41,8 %. Une défaite, bien sûr, mais quand même un petit miracle. Comment près de 42 % des électeurs ont pu se muer en Gaulois réfractaires, en refuzniks de la pensée unique ? Comment ont-ils pu résister au matraquage en boucle des influenceurs se muant en prédicateurs ? Aux consignes, pêle-mêle, des politiques, des intellectuels, des chanteurs, des acteurs, des sportifs… et surtout de la totalité - à quelques confettis près - des médias. Le titre, de Libération, ce lundi matin, est éloquent : « Macron réélu, merci qui ? »

Alors Marine Le Pen a perdu, mais cette présidentielle signe surtout l’absolue défaite de la pluralité de la presse. Cette pluralité au nom de laquelle on verse des subventions, depuis la loi Bichet de 1947. Sauf qu’il y a des subventions partout et de la pluralité nulle part.

Si, durant le quinquennat, on a pu saluer dans les colonnes de certains célèbres quotidiens, magazines, la chronique piquante de tel ou tel esprit (plus ou moins) libre égratignant le gouvernement, un reportage montrant avec acuité la réalité dans tel ou tel quartier, tous sont rentrés à la niche quand il s’est agi, clairement, de faire un choix. Non pas un choix entre les deux candidats, car aucun média n’était forcé, en réalité, de se prononcer. Mais simplement entre la neutralité et le Président sortant. Emmanuel Macron porte bien son prénom : Dieu avec nous. Face à ce démiurge, qui n’est pas avec lui est contre lui. Les médias ont donc, peu ou prou, tous fait allégeance, chacun à leur façon, variant les précautions oratoires, le calendrier et le modus operandi. Différents sur la forme, mais identiques sur le fond. Jeudi soir, on se demandait si le site marmiton.org et Le Journal de Mickey n’allaient pas, eux aussi, se fendre d’un communiqué de soutien.

Parmi les quotidiens de la presse écrite, même La Croix, en dépit d’un « quinquennat désastreux », selon le mot de Mgr Aillet, sur le plan des « principes non négociables », comme les appelait Benoît XVI, et malgré les inquiétantes perspectives ouvertes par Emmanuel Macron en matière d’euthanasie qui auraient pu, en soi, justifier « un non possumus », a donné son obole. Dans une vidéo tout en contorsion dont il a dû ressortir endolori, le directeur de la rédaction expliquait, la semaine passée, pourquoi « la responsabilité d’un journal n’est pas de dicter une conduite » mais pourquoi il le faisait quand même.

Même Le Figaro, LE grand quotidien de droite, a fait, comme en 2017, sa « génuflexion oblique de dévot pressé ».

Constat identique dans la presse magazine écrite et dans les médias en ligne, comme l’analysait dans ces colonnes Marc Baudriller, il y a quelques jours. Nombre de magazines - Le Point, Marianne… - que l’on pensait indépendants ont argué du « sérieux » de la situation pour faire chorus. Comme si, jusque-là, tous leurs commentaires, leurs analyses de l’actualité qui mettaient régulièrement en cause la politique gouvernementales, n’avaient été que légers et étourdis. Une opposition « pour rire », en somme, une opposition d’opérette qui ne seyait plus aux heures graves. Dès lundi, ces médias remettront leur faux nez d’opposant et se draperont théâtralement dans leur cape de média intransigeant. Qui sera assez naïf ou amnésique pour encore les croire ?

Comment s’appelle un pays où à peu près 100 % de la presse subventionnée soutient le gouvernement ? Comment s’appelle un pays où tous les contribuables financent, contraints et forcés, des médias « engagés » du même côté, celui des élites, du pouvoir et d'un immense parti hégémonique qui criminalise ses opposants ? Comment s’appelle un pays où une moitié de citoyens ne fait plus confiance en aucun grand média ?

La messe est dite. Une messe de requiem pour la presse d’opposition. Qui n’existe plus qu’à l’état embryonnaire et qu’il faut reconstruire. De façon urgente. La rédaction de Boulevard Voltaire s’y emploiera, de toutes ses forces, elle s'y emploie déjà. Vous pouvez compter sur elle, comme elle sait pouvoir compter sur vous. Demain est un autre jour.

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24 avril 2022 à 21:01

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109 commentaires

  1. J’apprécie une fois de plus les billets d’E. Cluzel, mais je reste sidéré par le fait qu’aucun média, à ma connaissance, n’ait remarqué à quel point MLP à été « ménagée » durant le premier tour. Pas d’attaque violente, une écoute parfois même bienveillante de la part de certains journalistes mielleux…à l’opposé des trombes de coups bas et haineux contre Zemmour dont on sait que, par sa culture et sa dialectique, il présentait un grand danger pour un face à face avec Macron.

  2. Bravo pour cet article qui résume bien la situation médiatique … Merci quand même à C’News et Europe 1 de faire ce qu’ils peuvent pour maintenir un certain pluralisme !

  3. Eh bien oui Madame Cluzel la messe de requiem est dite pour la presse de notre pays, la collaboration est avilissante.
    Que vive Boulevard Voltaire et que toutes celles et ceux qui contribuent à son rayonnement en soient vivement remerciés.

  4. Il paraît qu’Orban est infréquentable à cause de l’uniformité de la presse de son pays (ce qui reste à démontrer !).
    En France, en ce jour de deuil, BV nous remonte un peu le moral. Merci d’être offensif envers le chef de troupeau et son gouvernement !

  5. MLP a remporté le second tour à 69,60% en Guadeloupe, 60,87% en Martinique, 60,70% en Guyane, 55,42% à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ainsi qu’à la Réunion (59,57%), à Mayotte (59,10%) et à Saint-Pierre-et-Miquelon (50,69%).
    ##
    Pas mal pour une « facho raciste », hein?

  6. En outre mer, nous avons la fierté d’avoir rendu à E. Macron ce qu’il nous avait envoyé : mépris, arrogance et mensonge. Nos pharmacies avaient été dotées en masques moisis. Nous avions été baratinés par Girardin pendant les gilets jaunes. Nos élus corrompus et préparant leur relève avec leurs enfants comme candidat pour les législatives l’ont soutenu. Il avait promis une lutte contre les monopoles et une réflexion sur la surrémunération des fonctionnaires. Nous sommes la France qui a résisté.

  7. il faut leur faire passer le message , à Libération …..les colorés des DOM ont voté massivement pour la raciste d’extrême droite MLP ….

  8. Vu que le Conseil Constitutionnel a soutenu ferme la Présidence au delà de la Constitution pendant leur guerre au Covid, dont ils ont fait une aubaine, je n’ai aucune confiance dans les résultats de l’élection. Je resterai toujours avec ma suspicion.
    rappelons que 2 fois confinés et à remplir des feuillets pour sortir, s’activer, la 3ème fois fut pas possible car le C.C. dit que finalement c’était inconstitutionnel. Je n’oublierai Jamais.

  9. Oui Madame Cluzel, même Le Figaro. Autrefois on appelait les Médias, la Presse le 4ème Pouvoir(1/ Le Président de la République, 2/ Celui du Sénat, 3/ L’Assemblée Nationale). Maintenant et depuis au moins 12 ans j’ai nommé la Presse, les Médias le 1er égal au Président de la République.
    Et tant que ça durera citoyen philosophe, je dis la Démocratie passive ! avec le Pouvoir transféré hors frontières. J’ai voté Z et pour la 1ère fois pour MLP. Il fallait qu’il y ait un Diable à la Présidence !

  10. effectivement , vu le déchainement de la caste médiatique de grand chemin contre le RN , le score de MLP est remarquable et la progression , 2.7 M en plus non moins remarquable ….macron lui fait 2 m de moins….Libération ( à peine 80.000 ex/mois …) qui ne surnage que par les subventions publiques et grâce à la distribution dans nombre d’administrations et établissements publics ….et privés aussi …quel est le nombre réel de péquins qui achètent cette feuille de choux ?

  11. Il faut désormais penser à l’avenir de la France car le désespoir en politique est une désertion; pensons aux législatives; organisons au plus vite le vaste « rassemblement national » qu’attendent les vrais patriotes en créant une alliance électorale entre MLP, EZ, NDA, F Philipot, nous pourrions contraindre Macron à appeler non pas Mélenchon mais MLP ou EZ comme Premier Ministre, ce serait transformer une défaite en victoire et c’est POSSIBLE; que BV serve de Trait d’Union

  12. On voit bien le résultat quand la presse « presse » avec ses constrictions un candidat. Comme un boa qui s’enroule autour de sa victime, l’issue lui est rarement favorable.

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