Marseille : au MuCEM, un voyage entre costume traditionnel et haute couture

37543742842_b9eac10b67_b

Jusqu’au 6 novembre, le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) à Marseille propose une exposition qui explique comment certains grands couturiers se sont inspirés de costumes traditionnels pour créer de nouvelles pièces. Fashion Folklore permet au visiteur de découvrir la diversité des tenues traditionnelles à travers la France et le monde, ainsi que leur influence sur le monde de la mode.

L’exposition commence par énoncer un lieu commun : si le costume traditionnel est collectif et lié à un terroir, les créations de la haute couture, industrie mondialisée, sont l’expression d’un génie individuel. Or, les grands couturiers tirent une inspiration constante des costumes régionaux, et c’est ce que vient montrer cette exposition bien conçue, riche de 300 pièces issues des fonds du MuCEM, mais aussi de prêts provenant notamment du palais Galliera et du musée des Arts décoratifs, à Paris, du Finistère, de Roumanie et des collections des plus grandes maisons de haute couture.

Bretagne et Provence, deux régions françaises mises à l’honneur

Alsace, Bretagne et Provence, régions à l’identité visuelle bien marquée, font l’objet d’une section sur les costumes régionaux, notamment à travers leurs coiffes. La broderie est bien mise en valeur à travers la présentation de deux pièces du costume de Pont-l’Abbé, le corsage bigouden, datant du début du XXe siècle et de 1930. Lors de son défilé « Paris-Brest » en 2015, Jean-Paul Gaultier rend hommage à ce costume en soulignant la dimension audacieuse et somptueuse du costume folklorique breton, en présentant une robe brodée asymétrique de velours noir.

Chapeau provençal en paille, la capeline permet aux paysannes de s’abriter du soleil durant leurs travaux aux champs. Devenue depuis un accessoire de mode, la capeline est portée par le personnage de l’Arlésienne qui défile en compagnie d’autres « Santons de Provence », nom de la collection créée par le styliste provençal Simon Porte Jacquemus.

Influences et contre-influences russes

Les ballets russes de Diaghilev, qui tournèrent à Paris de 1909 à 1929, remportèrent un succès massif marquant une forme de modernité artistique. Le costume traditionnel russe devient une référence, qu’il soit rural ou bourgeois. En 1912, le grand couturier Paul Poiret confectionne une robe à partir d’une nappe à motifs géométriques rapportée, l’année précédente, d’un voyage en Russie où il collecta de nombreux échantillons de textiles qui l’inspireront pour ses créations. À voir, également, la comparaison des kokochniks, coiffes traditionnelles russes, avec la version somptueuse réalisée par Chanel pour le défilé « Paris-Moscou » en 2008.

Si l’influence russe marque la mode française, son refus est manifeste dans plusieurs pays voisins qui vivent sous l’emprise de son impérialisme et veulent manifester la spécificité de leurs propres cultures. C’est le cas de l’Estonie, de la Finlande et de l’Ukraine, mises en valeur dans l’exposition. Une chemise de femme à manches longues, aux couleurs rouge et blanche, correspondant à l’ethnie seto, un peuple autochtone vivant à la frontière russo-estonienne, est mise en regard d’un manteau de laine de 2023 réalisé par une créatrice estonienne, Marit Ilison, dans la collection « Désir de dormir », faisant référence à la période hivernale aux jours raccourcis.

L’Orient rêvé

Si l’orientalisme est un courant artistique et littéraire du XIXe siècle, l’Orient rêvé demeure dans l’imaginaire du créateur textile Mariano Fortuny - dont le père était peintre orientaliste -, passionné par Byzance, la Grèce antique et l’Afrique du Nord. Il crée des robes parées de motifs dorés méditerranéens, mises en relation avec une pièce de tissu provenant de Fès, au Maroc. En remontant un peu vers le nord, on peut contempler deux magnifiques pièces « en rouge et noir » inspirées du boléro et du flamenco espagnols, signées Givenchy et Dior.

L’exposition montre aussi comment certaines pièces du vestiaire masculin ont été adaptées aux femmes - c’est le cas du fez, coiffe musulmane qu’Yves Saint Laurent reprend dans un ensemble habillé de 1981. Vers la fin, on ne pourra pas manquer un magnifique ensemble de blouses roumaines - celles-là mêmes qui inspirèrent Matisse -, dont une signée Jeanne Lanvin.

On ne dévoilera pas ici d’autres tenues surprenantes qui font tout le sel de ce voyage vestimentaire au MuCEM… où on ne manquera pas de se promener, à la sortie de l’exposition, pour admirer le fort Saint-Jean qui livre sur le Vieux-Port un point de vue magnifique.

© MuCEM / Grégoire Edouard

Eléonore de Vulpillières
Eléonore de Vulpillières
Journaliste indépendante

Vos commentaires

2 commentaires

  1. A propos du MuCEM, j’admire son architecture et son auteur (Rudy Ricciotti, bien français malgré ses ascendances italiennes). Son travail exceptionnel sur le béton et ses « dentelles » fait considérablement progresser l’architecture (il n’y a jamais de progrès en architecture sans innovation technique, l’architecture ne se réduit pas au « design »). J’ai adoré me promener au MucCEM, comme dans d’autres de ses oeuvres – – – – – – Seul bémol : mais pourquoi diable utiliser le noir à Marseille, triste et qui surchauffe au soleil ?

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Revivez le Grand oral des candidats de droite

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois