Le Moment populiste. Droite-gauche, c’est fini ! (4)
Durant le mois d’août, Boulevard Voltaire fait découvrir à ses lecteurs un livre récent que la rédaction a apprécié. Chaque jour, un nouvel extrait est publié. Cette semaine, Le Moment populiste. Droite-gauche, c’est fini !, d’Alain de Benoist.
Le peuple a longtemps cru que les choses s’amélioreraient si l’on changeait de gouvernement. Constatant que plus rien ne distingue des grands partis qui prétendaient encore hier s’opposer frontalement, il ne le croit plus. C’est toujours le même résultat, donc la même déception. Si l’on tient à l’analyser en termes de marché, la vie politique se caractérise par une offre de plus en plus réduite face à une demande de plus en plus mécontente, parce que de plus en plus désorientée. L’accablement a d’abord favorisé l’abstention, puis le vote protestataire, puis le populisme. Les partis populistes ont en effet été les premiers à percevoir un changement de la demande politique et sociale que les partis traditionnels, quelle que soit la bonne volonté de leurs élus – toujours soucieux d’être « au plus près » de leurs électeurs –, ne comprennent pas parce qu’ils sont mentalement prisonniers d’habitudes et de schémas de pensée qui le leur interdisent. La classe politique se trouve ainsi frappée d’illégitimité parce qu’elle ne résout plus aucun problème et n’offre aucun moyen de surmonter la crise généralisée du système, mais paraît au contraire y contribuer.
Le décalage entre la classe politique et l’électorat constitue un problème spécialement pour la gauche qui, dans le passé, avait toujours prétendu représenter mieux que la droite les aspirations populaires. Mais la gauche s’est progressivement coupée du peuple. Les intellectuels de gauche ont abandonné les espoirs messianiques qu’ils plaçaient naguère dans la classe ouvrière, tandis que les élites politiques se sont progressivement coupées par mépris de classe des milieux populaires. Tout comme la droite, la gauche s’est installée dans les classes moyennes supérieures, quand ce n’est pas dans l’appareil d’État. En se ralliant à l’économie de marché, en privilégiant les revendications marginales au détriment des aspirations de ceux qui sont le plus menacés par le chômage et l’insécurité, en donnant le spectacle d’une élite installée dans le paraître médiatique, elle a profondément déçu ceux auxquels elle était censée s’adresser en priorité.
Le peuple et la gauche n’ont certes jamais été des notions équivalentes, comme on l’a bien vu lors des journées de juin 1848 et de la Commune de 1871, lorsque la gauche républicaine et bourgeoise faisait tirer sur le peuple. (Dans sa célèbre Histoire de la Commune, parue en 1876, Prosper-Olivier Lissagaray rappelait que si la bourgeoisie versaillaise a pu écraser le prolétariat parisien, c’était grâce "à l’armée, à l’administration et à la gauche"). On sait aussi que durant tout le XIXe siècle, la gauche s’est montrée largement indifférente, sinon hostile, au mouvement coopératif et mutualiste. Reste que l’évolution de la gauche depuis au moins trente ans a quelque chose de sidérant.
En 1979, François Mitterrand et ses amis présentaient au congrès de Metz du Parti socialiste une motion de synthèse affirmant que "la rigueur économique dans le sens où l’entendent les maîtres du pouvoir constitue un formidable mensonge". Mais en 1992, le projet socialiste intitulé « Un nouvel horizon » déclare : "Oui, nous pensons que l’économie de marché constitue le moyen de production et d’échange le plus efficace. Non, nous ne croyons plus à une rupture avec le capitalisme." On mesure l’évolution intervenue. C’est elle qui a permis à Michel Rocard de redéfinir le socialisme comme une "sorte de capitalisme tempéré" (sic). En novembre 1999, Lionel Jospin déclarait lui-même que le socialisme n’existait plus, ni comme "système doctrinal" ni "comme système de production, la supériorité du marché sur la planification [s’étant] montrée incontestable". Reste évidemment à savoir si le socialisme se réduit à la « planification »…
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