Portrait : Olivier Fisher, survivant du 13 novembre 2015, est aujourd’hui l’assistant d’une députée RN

O Fisher

« J’ai voulu passer de la résilience à la résistance. » La voix est calme, posée. Olivier Fisher, 34 ans, s’attable au café Bourbon, au pied de l'Assemblée nationale, devant un croque-madame. Derrière lui, le palais Bourbon où il travaille comme collaborateur de la députée RN des Bouches-du-Rhône Joëlle Mélin. La voix d’Olivier Fisher est bien plus claire que celle qui a percé les ondes de RTL, ce 16 novembre 2015, deux jours après les attentats ayant ensanglanté Paris, deux jours après que son bras gauche a été transpercé par une balle de fusil d’assaut. Au micro d’Yves Calvi, cette voix, celle d’un rescapé de la terrasse du Carillon, dans le XIIe arrondissement, tranchait avec le discours ambiant du « Vous n’aurez pas ma haine ». Loin des injonctions festivistes et des appels à l’insouciance. Olivier a perdu la sienne, ce soir-là, en même temps que l’un de ses meilleurs amis. Aussi, pas question pour lui de sombrer dans l’angélisme. Pas après une telle déclaration de guerre.

Pour comprendre comment ce jeune chef d’entreprise spécialisé en intelligence économique a pu se retrouver à travailler pour le parti de Marine Le Pen, il faut se plonger dans ses origines. Ce fils d’un artiste et d’une informaticienne a été élevé dans le 93 essentiellement par une grand-mère juive alsacienne dont une partie de la famille a connu l’horreur des camps et de la déportation. Il lui doit « un grand esprit critique et une totale liberté intellectuelle ». Fisher s’est longtemps considéré comme une sorte d'« anar de droite partageant une grande partie des combats gauchistes ». Jusqu’à ce que, poussé par la curiosité, il se branche sur Radio Courtoisie et suive avec passion le « Libre Journal » animé à l’époque par l’irremplaçable Serge de Beketch. « Je me suis aperçu qu’en réalité, les derniers vrais punks étaient à droite », sourit-il.

À tout juste 19 ans, il vote pour la première fois à l’élection présidentielle de 2007. Son choix se porte sur… Jean-Marie Le Pen ! « Mes amis votaient Schivardi ou Besancenot », s’amuse encore celui qui définit ce vote comme un « basculement, ou plutôt un franchissement de Rubicon ». Quelques années plus tard, il entre à l’École de guerre économique. Tout juste diplômé, il crée son entreprise, à cheval entre Paris et Téhéran. « J’ai toujours été fasciné par la richesse des différentes cultures, c’est pour cela que j’ai toujours combattu le multiculturalisme et cette espèce d’uniformisation du monde par la mondialisation », explique-t-il.

Mais, en novembre 2015, tout bascule. Rentré de Téhéran avec l’objectif de passer les fêtes avec sa famille, Olivier Fisher en profite pour boucler quelques rendez-vous professionnels. Ce 13 novembre 2015, il sort de chez un client dans le XVIèmee arrondissement de Paris et reçoit un appel. Son pote Sébastien lui propose de rejoindre ses amis dans un bar. « Au début, je n’étais pas chaud, j’étais fatigué et c’était loin, mais Sébastien m’a dit, si, regarde, le bar est sur ta route de retour. Alors, j’y suis allé », raconte-t-il. Ce bar, c’est le Carillon. « Je suis arrivé et j’ai juste le temps de commander une bière. Le match de foot commence, une partie des gens rentrent et je reste dehors avec Sébastien. Il allume une clope, mon téléphone sonne et je m’éloigne de quelques pas… Puis une voiture arrive et des hommes en surgissent armés d’une kalach ». Ce coup de téléphone qui l’a éloigné de quelques centimètres lui aura sauvé la vie. Cela et son incroyable réactivité. « En Iran, on était sensibilisés à ce genre d’événements, j’ai percuté direct et je me suis mis à courir. » Une balle lui transperce le bras. Il l’apprendra à l’hôpital mais Sébastien, criblé de sept balles, meurt sur le coup. Évacué à La Bonne Bière, bar visé lui aussi par l’attentat, il y reçoit les premiers soins au milieu d’un carnage qui lui laisse « des images impossibles à oublier ».

Après son passage chez RTL, il retrouve Manuel Valls à la terrasse d’un bar en face de la radio. Confrontation entre le ministre et la victime, devant des témoins et une forêt de caméras. Valls est en difficulté. Fisher le tient et ne le lâche pas. Devant « la soupe paternaliste » du ministre, il se fait plus dur. Les témoins qui assistent à la scène prennent à parti l’ancien ministre hollandien. Valls bafouille, cherche une sortie… « Son directeur de cabinet l’a exfiltré et je l’ai distinctement entendu dire aux journalistes présents que si une seule image de cet échange sortait, ils perdaient leur accréditation », jure-t-il.

Après cette dérobade régalienne, Olivier Fisher rentre chez lui, se soigne et repart aussitôt pour l’Iran. S’éloigner pour ne pas sombrer. « Mettre des milliers de kilomètres entre moi et l’attentat. Me replonger dans mon travail, ça m’a aidé à ne pas devenir fou », affirme celui dont le bras porte encore les cicatrices de la balle qui l’a traversé. Un an plus tard, les sanctions économiques frappant l’Iran l’obligent à mettre la clef sous la porte. Rentré en France en 2017, il cherche du boulot et envoie son CV dans des mairies : il songe vaguement à devenir directeur de cabinet d'un maire. Puis il décide de postuler au Parlement européen chez des eurodéputés RN. Après avoir travaillé pour Sylvie Godin, il est embauché par Joëlle Mélin, qu’il suit à Paris après son élection aux législatives dans les Bouches-du-Rhône. Parallèlement, le procès des attentats du 13 novembre va le décider à sortir du silence. « Je n’en pouvais plus d’entendre les "Vous n’aurez pas ma haine" et je ne voulais pas que la seule parole alternative soit portée par Patrick Jardin. Un homme que je respecte profondément mais qui a été caricaturé. » Alors, il s’est lancé dans la bataille. Sa prise de parole au procès a tranché singulièrement avec celle des victimes. Une résolution froide. « Avec les associations des victimes, on ne pouvait pas parler d’islamisme, on ne pouvait pas faire le lien entre terrorisme, immigration et islam, on devait soutenir le concert de Médine au Bataclan... Le 13 novembre n’appartient pas aux victimes ! » s’insurge-t-il. « Voilà le facho », entendait-il lorsqu’il entrait au tribunal pour suivre le procès.

Comment se relève-t-on d’une telle épreuve ? En déballant ses cartons dans son nouveau domicile parisien, Olivier a retrouvé dans la poche de son manteau le bracelet qu’il portait à l’hôpital ainsi que le trou qu’avait laissé la balle dans le bras du vêtement. L’occasion de se rappeler ce que lui avait dit le médecin qui l’avait opéré : « Le bracelet, Monsieur, vous pouvez l'enlever… En tout cas, un jour, il faudra bien le faire. » Si les images du cauchemar vécu le 13 novembre ne le quittent pas, Olivier Fisher a choisi d’ôter ce bracelet, d’avancer et surtout d’agir. Pour ne pas subir. Pour sortir de « l’étouffoir de la résilience », dit-il.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

13 commentaires

  1. « le lien entre terrorisme, immigration et islam » ? L’islam ordonne de tuer tous les non-musulmans, donc engendre le terrorisme, et l’immigration apporte les musulmans, c’est pourtant simple.

  2. Une détermination face à un vrai destin qui mérite le respect.
    On n’a l’impression de lire une fiction, alors que l’on est plongé dans la réalité des faits et événements glacés !
    Il est difficile de contredire un homme devenu exemple, voire exemplaire.
    La bien-pensance bobo-gaucho n’a plus qu’à aller se rhabillé pour l’hiver.
    Les faits donnent raison à cet homme qui n’était pas à priori destiné à croiser la cavalcade d’un Valls, qui lui aujourd’hui n’est plus rien, une ombre de cette gauche aveuglée par son ombre !

  3. Bravo a ce garçon pour son engagement. Je n’ai pas été directement touché par ce drame mais j’en garde une haine profonde dans mon coeur pour ces terroristes.

  4. J’ai eu beaucoup de chances d’échapper à des attentas en Algérie, d’autres copains furent blessés et d’autres rejoignirent les ténèbres. Cela vous radicalise, et ne s’oublie pas…

  5. Magnifique témoignage, merci !
    Quelques jours après cet attentat, j’ai reçu un e-mail de l’épouse coco de mon meilleur copain de fac signé “je suis Charlie”. Je lui ai répondu “Je ne suis pas Charlot”.

  6. Merci à Boulevard Voltaire de mettre en lumière le parcours et les épreuves traversées par Olivier Fisher que je ne connaissais pas. Par contre le comportement de Vals ça c’est du vu et revu. Où nous ont mené ces politicards véreux !!! On en paie aujourd’hui le prix fort. Pauvre France .

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