« Le mariage chrétien a-t-il encore un avenir ? », Thibaud Collin, Éd. Artège

Tout le monde se pose la question qui figure en tête de l’ouvrage de Thibaud Collin : les incroyants ou les « croyants non pratiquants », pour qui le caractère sacramentel (donc indissoluble, fidèle, ouvert à la vie) du mariage n’est que bondieuseries et fonctionnait bien tant qu’on ne vivait pas si vieux (et qu’il n’y avait ni la 4G ni Tinder) ; les « catholiques ouverts sur le monde », qui se demandent si un nouvel aggiornamento charitable ne serait pas en train de permettre à tous de s’approcher de la Communion ; les cathos tradis « les plus atroces », enfin, comme dirait le président de la République, qui ne sont que de pauvres pécheurs eux aussi, donc bien plus friables et pétris de doute que ne le présument les ayatollahs de la République, et se retrouvent parfois bien seuls à essayer d’incarner dans la lumière une aventure que plus personne ne veut vivre.

À l’heure où les annulations de mariage fleurissent et dans une société qui considère le message radical de l’Évangile comme une variable d’ajustement délavée par le temps, c’est une question qui, en tous les cas, mérite amplement d’être posée.

Thibaud Collin, en philosophe, répond à cette question point par point, à la lumière des récentes évolutions voulues par le pape François (« par pape François », pour les plus modernes), évolutions pleines de miséricorde mais parfois trop largement interprétées par le clergé à la suite de la parution de l’exhortation Amoris laetitia en 2016.

Sur la communion des divorcés remariés, sur la bénédiction des unions homosexuelles, sur le concubinage, Thibaud Collin ne fait pas d’impasse et utilise de solides mains courantes philosophiques, qui empruntent autant aux Pères de l’Église qu’aux travaux de théologiens plus récents. En résumé, il s’agit pour lui d’un rappel salutaire à l’articulation de deux impératifs : soigner le malade et avertir le pécheur. Accueillir les individus et les cas litigieux sans transiger sur la norme.

Ce rappel n’est pas sans évoquer un dialogue du Bouclage, de Volkoff, qui, à la question "Penses-tu que Dieu brûlera tous les pécheurs ?", faisait répondre à l’un de ses personnages : "Je pense que Dieu brûlera tous les péchés et pardonnera aux pécheurs." (Volkoff ajoutait dans un entretien à ce propos que les orthodoxes avaient la liberté de croire ou non au salut de l’humanité toute entière. Mais tel n’est pas le sujet.)

Il s’agit simplement de séparer la personne, qui est aimée de Dieu et souffre d’en être éloignée, de l’acte, qui doit être réprouvé. Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous (si vous prenez des notes pendant les homélies), mais dans une société liquide, un peu de solide à se mettre sous la dent ne fait jamais de mal.

Pour finir (attention : spoiler), l’auteur répond par l’affirmative, propose quelques solutions originales (comme, par exemple, la remise à l’honneur de l’ordre des pénitents pour les cas qui demandent du temps) et conclut sur la polarité de l’Église (à la fois mère et éducatrice), qui ne peut séparer la Vérité de la Miséricorde, sous peine de devenir une version mitrée de la répugnante et cotonneuse société humanitariste du care. Rassurez-vous, il le dit beaucoup mieux que ça.

Tout au plus pourra-t-on regretter que cet ouvrage soit un peu dense intellectuellement, tant son accès devrait être offert au plus grand nombre. Malheureusement, on me dit qu’une version BD n’est pas à l’étude. À lire en couple, à offrir à l’un de ses frères humains. Une réflexion brillante et vivifiante.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 06/07/2018 à 18:50.
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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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