Il vaut mieux être seul que mal accompagné. C’est sans doute ce qu’aurait pensé Emmanuel Macron si, d’aventure, il avait écouté Marlène Schiappa lors de son passage sur Europe 1.

S’apprêtant à dévoiler, en Conseil des ministres, un « plan d’action » pour lutter contre les agressions homophobes en augmentation, elle a pointé du doigt ceux qui "instrumentalisent l’homophobie" : "Visiblement, certains se servent de l’homophobie comme d’un argument, y compris dans les débats. Je pense à la Manif pour tous, je pense à Sens commun, je pense à Laurent Wauquiez, je pense à Robert Ménard, je pense à Marine Le Pen et tous leurs amis", dénonce Marlène Schiappa. "Je ne les traite pas d’homophobes, je vous demande de regarder leurs discours", précise-t-elle.

Eh ben, dites-moi, ça fait du monde ! Dans ce grand fourre-tout, cette vaste arche de Noé, la carpe côtoie le lapin, mais on n’est pas à ça près. C’est tout ? On ferme le sac et on le balance à la mer ? Ou on en fait rentrer encore un ou deux en tassant bien et en tirant la fermeture Éclair® ?

Il y a un dénominateur commun à cet hétéroclite inventaire à la Prévert : le refus de l’extension de la PMA. Et cette seule opposition suffit à faire d'eux non pas directement des homophobes - car, évidemment, l’accusation tombant sous le coup de la loi, il faudrait trouver quelques preuves objectives - mais des cerveaux. Ceux qui tirent les ficelles. Qui murmurent à l’oreille des homophobes. C’est presque pire.

Cela suppose donc que les agresseurs font partie de leurs ouailles, de leurs cercles, de leurs fidèles. Alors comment expliquer que Le Parisien, le 10 novembre, ait titré sur "l’homophobie [qui] gagne du terrain en banlieue" ("Les actes homophobes sont en très nette augmentation dans les cités. Les associations se mobilisent contre la loi du silence") ? Et que penser de l’édifiant reportage de L’Express, en avril dernier, intitulé "Être gay en cité, c'est un drame" ("Dans certains quartiers, le quotidien des homos reste un enfer") ?

Si les banlieues votaient Robert Ménard, Marine Le Pen ou Laurent Wauquiez, si elles se bousculaient aux meetings de Sens commun et si elles étaient au premier rang aux universités d’été de LMPT, cela se saurait ? Quelqu’un l’aurait remarqué, pas vrai ?

Le b.a.-ba, pour gagner une guerre, c’est d’identifier l’adversaire. Comment Marlène Schiappa entend-elle mener celle contre l’homophobie si elle regarde obstinément dans la direction contraire ?

Le b.a.-ba, pour gagner une guerre, c’est aussi de ne pas multiplier les lignes de front quand on peine à tenir la première. Et cette fois, c’est d’Emmanuel qu'il s’agit.

"Le seul scénario qui fera revenir la droite au pouvoir, c'est l'alliance des électorats et non des appareils", déclarait, il y a presque un an jour pour jour, sur RMC, Patrick Buisson, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy : "L’équation est simple : faire converger la France de la Manif pour tous, une droite conservatrice, et la France de Johnny, une France populaire [...] ces deux électorats sont majoritaires en France et c’est une alternance possible au grand centre qu’Emmanuel Macron préside."

La France de Johnny, c’est peu ou prou celle des gilets jaunes. La France conservatrice, c’est celle qui est opposée à la PMA. Elles ont en commun de n’avoir ni l’une ni l’autre trouvé de réelle traduction politique. Elles ont en commun d’être toutes deux poussées à bout et méprisées par un gouvernement hautain qui les diabolise et ne veut pas les écouter. Si, d’aventure, elles venaient à faire chemin commun par une sorte de cohésion négative, de rejet partagé… ce serait la fameuse équation dont parlait Patrick Buisson, et sans doute la pire des configurations pour Emmanuel Macron.
Il faut peut-être dire à Marlène Schiappa d’arrêter de jouer avec les allumettes, n’est-ce pas ?

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26 novembre 2018 à 18:55

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