[Point de vue] Rodéos urbains : symptômes d’un État défaillant

rodéo

Les rodéos urbains ne sont pas un phénomènes nouveau. Ils existent depuis de nombreuses années, mais l’absence de relais médiatique rendait cette pratique confidentielle et seules les forces de l’ordre y étaient régulièrement confrontées. Tout au plus les Français avaient-ils connaissance de ces pratiques lorsque, malencontreusement, une course-poursuite effectuée par les policiers s’achevait par un accident provoquant une ou plusieurs victimes. Dans ces cas-là, c’était la poursuite policière qui était incriminée et non le rodéo en question.

Le développement des réseaux sociaux, mais également l’engouement des médias pour tout ce qui relève du sensationnel, donne aujourd’hui à cette pratique un écho tout particulier. Bien plus, l’issue dramatique que peut revêtir ce genre de comportement, tel ce qui vient de se passer à Pontoise où deux jeunes enfants ont été gravement blessés par un jeune motard irresponsable, fait désormais passer ce comportement du stade de quasi numéro de cirque à celui de conduite criminelle. Car ne nous y trompons pas : pendant toutes ces années, bien peu d’élus et de responsables politiques acceptaient de voir cette réalité en face, et considéraient, ainsi que je l’ai souvent entendu, qu’il fallait « que jeunesse se passe ». C’était donc à la police de régler cette question ! Et cette question, nous la réglions. Parfois en fermant les yeux lorsque le trouble à l’ordre public était limité. Parfois en prenant le risque de « chasser » les auteurs de ces méfaits. Parfois, encore, en reportant au lendemain l’interpellation d’un individus qui avait pu être identifié car connu des services.

Si les rodéos urbains sont dorénavant érigés en phénomènes majeurs de société, les recettes de la police pour y remédier n’ont guère changé. Désarmés d’un point de vue matériel car ne disposant d’aucun outil spécifique pour lutter contre ces pratiques, les policiers sont également désarmés d’un point de vue juridique. La pratique du rodéo urbain est en effet peu sanctionnée. 15.000 euros d’amende que les auteurs insolvables ne paient jamais. Un an de prison jamais prononcé et qui, de toute façon, se transformerait en peine de substitution. Bien entendu, il y a d’éventuelles circonstances aggravantes qui peuvent aboutir au triplement de ces peines, mais qui a un seul exemple du prononcé d’une telle sanction ? Par ailleurs, les saisies sont rarement suivies d’effets et les restitutions d’engins confisqués nombreuses. Dans ce contexte, les forces de l’ordre restent le plus souvent les spectateurs impuissants de comportements dont on sait pourtant qu’ils peuvent avoir des conséquences dramatiques.

Dès lors, comment tenter d’améliorer la situation ? Certains pays comme le Royaume-Uni font, semble-t-il, le choix par le biais de la technique du « tamponnage » de faire courir le risque de l’accident à l’auteur des faits plutôt qu’à d’éventuels innocents. Si d’un point de vue moral ce genre de solution peut s’admettre, il est évident que d’un point de vue légal, ce remède peut s’avérer contestable. Par ailleurs, appliquée légalement en France, que se passerait-il si s’ensuivait la mort du délinquant fauteur de trouble ? Sans doute verrions-nous aussitôt les quartiers s’embraser les uns après les autres. Et quel pouvoir politique serait capable, de nos jours, d’assumer une telle décision ? Aucun !

Dès lors, quelles solutions reste-t-il ? Une fois encore, c’est vers la réponse pénale qu’il faut se tourner. Seule la dissuasion semble à même de rompre cette spirale de violence qui s’empare de notre société et dont ces rodéos mortels ne sont que l’un des symptômes. C’est donc par une peine fortement dissuasive, et systématiquement appliquée, qu’il faut passer. À l’année de prison encourue, c’est à une peine de trois ans minimum qu’il faut recourir, éventuellement doublée en cas de circonstances aggravantes. De même, la saisie et la destruction de l’engin ayant servi à la commission du délit doit pouvoir être immédiatement prononcée et mise à exécution. Enfin, les dommages et intérêts en faveur des victimes doivent pouvoir être recouvrés par tous les moyens. Et les familles des délinquants mineurs impliquées directement.

Mais ne soyons pas naïfs. Au-delà des faits eux-mêmes, c’est une vaste question qui touche aujourd’hui à la place et à l’efficacité de la Justice dans notre pays. C’est toute la question de la faiblesse et de l’inadaptation de la réponse pénale qui est également posée. C’est enfin l’absence de volonté et l’aveuglement idéologique d’un pouvoir en place qui se complaît davantage dans la commisération plutôt que dans l’application de la justice et du droit.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 13/08/2022 à 7:28.
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Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

Vos commentaires

25 commentaires

  1. Ce qui me choque dans ses rodéos est que la Police n’est pas respectée. C’est une France à deux vitesses où l’honnête citoyen est toujours sanctionné ( 135 Euros pour un dépassement involontaire de 1 km/h, porte de magasin climatisé non fermée, bientôt dépassement de 1° de la température autorisé dans son appartement l’hiver, etc…) et où on ne fait rien à part du vent contre ceux qui sont dangereux. Il faut que ça change, tout contrevenant qui refuse d’obtempérer aux injonctions des forces de l’ordre doit être immédiatement stoppé même par la violence et l’objet du délit confisqué ou alors laissons les autres tranquille et allons tranquillement vers l’anarchie.

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