Ces maires qui font la morale à leurs électeurs – et qui n’ont rien compris

C'est la nouvelle géographie électorale de la France : des métropoles peuplées de bobos, d'immigrés et de CSP+ qui plébiscitent Macron, et les villages de la France périphérique où le Front national progresse d'élection en élection. Ces villages qui stupéfient les observateurs et, au premier chef, leurs maires, le plus souvent non encartés mais dont le cœur penche à gauche comme tout ce qui a un peu de pouvoir dans ce pays, et qui se sentent investis de la mission de « faire barrage ».

Et, donc, pour ces présidentielles de 2017, on a assisté à un festival, à vrai dire assez pitoyable, de la part d'une poignée de ces maires de villages qui, scandalisés que leurs électeurs aient pu voter en masse pour Marine Le Pen, ont choisi de faire parler d'eux. L'un d'eux a décidé, hier, de ne pas repartir en 2021. Pascal Morineau, maire de Grand'Landes, en Vendée, où Marine Le Pen est arrivée en tête avec 54 % des voix, justifie sa décision ainsi : "La ligne rouge a été franchie, je pense, et je me devais de réagir." Pour francetvinfo, "Pascal Morineau comprend mal le choix de ses administrés. Pour lutter contre le sentiment d'abandon, depuis 2005, il a construit une école publique, une garderie et une bibliothèque... À croire que cela n'a pas suffi à faire reculer les idées frontistes."

Mais ne voit-il vraiment pas où est le problème ? Et pourquoi ses administrés, pourtant si heureux de leur école, de leur garderie, de leur bibliothèque, votent, en toute conscience et avec détermination, pour le Front national ?

Parfois, la posture moralisatrice se veut plus moderne, comme le message Facebook posté par l'ancien maire de Saint-Priest, dans le Puy-de-Dôme. Il a prétendu faire de l'humour en interpellant par leurs prénoms ses administrés et en les plaçant, selon lui, devant leurs contradictions : "À toi Daniel, qui veux faire payer les fraudeurs, je te rappelle que bosser au black, ce n'est pas la règle… À toi, Pierrick, qui penses que l'on ne peut plus sortir tranquille, je veux simplement te rappeler que la dernière fois que quelqu'un s'est fait molester à Saint-Priest, tu n'étais pas né..."

Il veut "susciter une prise de conscience". Et si c'était justement, aussi, ce que voulaient dire les administrés à leurs maires, que par ailleurs ils aiment bien ? Ces maires qui sont le premier échelon de la représentation démocratique, la première « élite », et qui, d'ailleurs, en tout cas ces deux-là, leur tiennent le discours moralisateur et culpabilisateur de l'élite.

Leur dire quoi ? Que, désormais, l'enjeu, ce n'est plus l'école, la crèche, la salle des fêtes du village. L'enjeu, c'est la France qu'ils vont laisser à leurs enfants. Une France massivement peuplée d'immigrés et de leurs descendants, condamnée aux communautarismes ? Des villes et des quartiers islamisés, où les mosquées rassembleront de plus en plus de monde ? Des jeunes radicalisés qui passent à l'acte ?

Alors, le maire de Saint-Priest pourra toujours écrire sur son compte Facebook : "Mais Emmanuel, où as-tu vu un fiché S, un imam ou une mosquée dans le village ?" Mais là, ce serait prendre ses administrés pour des idiots, car la France des villages, il lui arrive d'aller à la ville, et il lui arrive même d'avoir la télé. Il lui arrive aussi d'avoir de la mémoire : Charlie, Bataclan, Nice, le père Hamel, Xavier Jugelé...

Alors, M. le Maire, la prise de conscience, c'est dans les deux sens, hein ? Car, pour beaucoup de villageois, « la ligne rouge » a été franchie depuis longtemps, et c'est une ligne de sang.

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