Il n’y a pas plus de peuple breton que de peuple corse. Et c’est un Breton qui vous le dit !

Le général Franceschi a très justement souligné, il y a quelques jours et ici-même, le fait que les indépendantistes corses prennent leurs désirs pour des réalités. Dans l’état actuel des choses, ils ne sont réellement soutenus que par un quart de la population et n’ont reçu aucun mandat pour négocier quelque changement institutionnel que ce soit.

On entend ou on lit fréquemment que les Bretons comme les Corses auraient des velléités de se séparer des autres Français. Nicolas Gauthier a repris à son compte, sur Boulevard Voltaire, il y a quelques jours, cette croyance qui n’est pas fondée.

Si certains Bretons parlent encore la langue bretonne (c’est le cas de votre serviteur, qui fait partie de l’infime minorité qui a fait l’effort de l’apprendre), ils sont, en pourcentage, bien moins nombreux que les Corses qui parlent la langue corse. Le déclin rapide de la langue bretonne est, certes, regrettable mais c’est un fait ; cette langue, qui a des origines gauloises (selon François Falc’hun) et insulaires, disparaît progressivement non pas depuis l’apparition des hussards noirs de la République mais depuis le haut Moyen Âge, c’est-à-dire depuis une époque qui ignorait le jacobinisme et l’idée de politique linguistique.

Contrairement à ce qui se dit souvent, la Bretagne a toujours été bilingue et l’acculturation des bretonnants a commencé dès l’époque romane, ce qui explique que la moitié du vocabulaire breton est d’origine romane (selon le linguiste Christian-Joseph Guyonvarc’h) ; contrairement à ce que les nationalistes veulent croire, les élites bretonnes, y compris celles qui ont encadré la migration des Bretons insulaires (voir le livre récent de Mickaël Gendry), se sont placées dans l’orbite des rois francs et ont adopté très rapidement leur langue et leurs mœurs. Le duché de Bretagne n’a été qu’une entité féodale parmi d’autres - le duché de Bourgogne, par exemple -, et l’existence passée de ce duché ne permet pas d’affirmer celle d’un peuple breton, lequel est toujours introuvable, contrairement à ce qu’affirme Nicolas Gauthier.

Un peuple est, selon la définition qu’en donne le Larousse, "un ensemble de personnes vivant en société sur un même territoire et unies par des liens culturels et des institutions politiques". Or, les Bretons, pris dans leur ensemble, ne partagent pas de liens culturels spécifiques qu’ils ne partageraient pas avec leurs voisins de l’Est. Les Bretons du pays Gallo (Haute-Bretagne) et, de manière plus large, tous les Bretons qui ignorent la langue bretonne ne partagent évidemment pas la langue bretonne et les traits culturels qu’elle véhicule avec ce qui reste de bretonnant.

Quant aux institutions politiques communes, il n’y en a pas, bien sûr, et très peu de Bretons souhaitent qu’il y en ait (une minorité constituée de 1,1 % de séparatistes et de 6,7 % de régionalistes et autonomistes, aux élections régionales de 2015). Soulignons, de plus, que les votes séparatiste, autonomiste et régionaliste sont concentrés dans le centre-ouest de la péninsule et que la Haute-Bretagne n’est que très peu concernée par ces choix électoraux.

À suivre.

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