Pendant l’épidémie : guerres secrètes entre Iran et Israël

Netanyahu

Le coronavirus ne prend pas de vacances ; la géopolitique non plus, surtout entre Iran et Israël. Ainsi, depuis quelques semaines, Tel Aviv pilonne-t-il régulièrement les positions iraniennes et pro-iraniennes, celles du Hezbollah, en Syrie, causant au passage quelques dizaines de morts, civils, militaires ou conseillers militaires confondus, comme le rappelle Le Point. De son côté, Téhéran développe une autre forme de conflit, anecdotique hier, mais aujourd’hui hautement stratégique, celui de l’informatique ayant permis à Téhéran de pirater le réseau hydraulique israélien ; ce qui n’est finalement que monnaie rendue, Israël ayant fait de même du programme nucléaire civil iranien.

Mais nous n’avons pas, là, affaire à un infernal duo, d’autres puissances étrangères s’étant plus ou moins discrètement invitées au bal.

La Russie, tout d’abord, qui a laissé Israël mener ses raids aériens en affichant une neutralité de façade, sachant que le président Poutine a toujours maîtrisé l’art consistant à avoir toujours plusieurs fers au feu.

Puis les USA, quoique la vision de Donald Trump obéisse visiblement à une logique plus sommaire, car indexée sur sa seule réélection. Pour ce faire, il est évidemment crucial de mobiliser son socle électoral, en grande partie composé de chrétiens évangélistes pour lesquels le « Grand Israël » demeure un impératif biblique. La question est d’autant plus cruciale que se profile à l’horizon le règlement de paix israélo-américain dont les Palestiniens sont évidemment exclus. Ce qui fait dire à Daniel Shapiro, ambassadeur américain en Israël, jadis nommé par Barack Obama, à propos du plan de paix en question : « L’administration Trump est probablement peu préoccupée par les délimitations précises, mais cherche à obtenir un accomplissement [de type eschatologique, tel qu’il se doit, NDLR] à présenter à sa base évangélique et aux électeurs juifs de droite [généralement républicains, NDLR], afin de les galvaniser pour l’élection de novembre. »

C’est donc dans cette optique que Mike Pompeo, maître d’œuvre de la diplomatie américaine, a été envoyé, ce 13 mai, en Israël afin d’y être reçu par le tout nouveau gouvernement, à la hâte monté, entre Benyamin Netanyahou et Benny Gantz. En bon néo-conservateur, Pompeo ne s’embarrasse guère de nuances, affirmant que « les Iraniens utilisent les ressources du régime pour fomenter la terreur à travers le monde » (Le Figaro). Où, quand et comment ? Il ne le dit pas, tout comme ses prédécesseurs assuraient que l’Irak de Saddam Hussein possédait ces « armes de destruction massive » que personne jamais ne trouva.

Après, le problème syrien. C’est là où tout se complique, Daech et ses alliés d’Al-Qaïda ayant été abondamment financés et soutenus par l’Arabie saoudite, nouvel allié de l’État hébreu, lequel a joué un jeu plus que trouble durant la guerre civile, par le biais de l’opération « Bon voisinage » destinée à soigner les civils syriens. Cité par Le Point, Eyal Zisser, universitaire israélien, affirme : « Cette opération n’était pas que médicale. Une relation s’est peu à peu installée entre Israël et certains groupes rebelles [islamistes, donc, NDLR] pour gagner de l’influence et acheter de la stabilité pour un certain temps. »

C’est dans cette vision à court terme que Tel Aviv, dans son tropisme anti-iranien, a peut-être commis une erreur stratégique. La stabilité du régime syrien faisait, jadis, d’Hafez el-Assad son meilleur ennemi, même si les deux pays sont toujours officiellement en guerre, depuis celle du Kippour en 1973. Cette stabilité est désormais, par sa faute en partie, toute relative.

Pareillement, compter sur l’indéfectible ami américain relève du même calcul à courte vue. Si Trump rivalise de sionisme pour raisons électorales, il n’entend pas non plus déclarer la guerre à l’Iran. Et pourrait bien se rabibocher avec lui demain, pragmatisme oblige.

Mais il est vrai qu’on ne saurait demander plus de clairvoyance politique à un Netanyahou qu’à un Trump. Décidément, n’est pas Yasser Arafat ou Yitzhak Rabin qui veut. Eux ne se seraient pas forcément appuyés sur Riyad, car avec des amis tels que les Saoudiens, il n’y a plus besoin d’ennemis.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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