Paris : le village Potemkine de madame Hidalgo est un ghetto à ciel ouvert

Chateau-Rouge-copie

Quand je suis arrivée à Paris, en 1973, roulaient encore sur les voies du métro aérien les voitures de bois vertes et rouges. En passant au-dessus du quartier de la Goutte-d’Or, à l’angle de la rue de Chartres et du boulevard de la Chapelle, on apercevait une longue file d’hommes sur le trottoir, des travailleurs immigrés à l’évidence. Ils attendaient leur tour devant une porte à la lucarne grillagée. J’appris qu’il s’agissait d’une "maison d’abattage"… et ce qu’on y faisait : la rééducation des filles récalcitrantes au rythme de 80 passes par jour.

Dans les années 90, j’ai fait une série de reportages sur le Paris exotique – "découvrez le monde sans quitter la capitale" –, dont un dans ce quartier de la Goutte-d’Or. Avec les hammams et les marchands de gandouras brodées, j’y ai découvert les prières de rue, autorisées par la mairie du XVIIIe. C’est dans ce quartier que Jacques Chirac, découvrant un Paris inconnu des politiques, déplora "le bruit et l’odeur"

Puis on a construit deux mosquées, rasé les immeubles insalubres, fait semblant d’expulser les trafiquants de drogue (crack, notamment), les maires de droite et de gauche se les renvoyant d’un arrondissement à l’autre.

En 2010, sur des draps accrochés aux fenêtres, les habitants du quartier ont écrit "NON à la prostitution", "lassés et écœurés", disaient-ils, de voir sous leurs fenêtres l'incessant ballet de très jeunes filles, "tenues d'une main de fer par les mamas" africaines. Des Nigérianes et des Ghanéennes. "Voir ces petites quémander 20 € pour une passe et se livrer à leurs clients dans les locaux à poubelles, les halls d'immeuble, les cours intérieures… C'est ignoble et dégradant", disait une habitante. À quoi Myriam El Khomri, alors adjointe PS de Bertrand Delanoë, chargée de la protection de l'enfance et élue du XVIIIe, répondit qu’on ne pouvait rien parce qu’elles étaient majeures ! "Les tests osseux effectués sur elles (sic) l'ont jusqu'à présent toujours prouvé…" affirmait-elle au Parisien.

Depuis, le gouvernement Hollande a trouvé la solution : il punit les clients…

Nous sommes en 2017. Non seulement tout ce qui est décrit là perdure, mais les choses ont grandement empiré. Depuis quelques mois, des "mineurs isolés" sont arrivés du Maroc. Ils vivent dans la rue, squattent le square Alain-Bashung, se droguent, agressent les passants, se battent. "L'addiction à la colle de certains, leur longue expérience de l'errance et parfois leur agressivité compliquent leur mise à l'abri par les pouvoir publics", écrivait L’Express en mars dernier.

Relisez bien cela : il est impossible aux pouvoirs publics d’empêcher de nuire et de se nuire vingt gamins des rues.

Rien d’étonnant, donc, à ce qu’on ait laissé s’installer dans ce même quartier des campements de migrants de plusieurs milliers de personnes. Des gens, là encore, qu’on balade le long du boulevard de la Chapelle.

Depuis juin 2015, ce sont plus de 30 "évacuations" qui ont eu lieu. La dernière remonte au 9 mai dernier. "1.609 personnes, dont 75 vulnérables, ont été prises en charge et orientées vers des structures d’hébergement", a dit la préfecture, mobilisant pour cela 350 policiers. Essentiellement des Afghans, des Soudanais et des Érythréens. "On a voulu accélérer la procédure parce qu’il y avait des campements assez importants qui devenaient extrêmement dangereux autour de la porte de la Chapelle", s’est défendue alors Emmanuelle Cosse, encore ministre du Logement pour quelques jours.

Mensonge ! Au dernier conseil d’arrondissement, l’adjoint aux affaires sociales et à l’hébergement d’urgence du maire Éric Lejoindre (PS) a reconnu ce que tout le monde savait : l’opération était "liée au passage des membres du Comité olympique, à partir du samedi 13 mai".

Les nababs du CIO sont passés, la Goutte-d’Or est restée ce qu’elle est : un ghetto à ciel ouvert.

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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