Mémoire de l’esclavage : faut-il céder à la concurrence mémorielle ?

esclavage arabo-musulmano

Le 10 mai est la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition depuis 2006. La France est le premier État qui ait déclaré la traite négrière et l'esclavage comme « crime contre l'humanité ». Mais à mettre en exergue la mémoire sélective, on en vient à oublier l’Histoire objective.

Si l’utilisation de l’expression négative « crime contre l’humanité » part d’une bonne intention de la part de ceux qui l’ont forgée et l’utilisent parfois un peu abusivement, s’il peut être salvateur de procéder ponctuellement à un droit d’inventaire historique, il est nécessaire de récuser toute forme d’absolutisation des mémoires, de toutes les mémoires qui fractionnent un pays et un peuple. La concurrence victimaire ne peut qu’aboutir à la guerre des uns contre les autres. « L’Histoire rassemble, la mémoire divise », a pu noter très justement Pierre Nora, dans Les Lieux de mémoire (Gallimard). Et le même d’ajouter pertinemment : « L'Histoire contemporaine est une histoire sans historiens. » Ce sont effectivement les médias et les manuels scolaires qui diffusent une Histoire trafiquée dont le prisme idéologique est toujours progressiste et univoque (antiracisme, décolonialisme, théorie du genre, etc.). L’historiquement correct opère. La mémoire unique s’impose partout.

Se retourner toujours vers le passé en stigmatisant une partie de notre Histoire empêche toute réconciliation dans le présent entre les membres d’une même communauté nationale. L’entretien de la mémoire évacue une certaine innocence et une relative neutralité - qui n’est pas l’oubli de soi et des autres - indispensables à la bonne conduite de l’Histoire en marche. Dans la revue Hermès, Isabelle Veyrat-Masson, directrice de recherche au CNRS, peut observer à ce titre : « L'Histoire se veut objective, scientifique, elle recherche la vérité. Même si elle reconnaît être fille de son temps, elle convient qu'il faut prendre des distances par rapport à son “temps”. [...] Elle se méfie donc de l'imaginaire, du récit, de la reconstruction et de l'anachronisme, elle se méfie finalement de sa sœur putative, la mémoire. »

Le passé est jugé au profit du seul présent qui l’instrumentalise. Le « présentisme » n’a vraiment rien à envier au passéisme toujours vilipendé par les élites bien-pensantes. Entre autres termes : oui à la provenance objective, non à la repentance sélective.

Arnaud Guyot-Jeannin
Arnaud Guyot-Jeannin
Journaliste et essayiste

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Si l’on veut nous culpabiliser sur l’esclavage, alors Il faut tout mettre sur la table. Il n’y aurait pas eu d’esclavage s’il n’y avait pas eu au départ des « rois nègres » vendant leurs sujets au plus offrant. C’est justement notre colonisation qui a libéré de leurs monstrueux tyrans les populations asservies. Rappelons que c’est Napoléon qui a aboli la traite des noirs en 1815.

  2. Lire Bernard Lugan permet de balayer toutes les balivernes merdiatico politico gôchistes.

  3. Y aurait-il une « concurrence mémorielle » si certains n’avaient pas eu assez de pouvoir pour faire de leurs incommensurables malheurs passés, le « plus » grand crime de l’Histoire.
    La mémoire est instrumentalisée par les puissants, les raisons invoquées que sont les crimes dans leur abomination ne sont que des prétextes. Seuls sont pointés du doigt les crimes des vaincus, pour l’eslavage des Noirs, les coupables se sont tellement enrichis, que leurs descendants appartiennent à nos « élites »…aïe !

  4. 3 siècles de traite occidentale contre 13 siècles de traites: arabo musulmane et celle oubliée de inter africaine.
    Bien sûr, on ne parle que de celle qui accuse l’Occident.

    • On ne parle que de celle qui accuse l’occident, parce qu’il y a des descendants d’esclaves en occident. En ce qui concerne l’esclavage arabo musulman, il n’y a pas de descendance, les esclaves mâles étant castrés aussitôt leur arrivée.

  5. Curieusement on ne parle jamais des esclaves razziés sur les côtes nord de la Méditerranée et des navires arraisonnés par les barbaresques. Pourtant tout le monde a entendu parler de « Don quichotte » et de son auteur Cervantès. Cervantès capturé par les pirates et libéré contre rançon, comme lui plus d’un million de malheureux au cours des siècles (jusqu’à la conquête de l’Algérie), ont fini comme esclaves n’ayant la plupart du temps pas la chance de pouvoir être « rachetés ».

  6. Demandez aux Toubouri au Tchad qui leur avait transmis cette peur génétique des « sultans » et comment ils s’en préservaient (collines d’origine volcaniques inaccessibles aux chevaux des razzia). Ce sont bien, là-bas les Français qui leur ont donné un peu de sérénité. Ils nous l’ont bien rendu en s’enrôlant dans les tirailleurs sénégalais qui n’avaient de sénégalais que le nom de leurs régiments

  7. En tout temps en tous lieux l’esclavage (chosification de l’homme) est monstrueux.
    Comme le servage (privations des libertés fondamentales). Il faut le rappeler de façon totale et non sélective
    Le servage n’a été supprimé en Ukraine qu’en 1919 ce qui explique l’Ukraine.
    L’esclavage n’a été juridiquement supprimé en Algérie (qui enlevait des Européens) qu’en 1830 et en Mauritanie dans les années 1980.
    Enfin il a été rétabli au XXIe siècle en Syrie/Irak/Nigeria par les pouvoirs islamistes.

  8. L’esclavage, pratiqué pendant treize siècles par les pays arabo-musulmans, et trois siècles par les pays occidentaux.
    Les pays arabo-musulmans castraient les hommes, là on peut parler de génocide, lire le livre de Tidiane N’Diaye Le génocide voilé.
    Les Occidentaux achetaient les esclaves aux Africains. Les Occidentaux ont mis fin à l’esclavage de puis longtemps il existe encore ailleurs , devinez ou ?

  9. Le qualificatif de crime contre l’humanité de l’esclavage conduit à son imprescriptibilité. En France, le commerce triangulaire a été le fait d’une faible minorité d’armateurs qui ont fait fortune. Cette fortune a été transmise par héritage à leurs descendants qui du fait de l’imprescrptibilté sont des criminels par héritage. Tous les autres Français ne sont pas concernés n’ayant pas participé d’une façon ou d’une autre à ce commerce.

    • Le commerce triangulaire ne pouvait avoir lieu qu’avec la participation des fournisseurs d’esclaves, noirs eux mêmes.

      • Antonin le Pieux empereur romain, (138/161)Protection pour l’esclave : Le propriétaire qui maltraite un esclave doit le vendre, s’il le tue, son meurtre sera assimilé à un véritable homicide, et comme tel puni de l’exil ou de la mort suivant la condition sociale du coupable.

      • la première révolte d’esclaves Africains que l’Irak connaît en 689 au cours de laquelle les insurgés sont écrasés, décapités et, les meneurs, pendus au gibet. La seconde révolte des esclaves Africains d’Irak explose quelques années plus tard, en 694, et est elle aussi réprimée très rapidement. Au fil des années, les esclaves réussirent à impliquer des esclaves de toutes les origines, tout comme des paysans arabes écrasés par l’autorité…

    • Les criminels français par héritage sont donc les bonnes familles bourgeoises nanties de Bordeaux et Nantes, voire Rouen, non ? ( il ne me semble pas que les basques de Bayonne aient participé à cette vilenie, ni les corsaires bretons)

  10. Marre de ces repentances déguisées en commémorations . Je n’ai pas à me repentir des actions de mes ancêtres qui, depuis 1650, ont été cultivateurs de génération en génération. Ils n’ont enchaîné ou torturé personne; alors, ça suffit. De plus il faudrait mettre dans le même sac les arabo-musulmans qui ont écumé la Méditerranée pendant 13 siècles, contre 3 siècles pour « nous ». J’ajoute que de nos jours il existe encore un esclavage, notamment dans les pays du Golfe chers à nos polititocarts.

    • totalement d’accord, je refuse catégoriquement de me repentir pour d’éventuelles fautes commises par mes ancêtres. Cette repentance factice est du grand mélo qui ne rime à rien. J’ignore tout de mes ancêtres et de ce qu’ils ont fait, sans doute comme la majorité des terriens actuels. Qui sont les instigateurs de ces repentances factices et culpabilisantes ? cessons cette mauvaise plaisanterie

      • Absolument d’accord, sinon selon ce principe nous devrions mettre en prison les enfants des délinquants et criminels qui s’y trouvent déjà !

  11. Dans notre monde décadent, l’esclavage, c’est comme le racisme: plus ou moins tolérable suivant qui le pratique !!!

    • Il vous sera difficile de répondre…les débuts de l’esclavage sont perdus dans la nuit des temps anciens…On a même supposé qu’il existait chez les hommes rpéhistoriques, c’est dire…

  12. Il faudrait déjà avoir la franchise d expliquer qui était majoritairement les fournisseurs et les revendeurs d esclave , ça permettrait de remettre en cause les vrais responsables de ces horreurs

    • Tippou Tip à Zanzibar, ou Behanzin au Dahomey….et, en fait de repentance, les Béninois lui ont érigé une statue!!

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