Marine Le Pen interdite aux obsèques de Chirac : au nom des « valeurs républicaines », peut-être ?

FUNERAILLES CHIRAC

Les années, que dis-je, les décennies passent et si l’on nous assure que tout change, on voit bien qu’en réalité, rien ne change.

Voilà trente ans que le Front national sert de repoussoir à la classe politique, trente ans qu’on l’ostracise, qu’on dresse à chaque élection un cordon sanitaire autour de ses candidats, qu’on évite de serrer la main de ses élus de crainte qu’ils ne transmettent la peste brune… Trente ans qu’on traite ses électeurs de crétins bas de plafond qui sentent le pâté et la sueur sous les bras, et trente ans que ça ne sert strictement à rien, sinon à renforcer le parti en question et persuader les millions de gens qui gravitent autour du sort inique qui lui est fait.

Invraisemblable stratégie dont il faut reconnaître, le nez sur les chiffres, qu’elle dessert, au fil du temps, infiniment plus ceux qui l’appliquent que ceux qu’elle vise. En conséquence de quoi, les décennies passant, on finirait presque par supposer que l’objectif est bien, à terme, celui-là : placer l’ex-Front national devenu Rassemblement national en position de gouverner pour faire le sale boulot que les autres ne veulent pas faire ? Comprenez : nettoyer les écuries d’Augias.

Dernier épisode en date de cette fumisterie républicaine : l’interdiction « morale » faite à Marine Le Pen d’assister aux obsèques de Jacques Chirac.

Une fois connu le déroulement des cérémonies, la présidente du Rassemblement national avait en effet déclaré, dans l’émission « Dimanche en politique », qu’elle entendait s’y rendre, jugeant sa présence fondée, cela, « au-delà des divergences politiques ». Or, comme le rapportait mercredi Le Canard enchaîné, repris par Valeurs actuelles, l’Élysée en a décidé autrement.

On se demandera sans doute ce que Marine Le Pen allait faire dans cette galère. Simplement son métier d’élue de la République, rien d’autre. Car avant la personne, avant les divergences politiques qui n’étaient un mystère pour personne, Jacques Chirac était un président de la Ve République qui resta douze ans au pouvoir. De ce fait, en vertu d’un décret de 1989 relatif aux cérémonies publiques et établissant que les élus de la République, et notamment les députés, sont « conviés de fait » auxdites cérémonies, elle pouvait y assister de droit.

Le gendre et ex-conseiller de Jacques Chirac, époux de sa fille Claude, M. Frédéric Salat-Baroux, a finalement fait savoir que Marine Le Pen n’était pas « désirée » aux obsèques du Président défunt. La présidente du RN s’est donc effacée poliment, déclarant sur France Info : « La famille Chirac ne souhaitant pas respecter les usages républicains et ayant exprimé son désaccord avec notre présence, nous ne nous y rendrons pas. »

Oui, mais voilà, Le Canard apporte une autre version : ce n’est pas la famille Chirac qui ne voulait pas de Marine Le Pen, c’est l’Élysée. Et Monsieur gendre aurait cédé aux pressions d'Alexis Kohler, secrétaire général de la présidence de la République, lequel se serait livré à un véritable harcèlement téléphonique.

Je le redis, tout cela est d’une insondable bêtise. C’est un geste politique inepte, grossier et, surtout, parfaitement contre-productif pour le pouvoir en place. De plus, cela est totalement contraire aux fameuses « valeurs républicaines » dont tous ces gens nous rebattent les oreilles et qu’ils invoquent depuis des décennies contre un parti institué commodément en repoussoir.

De quoi avait-il peur, « l’Élysée » ? De l’œil qui était dans la tombe et regardait Caïn ou bien de devoir subir sur son auguste nuque celui de l’ennemie jurée ? Minable.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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