Macron sur la scène internationale, c’est Maître Jacques !
La réalité des faits dément le plus souvent l'apparence entretenue par une communication intensive et continue. Mais, comme disait ce cher Lénine, "les faits sont têtus", et ils rattrapent toujours le bonimenteur le plus talentueux. Ainsi en est-il de M. Macron sur la scène internationale, qui s'est plu à dresser un portrait flatteur non seulement d'égal des grands de la Terre, mais de donneur de leçons suffisamment expert pour conduire les dirigeants défaillants à s'amender. Dans le faste des bâtiments royaux de Versailles et des Invalides, Poutine et Trump se trouvaient diminués. La liberté d'expression ou la lutte contre le réchauffement climatique étaient alors les vecteurs d'une leçon infligée par le maître à des élèves peu doués. L'ennui, c'est que, le rideau baissé, l'on s'aperçoit que rien ne change, parce que la perspective créée par le décor était illusoire. Comme MM. Poutine et Trump sont des gens polis, ils n'en tiennent pas rigueur à l'un des Européens, mais n'en tiennent bien sûr aucun compte. Cette fois, il s'agit d'un chef d'État beaucoup plus rugueux que les deux autres dont le poids politique suffit. Recep Tayyip Erdoğan, celui qui était venu rencontrer son "ami" Macron à Paris, n'avait pas apprécié la leçon sur les droits de l'homme, mais il avait ménagé le Président en préférant s'en prendre devant lui à un journaliste de notre "service public" qui lui posait une question sur la livraison d'armes aux rebelles syriens par les Turcs. Il en avait profité pour rappeler que les Américains avaient livré énormément de matériel de guerre aux rebelles.
L'absence de conséquence positive de ces rencontres éclate au grand jour avec la Turquie et, malheureusement, elle révèle ce que pèse la France de Macron. Comme ses deux prédécesseurs, celui-ci tente d'exister dans l'ombre de Washington en se voulant plus américain que l'Amérique. C'est ce que Sarkozy avait fait en Libye et Hollande failli faire en Syrie. C'est à nouveau à ce jeu que se livre Macron en Syrie, tentant de trouver ses marques dans le piège où les Occidentaux se sont eux-mêmes enfermés. La France, comme ses alliés en général, et les Américains en particulier, comme les Turcs aussi et comme quelques États du Golfe, a une lourde responsabilité dans la tragédie syrienne. Au nom d'un fallacieux "droit d'ingérence", ils ont permis et facilité la transformation d'une protestation populaire, à laquelle ils n'étaient peut-être pas étrangers, en guerre civile. Il y a, en Syrie, un gouvernement légal, et aucune entité ne possède la moindre légitimité pour lui être substituée. Fort du soutien de la Russie et de l'Iran, les seuls États qui ont le droit d'intervenir sur le sol syrien, puisqu'ils y sont à l'appel du président Assad, le gouvernement restaure peu à peu son autorité sur l'ensemble du pays. Néanmoins, une partie du territoire est soustraite à son action par la présence active de troupes étrangères aux côtés des rebelles qu'ils arment. Cela est vrai aux frontières israélienne et jordanienne au sud, et le long de la frontière turque. Si l'on met à part la région d'Idlib, où les islamistes plus ou moins radicaux sont ou ont été regroupés, les autres "rebelles" n'existent plus que par la volonté de l'étranger. C'est ainsi que la fictive "Armée syrienne libre" est l'outil des Américains au sud et celui des Turcs à Afrine. C'est ainsi que les prétendues "Forces démocratiques syriennes" sont, au nord de l'Euphrate, des Kurdes utilisés par les Américains contre l'État islamique. Mais comme les Turcs considèrent les Kurdes syriens comme des complices du PKK, réputé terroriste en Turquie, on voit Ankara utiliser l'Armée syrienne libre pour chasser les Forces démocratiques syriennes de sa frontière. Entre membres de l'OTAN, et entre frères en rébellion, c'est donc la guerre, une guerre qui souligne à quel point la "coalition" apparemment construite pour lutter contre l'État islamique, et empêtrée dans ses contradictions, se moque éperdument du peuple syrien.
Macron faisait semblant de ne penser qu'à la Ghouta pour ignorer l'écrasement à Afrine de nos braves alliés YPG kurdes qui avaient libéré Raqqa. Hollande l'a rappelé à l'ordre. Il a donc reçu les représentants des Kurdes, et l'un d'eux, à la sortie de l'entrevue, s'est réjoui que la France soit prête à intervenir. Un démenti précipité de l'Élysée a douché nos chers alliés. Rien ne serait fait pour Afrine, mais plus à l'est, à Manbij, il y a des Américains et sans doute des Français, que les Turcs n'oseront pas bousculer. Les Kurdes auraient dû savoir que des harkis aux Sud-Vietnamiens, il n'est jamais bon d'être les supplétifs des démocraties occidentales. Erdoğan est furieux qu'on fasse les yeux doux à ses terroristes. M. Macron fait penser au Maître Jacques de L'Avare jouant les intercesseurs inutiles. Les Américains songent à quitter la Syrie. Excellente nouvelle : il faut laisser les gens sérieux résoudre cette crise, et il se trouve que seule la Russie est capable de trouver un accord entre la Syrie et la Turquie pour faire en sorte qu'une autonomie relative du Rojava soit rendue militairement inoffensive pour les Turcs par la présence de l'armée syrienne à la frontière.
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