[Point de vue] La fête du Travail, vraiment ?

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Pendant que les syndicats battaient le pavé de Paris et de quelques autres grandes villes de France, Marine Le Pen et le RN organisaient un banquet national et social au Havre contre Emmanuel Macron et sa réforme des retraites. Ce fut un succès populaire dans les deux cas. C’est aussi un peu cela, la convergence des luttes (d’autant que certains manifestants appartenaient discrètement aux deux mouvements, n’en déplaise aux dirigeants des premiers). Mao affirmait, en son temps : « Que cent fleurs s’épanouissent. » Le 1er mai, ils disaient haut et fort en substance : que cent brins de muguet mûrissent !

Alors que 72 % des Français sont hostiles à la réforme macronienne, 65 % ont une image négative du chef de l’État. Comment, dans ces conditions, pourrait-il continuer à gouverner ? Cette fête du Travail du 1er mai vient le rappeler de façon emblématique. Les classes populaires précarisées et les classes moyennes déclassées composant la France périphérique - où les services publics sont cassés - ne veulent pas être une variable d’ajustement du capitalisme mondialisé et d’une immigration de peuplement qui lui sert d’armée de réserve.

Fête du Travail ? Mais le travail, pour quoi faire ? Nicolas Sarkozy avait lancé le slogan obscène durant son mandat de président de la République en 2007 : « Travailler plus pour gagner plus. » Éric Zemmour – qui s’est d’ailleurs prononcé en faveur de la réforme des retraites dont il aurait été le premier instigateur -, candidat aux dernières élections présidentielles de 2022, avait malheureusement repris cette formule ultralibérale. L’Homo faber, puis l’Homo laborans, corollaire de l’Homo œconomicus, réduit son horizon de vie à produire et consommer dans une optique purement marchande dans un monde où tout a un prix mais où plus rien n’a de valeur (hormis la valeur d’échange qui se substitue à la valeur d’usage). C’est, de plus, « travailler plus pour gagner moins » qui s’impose dans les faits. En savent quelque chose les ouvriers, les employés, les agriculteurs (dont deux des leurs se suicident chaque jour, à cause des directives technocratiques de la Commission de Bruxelles, notamment). Quant aux 2,2 millions de chômeurs qui aimeraient bien travailler normalement, ils sont exfiltrés d’un système fondé sur le travail indexé sur le capital financier. Les chômeurs voudraient pouvoir travailler. Les travailleurs, dans leur ensemble, souhaiteraient « travailler moins pour vivre mieux » avec une paye raisonnable en retour.

La réforme des retraites d’Emmanuel Macron propose que nous passions de 62 ans à 64 ans, en attendant les 67 ans - ainsi que milite l’ancien Premier ministre Édouard Philippe - comme en Italie ou aux Pays-Bas. « Perdre sa vie à la gagner » semble être la maxime existentielle des gouvernants de ces derniers pays. Le travail n’est plus au service de l’homme, mais l’homme se met au service du travail. D’un métier plus ou moins enraciné et organique hier, nous sommes assignés à un travail mécanique et sans âme aujourd’hui. Il s’agit alors d’un travail aliéné vécu comme une besogne machinale.

Le travail autonome et salarié a fini par engendrer parfois un Management totalitaire (Albin Michel, 2023), pour reprendre le titre de l’ouvrage de Violaine des Courières, qui écrit à propos du culte de la performance entrepreneuriale : « Des managers tyranniques qui appliquent sans réfléchir des consignes souvent absurdes venant d’en haut. Des PDG murés dans un "système" quand d’autres sont pris au piège des exigences de rentabilité d’actionnaires souvent hors de portée. Pratiques arbitraires d’évaluation, sélection par le comportement, réformes inspirées par des théoriciens de l’université Harvard. De "process" en "reporting, le travail tend à se transformer en un remake des Temps modernes 

L’horreur du travail dans la grande entreprise est engendrée par le stress compétitif (coaching), la transparence-surveillance de ses membres (open space), la course au profit par un rendement maximal… En résultent des suicides, dépressions ou guerre (larvée) de chacun contre chacun et de tous contre tous. Ce n’est vraiment pas la fête… du Travail ! Au fait, quand Macron prend-il sa retraite ?

Arnaud Guyot-Jeannin
Arnaud Guyot-Jeannin
Journaliste et essayiste

Vos commentaires

13 commentaires

  1. En simple observateur, la dernière fois que j’ai vu des Panneaux de Manifestants, syndiqués ou non mais plutôt de la CGT et CFDT, demander du Travail, encore du Travail, c’était en Septembre 1997 (26 ans)….La majorité des salariés n’ont pas compris, ou pas voulus comprendre par facilité sans doute, que répartir de plus en plus le travail avec de moins en moins d’heures de travail, cela les mettaient en dépendance (chèques et aides sociales) par rapport aux Capitaux, les Capitalistes Investisseurs enchantés de faire travailler de plus en plus hors de France, et même hors d’U.E. au moins cher de l’Heure. Même si cela est bien pour la Paix du Monde, les salariés français avec moins d’heures se sont paupérisés. La Préoccupation première du Pouvoir et des Capitaux, ne doit pas être celle des travailleurs quelque soit leur niveau de rémunération…De 39 h passer à 35 H cela fait 11 % en moins de salaire. L’U.E. autorise jq 48 H hebdo. Combien travaillent 48 H Hebdo….D’où encore la Grande Imposture !

  2. C’est inquiétant comment, de plus en plus, le travail est considéré comme un pensum pour de plus en plus de jeunes ! D’ailleurs, on dit que les étudiants ne trouvent plus de petits boulots ; mais je connais des chefs de petites entreprises qui trouvaient des étudiants à embaucher pour des extras …. et qui n’en trouvent plus. Et on nous bassine que les étudiants sont tellement pauvres. Et on connait la consommation de drogues dans nos facultés et autres « hautes école » : comment payent-ils la consommation de ces cochonneries ? Perso, je travaillais 4 h par jour pour financer mon hébergement et mes repas, alors que j’avais 39 h de cours par semaine. Je faisais en plus du bénévolat ; J’ai très bien réussi et ai trouvé très rapidement un 1er emploi très motivant.

    • Il est normal que le travail soit rabaissé au niveau du pensum, dans un régime totalitaire d’obédience marxiste où l’exploitation de l’homme par l’homme ne pourrait être brisée que par la suppression du travail.

  3. Le travail c’est l’ensemble des activités qu’on doit réaliser pour assurer sa subsistance. Qui se souvient de cette définition chez les jeunes et les syndicalistes ?
    Tu gagneras ta vie à la sueur de ton front l’a-t-on appris quand j’étais enfant (j’ai 62 ans). Aujourd’hui nous avons une génération qui n’a jamais manqué de rien et c’est la racine du mal de notre société. Les migrants eux ont manqué de tout c’est bien pourquoi ils vont supplanter la génération des nantis qui ignorent la privation et l’effort et ne cherchent que l’argent facile (ils « créent » de la dette disent-ils eux mêmes comme si c’était une activité créatrice ou productive)

    • « Les migrants eux ont manqué de tout  » = ils ont fait comment pour payer leur voyage aux esclavagistes (pardon, aux ONG qui les font passer en Occident)?
      Moi, pour payer (entre 1000 et 2000€, paraît il), il me faudrait entre une et deux retraite mensuelle!
      (et j’ai travaillé jusqu’à 66 ans!)

  4. Fête du travail délocalisé, et bientôt fête du non travail…Tous les ravis de la crèche contents de télé-travailler il y a peu n’ont toujours pas compris qu’il s’agissait d’un galop d’essai des mondialistes pour voir tout ce qui peut être télétravaillé à l’étranger ! Cela fait partie du plan de Davos pour supprimer un maximum de travail en Europe !

    • Beaucoup glorifient le télé travail et peu en effet pointent cette dérive de la délocalisation du travail « intellectuel » à l’image des plate formes téléphoniques !
      Entre robots et délocalisation que restera t’il aux potentiels travailleurs français ?

  5. Mr Zemmour a en effet une tendance ultraliberale, en contradiction avec sa volonté de rendre les frontières moins passoires . Cette contradiction essentielle explique qu’il soit arrivé loin derrière Mme le Pen à l’ élection presidentielle, les libéraux défendant le commerce en premier lieu ayant préféré Mr Macron, et les populistes, plus sensible au peuple qu’au commerce , ayant préféré Mme le Pen et Mr Mélenchon.

    • L’important, ce ne sont pas les électeurs, libéraux ou populistes, même marécage. Le primordial, ce sont les grands électeurs, ceux qui ont sélectionné puis fait élire notre micron (merci Mac Kinsey). Ce dernier ayant terminé sa tâche de destruction, et décidément trop visiblement psychiatrique, au risque de devenir gênant, est progressivement abandonné au profit de Marine le Pen, rendue suffisamment docile et inoffensive pour être sélectionnée à son tour. Voilà comment marche la démocratie en France.

  6. Il fût un temps, que j’ai connu, où le patron propriétaire était présent sur place dans l’entreprise. Je me souviens d’un matin ou ce Monsieur avait fait 2000 km non stop pour nous ramener un moteur de plus de 200 kg dont nous avions besoin pour avancer le projet. Nous n’etions Pas ses esclaves. Maintenant, les entreprises sont souvent dirigées par des gens qui ne savent même pas où elles sont. L’objectif est le profit des actionnaires. Si fermer l’usine peut rapporter, ils ferment.

    • OUI, une entreprise gérée par son créateur qui connait son métier ce n’est pas une entreprise gérée par un diplômé d’une école de commerce.

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