Octobre 732 : la bataille de Poitiers, une date connue mais un site oublié

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Si on évoque la date de 732, beaucoup d’entre vous répondront : la bataille de Poitiers, évidemment. Mais si l’on vous demande ensuite où ce conflit a eu lieu, vous répondrez machinalement : eh bien, à Poitiers ! Et pourtant, allez donc visiter la capitale du département de la Vienne, en Poitou-Charentes : sur place, aucune indication, aucun panneau ne vous rappelle ce moment mythique de notre Histoire nationale. Où a bien pu se dérouler la bataille de Poitiers ?

Peu d’auteurs historiques localisent précisément le site de la bataille : elle aurait eu lieu en octobre 732 approximativement entre Poitiers et Tours. Mais tout habitant de la Vienne quelque peu curieux d'Histoire connaît l’emplacement du vrai site. Il faut, pour s'y rendre, remonter la rivière du Clain qui traverse Poitiers et descend en direction de Châtellerault. À seulement une vingtaine de kilomètres de la Ville aux cent clochers, un magnifique édifice, le château de Vayres, situé sur la commune de Saint-Georges-lès-Baillargeaux, aurait pour fondation le camp dressé par les armées arabes en 732, selon la thèse de l’historien Augustin Thierry (1795-1856). Selon lui, les troupes sarrasines auraient donc réussi à dépasser Poitiers.

Le véritable site de la bataille : au-delà de Poitiers

En continuant notre chemin sur l’ancienne voie romaine Antonia, reliant autrefois Burdigala (Bordeaux) à Lutèce (Paris), quelques panneaux indiquent le site de la bataille de Poitiers, vers le hameau de Moussais-la-Bataille.

Là, il faut emprunter une ruelle débouchant sur les champs pour apercevoir un petit espace clos bordé de haies et vide de toute présence humaine. Le lieu de la bataille. Dans le village sont exposés sur des panneaux les différents acteurs de la bataille de Poitiers, évoquant ainsi l’histoire des Mérovingiens, des Carolingiens, du royaume des Francs et de l’Empire romain qui les a précédés. Cette Histoire, la nôtre, côtoie le récit chronologique du monde musulman, de la dynastie des Omeyyades et du chef sarrasin Abd-er-Rahman.

Sur le site de la bataille de Poitiers règne le « pas de vagues »

Les explications sont strictement symétriques. Il est même précisé, dans un souci évident de ménager les ennemis du roman national français, que « les manuels scolaires du XIXe siècle ont répandu le mythe de l'affrontement décisif entre les chrétiens et les musulmans ». Le mot « mythe » revient d'ailleurs souvent sur le site, comme si la véracité de la bataille de 732 était à remettre en cause.

Sur d’autres panneaux, plus affirmatifs, on peut lire : « Notre bataille est indissociable de la gloire de Charles Martel qui symbolise toujours l'unité face à l'envahisseur. Martel trône en bonne place au Panthéon des héros français parmi Vercingétorix, Clovis, Charlemagne et Jeanne d'Arc. » Des inscriptions ont échappé au wokisme et révisionnisme ambiants.

Face au panorama qui s’ouvre sur la vallée du Clain et les champs avoisinants, sur fond de Carmina Burana de Carl Orff, une explication audio déroule le récit de la bataille. Il est expliqué que de nombreux produits poitevins d'aujourd’hui auraient des origines arabes et qu'« un certain samedi d’octobre, deux civilisations se sont repoussées. Elles ont toujours beaucoup à s’apporter », précise la voix off. Curieux regard sur une bataille qui, sans la victoire de Charles Martel, aurait fait connaître à la France un tout autre destin.

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

27 commentaires

  1. « les manuels scolaires du XIXe siècle ont répandu le mythe de l’affrontement décisif entre les chrétiens et les musulmans »
    Un mythe que les musulmans ont qualifié « la pavée des martyrs », un confirmation d’une bataille importante et mortifère pour les musulmans.
    C’est la deuxième défaite musulmane en pays wisigoths et francs, la première fut la défaite musulmane lors du siège de Toulouse en 721, par le conte Eudes (wisigoth ? vascon ? aquitain ?).
    Avant Poitiers, Eudes a été défait devant Bordeaux.

  2. Je ne sais si déjà se pratiquait un groupement des morts (des vainqueurs) comme au moyen âge.
    Si un lieu semblable était trouvé, nous aurions une forte indication du lieu…

  3. Hélas ce n’est pas un cas unique et le site de la bataille d’Azincourt a été conçu à la gloire de la victoire anglaise et dans un mépris non dissimulé des vaincus que nous furent.

  4. Je me permets de recommander les écrits et conférences de monsieur Odon Lafontaine spécialiste des origines de l’islam ,la méthode historico-critique apporte un éclairage nouveau sur le mythe du fondateur de l’islam et sur la Mecque .

  5. Bravo pour cet article. Quand vous passez sur l’A10, avec un bon GPS, vous pouveez savoir à peur quand vous êtes au niveau du lieu de la bataille, d’ailleurs, la vue est dégagée et sur la glissière centrale de l’autoroute est marqué 286.2 dans le sens Paris Poitiers. Poitiers a été ravagée mais une anienne cité gallo romaine oubliée dont on a retrouvé des vestiges recouverts jusqu’à une date récente, appelée « vieux Poitiers » située juste un peu au nord du lieu de la bataille, n’a pas de traces de saccages, une preuve de plus du lieu suposé de la bataille. C’est le seul lieu historique non signalé sur l’Autoroute… on se demande bien pourquoi.

  6. Mais que ne faut il pas faire pour rester dans toute la mesure du possible sans déformer trop grossièrement la réalité dans le style politiquement correct ?

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