Moscou célèbre sa victoire sur le nazisme en oubliant quelques détails

DRAPEAU RUSSE

L'URSS et sa prorogation néo-soviétique célèbrent la victoire sur le nazisme le 9 mai (au lieu du 8 mai). Un jour d'écart pour la victoire, mais bien davantage pour la déclaration de guerre. La fameuse Grande Guerre patriotique tant exaltée n'aurait, pour le Kremlin, commencé que le... 22 juin 1941, alors que la France et l'Europe étaient en guerre depuis septembre 1939. Vingt et un mois de différence ! Que s'était-il donc passé, avant la fin juin 1941 ? Le rappel d'une vérité historique, souvent dissimulée car embarrassante, est édifiant. Une vérité qui dérange en Russie et en France.

La complicité germano-russe est ancienne. Peut-être depuis les guerres napoléoniennes. En tous cas, en 1917, en pleine Première Guerre mondiale, la monarchie impériale allemande aide décisivement à la chute de la monarchie impériale russe. La coalition impériale germano-austro-hongroise, ne parvenant pas à vaincre le remarquable et héroïque combattant français, calcule que si elle parvient à clore le front de l'Est, elle libérera des forces suffisantes pour prendre enfin Paris. Et ce plan faillit marcher : la France devra gagner la deuxième bataille de la Marne en 1918. Les Allemands étaient allés chercher Oulianov-Lénine, le trublion communiste, dans son exil suisse. Sa deuxième tentative de révolution communiste sera la bonne, qui conduira à la chute du tsar, à une guerre civile, puis au sordide assassinat de la famille Romanov et, enfin, à la création du sombre empire d'URSS. L'exfiltration-infiltration de Lénine, en avril 1917, fut rocambolesque : dans un wagon plombé avec un groupe de partisans, via l'Allemagne et la Finlande.

Dès 1919, l'Allemagne, ruminant déjà sa revanche, va se soustraire aux sanctions militaires des traités de Versailles et autres en installant en Russie des usines d'armement et des camps d’entraînement. Pendant ce temps, le socialiste pacifiste Aristide Briand (dont le nom affuble encore quantité de lycées), coauteur du pacte Briand-Kellog qui devait mettre « la guerre hors la loi » (sic), était l'artisan du retrait des troupes françaises de la Ruhr (1925) et des stupidissimes accords de Locarno qui lui vaudront le prix Nobel de la paix en 1926. L'Alliance militaire de fait entre l'Allemagne et l'URSS continuait. Son clou sera le pacte Hitler-Staline (ainsi que le nomment toutes ses victimes d'Europe centrale) ou « communazisme », signé le 23 août 1939. En France, cet accord est pudiquement appelé le « pacte germano-soviétique ». Ce pacte à peine signé, Hitler envahit la Pologne, le 1er septembre. La France et la Grande-Bretagne entraient alors en guerre. Quelques mois plus tard, le 30 novembre 1939, Staline attaquait la petite et vaillante Finlande pour tenter de l'annexer.

Rappelons que soixante parlementaires communistes français, qui avaient refusé de condamner le pacte germano-soviétique, furent déchus de leur mandat en janvier 1940. Dans les usines françaises d'armement, une partie non négligeable des syndicalistes communistes opèrent des sabotages (certains seront même fusillés). Des communistes désertent de l'armée française pour fuir en URSS. Le plus célèbre fut Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, que de Gaulle fera revenir de Moscou, à la fin 1944, pour des raisons de politique, compte tenu du poids des communistes dans la résistance intérieure.

Lorsque la Russie soviétique (à présent néo-soviétique) célèbre sa « grande victoire patriotique », elle « oublie » les horreurs staliniennes et sa collusion avec les nazis durant près de deux ans de guerre contre la France, de septembre 1939 à juin 1941, lorsque Hitler lança son opération Barbarossa sur la Russie.

Certes, l'URSS a payé un très lourd tribut durant cette Seconde Guerre mondiale (plus de vingt millions de morts, soixante-dix fois plus que les pertes américaines). Mais la démocratie américaine – quoi qu'on pense de ses nombreux travers - n'avait pas, elle, été alliée avec les nazis ni n'avait été attaquée par eux : ses fils sont morts pour nous et pour la liberté. Et l'on ne peut passer sous silence le sort des nations « libérées » par l'URSS, durant le demi-siècle qui suivit la fin de la guerre.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/05/2023 à 17:46.
Henri Temple
Henri Temple
Essayiste, chroniqueur, ex-Professeur de droit économique, expert international

Vos commentaires

91 commentaires

  1. Entre 1941 et 1945, les États-Unis ont fourni une aide colossale et décisive à l’Armée rouge grâce à un mécanisme de prêt-bail imaginé par le président Roosevelt.
    Désigné par Staline comme ambassadeur d’Union soviétique à Washington, Maxime Litvinov n’est pas réputé pour sa jovialité. Mais ce 7 novembre 1941, il saute de joie en apprenant le résultat d’un vote qui vient d’avoir lieu au Congrès : la loi sur le crédit-bail ( Lend Lease Act, LLA) a été amendée pour inclure dans ses bénéficiaires l’URSS et une première ligne de 1 milliard de dollars est dégagée au profit de Moscou. « Maintenant, nous ne pouvons que gagner la guerre ! », hurle de joie le diplomate.

  2. Aux procés de Nuremberg, les juges Soviétiques avaient pour instructions de ne juger que les crimes Nazis postérieurs au 22 juin 1941!

  3. Trouvez la vidéo de l’interview de Pierre De Gaulle (petit-fils du Général) du 07 mai 2023. Une explication lumineuse de tout ce qui se passe actuellement. Guerre en Ukraine qui se prépare depuis…par les US, qui se servent des pays occidentaux contre la Russie puis nous élimineront quand ils n’auront plus besoin de nous. Pour les US, nous ne sommes que des pions.

  4. Le 30 novembre 1939, des avions venant de l’Est, bombardaient Helsinki. Ces appareils ne portaient pas de signes de nationalité, Tout camouflés. Mais les experts en aéronautique ont reconnus des bombardiers Ylliouchine, comme ceux de la parade du 1° mai précédent à Moscou. La Finlande et l’URSS s’étaient reconnues mutuellement en 1923 au traité de Tartu, signé par Lénine. Et un pacte de non-agression les liaient de puis 1924, et renouvelé en 1936. C’était le début de la « Guerre-d’Hiver » de 103 jours ou les Finnois perdirent 23000 hommes.. Les Soviets n’ont jamais publié leurs pertes mais les historiens sérieux les évaluent a 420000. Certains parlent de plus d’un demi-million. 14 batailles principales; 11 victoires Finlandaises, 2 « Matchs-Nuls » et une seule victoire RusSoviet. Mon beau-père Esko Nykaenen, tout jeune-marié, y a participé.

  5. « Mais la démocratie américaine – quoi qu’on pense de ses nombreux travers – n’avait pas, elle, été alliée avec les nazis » Première nouvelle. Et qui a financé le parti Nazi? Parles-en à Joe Kennedy, le patriarche, qui a ainsi pu amasser une immense fortune, prélude à la mise sur orbite du fiston John Fitzgerald.

  6. c’est facile de refaire l’histoire 80 ans après, sauf erreur si les russes n’avaient pas bloqué les nazis, en ce moment nous serions allemands malgré toutes les considérations que vous avez pour les américains qui n’ont jamlais gagné une seule guerre SEUL, pour gagner il leur a fallu des alliés, et je rendrais hommage à ces soldats qui eux aussi ont été manipul »=és pour se faire massacrer sur les côtes françaises. On a passé à côté bizarrement les forfaitures des anglais dans cette guerre, un coup avec les ak=llemands et quand sa « pue  » du côté des alliés, hélas nous les français on connait le côté anglais de « l’amitié ».

  7. L’Allemagne a perdue la bataille de Stalingrad parce qu’Hitler n’écoutait pas ses généraux.

  8. Le nombre important de morts de soldats soviétiques étaient dus à l’inefficacité des armées russes compensée par le nombre de « chair à canon », comme avec la Finlande ou encore aujourd’hui face aux ukrainiens.

  9. La prestation russe du Kremlin et de la Place Rouge aujourd’hui, 9 mai 2023. reste déconcertante. Jusqu’à quand ? Jusqu’à quelle extrémité les mensonges éhontés et mortifères de la propagande de la bande à Poutine seront-ils supportés ? Ces gens-là amèneront peut-être un cataclysme mondial, mais une chose reste sûre : cette Russie-là restera au ban de la Société mondiale pour des décennies, voire même des siècles. Quel dommage pour ce Pays qui pourtant avait résussi à se reconstruire une respectable image après le désastre de l’URSS. Et si cataclysme il devait y avoir, il n’y aurait que des perdants et aucun gagnant.

  10. J’approuve les commentaires ci-dessous ! Ce qui est pratiquement certain, c’est que sans l’effort de guerre soviétique qui a permis de décimer l’armée allemande, Hitler aurait eu les forces nécessaires pour résister sur les autres fronts et obtenir la bombe nucléaire qui aurait sans doute changé le sens de la guerre… Il n’est pas digne de ne pas honorer la victoire soviétique malgré toutes les observations que l’on peut faire sur l’attitude de l’URSS, avant et après la guerre.

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