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L'été : l'occasion pour beaucoup de se plonger enfin dans ce livre dévoré des yeux toute l'année sans pour autant avoir eu le temps de s'y plonger. À cette occasion, BV vous propose une sélection de ses meilleures recensions. Aujourd'hui, avec le Management totalitaire, Violaine des Courières, journaliste de Marianne, a enquêté sur le management anglo-saxon qui gangrène nos entreprises.

Pourquoi parler aujourd’hui du Management totalitaire (Albin Michel), enquête inédite très fournie de la journaliste de Marianne Violaine des Courières ? D’abord parce qu’il apparaît clairement que ce sujet n’est pas étranger au mur de méfiance qui s’est construit entre les entreprises et les salariés français, aujourd’hui vent debout contre la réforme de retraites. Ensuite parce que la façon dont notre Président traite la start-up nation France relève pour une grande partie de ce management totalitaire dont a accouché le capitalisme anglo-saxon qui, peu à peu, chez nous, a pris le pas sur la « culture capitaliste sociale qui, jusqu’à présent, faisait l’honneur des grandes société du CAC 40 ». La désindustrialisation, en faisant la part belle au secteur tertiaire, en a été le catalyseur : « On n’évalue plus le salarié selon son savoir-faire, ses compétences et ses actes, mais selon son comportement et ses particularités cognitives. » C’est le wokisme managerial : le salarié vaut moins par ce qu'il fait - qui, dans une économie financiarisée, ne peut être aussi objectivement évalué que dans une économie à forte dominante industrielle - que par ce qu'il est. Il n’est pas étonnant que ces techniques aient mis plus de temps à éclore dans nos pays latins catholiques, car elle s’inspirent de l’éthique protestante : la prédestination et la foi avant les œuvres. Tout cela se traduit « par une implacable sélection entre les forts et les faibles, entre les charismatiques et les timides, entre les empathiques et les asociaux » : « Les évaluations comportementales, les méthodes de management psychologisantes et l’infantilisation des personnes réduisent le libre-arbitre des employés. Au point de ne plus savoir penser par eux-mêmes. Au point d’accepter d’être des exécutants au service d’une institution qui pourrait les évincer à leur tour, au moindre faux pas. »

Et c’est bien sur ce terrain qu’est allé le gouvernement pendant la crise du Covid. Avec la technique managériale du nudge, le gouvernement a créé une obligation vaccinale de fait, dégagée de toute responsabilité, en modelant les comportements. De même, pour « emmerder » (sic), comme Emmanuel Macron l'a dit, les non-vaccinés, il a usé du mobbing, pratique permettant de se débarrasser d'un collaborateur sans les tracasseries juridiques d'un licenciement : on le met au placard et même au ban de l'entreprise, le dénigre, l'évince des réunions et des missions jusqu'à ce qu'il craque et démissionne (avec une rancœur tenace : ce n'est pas un instrument de paix pour la société…).

Pour que le tableau de ce « management totalitaire » soit complet, il faut rajouter une bonne dose d’hypocrisie. Les entreprises d’aujourd’hui ressemblent aux douairières d’autrefois, que se plaisait à décrire François Mauriac : au premier rang à la messe, donnant mille gages ostensibles de leurs vertus aux notables et au clergé, présidant les jurys de rosières, mais traitant par derrière avec mépris leur bonne, leur jardinier et leur bru. Il y avait le green washing - démonstration bruyante d’’éco-responsabilité -, voici le woke washing, pour le versant sociétal : LGBT, antiracisme, etc. Félicitées pour leur éthique par les agences de notation grâce à leurs ostensibles génuflexions devant le politiquement correct, les entreprises peuvent ensuite en toute bonne conscience malmener, pressuriser, jeter à la hussarde leurs salariés. On ne s’étonne plus, comme Violaine des Courières le souligne, que nombre de jeunes diplômés fuient aujourd’hui comme la peste ces grands groupes à l'atmosphère éminemment toxique. 

Des pistes de solution ? La réindustrialisation de la France car, comme le note avec humour l’auteur, « on ne recrute pas un ingénieur en fonction de son quotient émotionnel ou de son profil de leader inspirant, mais bien pour sa capacité à construire un pont ou à développer des innovations », mais aussi la « préservation des sociétés à l’actionnariat familial, la valorisation des PME en région et du made in France ». Convenons que, pour le moment, ce n’est pas gagné. 

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:21.

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31 mars 2020 à 8:26

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37 commentaires

  1. Dans la série, il y a le livre « Zéro, sale con » ou les dégâts causés par les chefaillons.

  2. Ni plus ni moins une préparation au système chinois. Le salarié doit devenir un emballage normalisé. Même cadre on ne lui demande pas de réfléchir mais d’approuver des décisions débiles. Tout cela existait à l’état naissant mais devient la norme.

  3. Le wokisme c est le cancer de l’ humanité c est le totalitarisme qui avance à visage masqué au bénéfice des mondialistes le nouvel esclavagisme des temps modernes

  4. Management, wokisme,start up, nudge, mobbing, green wahing . Le Français est-il si culturellement pauvre pour devoir adopter ces expressions anglo-saxonnes? Manque-t-il tellement d’imagination qu’il ne peut créer et imposer ses propres termes?

    1. Oh , comme je vous approuve ! Ne supporte plus ces jargons ! Dans les années 50, on avait encore les patois des provinces: nettement plus colorés et sympas ..

  5. Et après on s’étonne de ne plus savoir construire une centrale nucléaire…
    Et après, on s’étonne de ne plus trouver de personnel.
    Et donc on nous explique qu’il faut faire venir des gens d’ailleurs pour faire le job.
    Et là on va leur faire des réunions sur la lutte contre les discriminations LGBT…

  6. La France guimauve…. Les directions des grandes entreprises placent leurs salariés sous un étouffoir avec obligation de retenir leur respiration. Une reproduction de ce qui était reproché aux pays de l’Est sous hégémonie soviétique. On sait où cela conduit. Ces directions occidentales reproduisent sous une autre forme les erreurs qui ont participé à la désindustrialisation de la France. Alerter ? De quoi je me mêle ! Nous savons, nous… dirigeants . Ils vont progressivement s’enliser, puis…. s’étonner. Ce n’est pas le grand patron qui conduit vers ces dérives. Ce sont tous les petits chefs intermédiaires, soucieux d’imprimer leur pouvoir.

  7. Personnellement j’ai vu apparaître ce management totalitaire après 1968. A cette époque je travaillais comme agent de maîtrise dans une succursale Renault. Tous les ans, lorsque le directeur d’alors nous présentait ses vœux il nous disait « vous passez la majorité de votre vie au travail faites pour y être heureux ». Le directeur suivant m’avait dit «  Quant tu es au travail tu donnes l’impression d’être heureux ». Ce qui m’était reproché, n’était pas mon travail que je faisais avec zèle mais que je n’étais pas assez servile. Sous différentes pressions j’ai dû quitter l’entreprise.Nous sommes alors passé du management autoritaire au management pervers.

    1. J’ai vécu les premiers anglicismes à partir de 1974. Mais dits sous un mode bon enfant et traduits immédiatement en langage « comme ma concièrge parle » pour le « petit personnel » d’exécution; Nous étions alors une entreprise (industrielle, de mécanique sophistiquée) « à la pointe » ; Et, à notre décharge, filiale d’un conglomérat britannique. Néanmoins, notre gaie standardiste ne pigeait pas un mot de la langue d’outre-manche, ce qui ne l’empêchait pas de faire très efficacement son boulot (elle appelait le monsieur informatique..)..

  8. Ce terme de « Manager », couramment utilisé chez mon ex employeur, a toujours eu le don de m’horripiler. Pour moi, les « manager » , c’est pour les boxeurs ! Ou pour les sportifs dans l’esprit de Coluche ! Dans une entreprise, jadis, on parlait de contremaître, de chefs de services, de directeurs mais pas de manager ! On ne se souvient que trop bien de cet ignoble PDG de France Télécom qui parlait de « mode du suicide ». Conséquence des méthodes managériales d’inspiration américaine. Mais pourquoi faut-il qu’on reproduise chez nous toutes leurs conneries !

    1. vous avez raison, pour avoir vécu aux Etats Unis je me suis toujours demandé pourquoi l’on se sentait dans l’obligation d’imiter cette nation adolescente !

  9. Notre époque est devenue celle des premiers de cordée, qu’importe qu’ils oient incompétents pourvu qu’ils soient bancables et « propres sur eux ».

  10. Les commentaires que j’ai lus me prouve que j’étais un précurseur dans ce domaine.Durant ma carriere j’étais syndiqué et engagé.Lorsqu’on on a parlé de ressources humaines,je me souviens trés bien avoir dit à mes camarades:on est entrain de se faire avoir avec çà , on ne parle plus de personnel,le mot personne avait disparu.Un animal a une ressource,pas l’être humain.J’ai connu une personne de ma société qui avait fait un stage de comptabilité de haut niveau durant un an à Paris et qui en revenant de ce stage nous avait que l’on était des rigolos,qu’il avait trouvé une embauche dans une boite américaine.Vous noterez l’honnêteté du personnage , sa boite lui paie son stage et il la quitte pour une autre boite! Je me souviens lui avoir dit à ce moment:attention les américains,c’est pas la France quand ils investissent 1 dollar sur toi il faut que tu leur en rapporte 10 .Il est resté un an dans sa nouvelle boite et a été viré pour non rendement.Mon patron lors d’entretien annuel me parlait de savoir se vendre,pour moi s’était nouveau car je pensais bêtement qu’il était capable de voir le travail que je fournissais.

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