiles pudiques.

Pour mettre au point ces vêtements de « haute technicité », disait alors la marque, Nike avait fait appel à l’escrimeuse américaine Ibtihaj Muhammad, une vedette de renommée internationale non pas en raison de ses performances mais parce qu’elle est la marraine de la nouvelle Barbie Hijab. Zahra Lari, une patineuse émiratie qui évolue sur la glace en combinaison moulante mais sans un cheveu ni un poil qui dépassent, l’avait assistée dans cette élaboration complexe.

Deux ans ont passé et voici qu’apparaît sur le marché une nouvelle tenue sportive : le « hijab de bain ». L’annonce en a été faite mercredi : à partir de février 2020, les dames pourront s’offrir une combinaison avec voile intégré, le « Nike Victory Full-Coverage Swimsuit ». Le prix étant proportionnel à la couverture – de 600 à 650 dollars dans la version luxe et 170 dollars tout de même pour les pauvresses –, il sera possible de n’enfiler qu’une pièce sur les trois prévues pour être complètement « full-coverage » : une tunique, un legging et un hijab « disposant d’une poche en filet à l’intérieur permettant de maintenir les cheveux en place sous l’eau ». Des fois qu’on verrait dépasser une mèche de cheveux…

Là encore, Nike n’a fait que répondre à la demande. Une demande insistante : « Le design de la collection Nike Victory Swim répond à une variété de besoins, allant d’une préférence pour la “modestie” à la protection solaire, et représente l’engagement de Nike en faveur d’un design inclusif, offrant à plus de femmes une innovation révolutionnaire pour pratiquer le sport. »

Ah, la modestie… Cacher ses cheveux, baisser les yeux, marcher dix pas derrière son mari… que de bonheurs pour nous, les femmes, on ne le dira jamais assez !

D’ailleurs, la patineuse Zahra Lari le dit et le redit, se confond même en remerciements : « Merci Nike de nous soutenir, nous les femmes, et de nous permettre de faire ce que nous aimons de façon modeste. ». Et pas cher, en plus !

Business as usual, donc, et quand Nike ou Adidas ou Lacoste ou Reebok, etc., disent répondre à la demande, c’est sans doute vrai. Vrai parce que leur clientèle la plus assidue, celle qui bouffe « de la marque » à s’en étouffer, qui consomme du vrai et du faux bien clinquants, des baskets pailletées, des diamants à l’oreille, de grosses voitures et des sacs Vuitton, c’est d’abord et surtout les gens des monarchies pétrolières et les kékés de banlieue, comme ceux qui s’offrent vingt minutes de Lamborghini ou de Ferrari pour remonter les Champs-Élysées.

C’est bien pour cela, volens nolens, que nous allons voir fleurir les burkinis de luxe sur nos plages, soit encore une façon de dépenser et d’étaler son fric sous prétexte de « modestie »…

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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