Macron et Merkel rejouent La Grande Vadrouille à Beaune

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Pour la dernière rencontre officielle entre Angela Merkel et Emmanuel Macron, le mercredi 3 novembre, l’Élysée avait donc choisi Beaune, en Côte-d’Or. Pourquoi Beaune, « là où les bons vins sont », pour reprendre cette vieille chanson du XVe siècle, au cœur de la plantureuse Bourgogne ? La Bourgogne qui est du royaume et non d’Empire, comme celle du Comté.

Une volonté personnelle du chef de l’État, paraît-il, « dans une ville dont les monuments historiques et la culture du vin illustrent la richesse du patrimoine français ». Faut-il aller chercher plus loin que cette seule explication sentant sa fin de séminaire d’entreprise : visite des fameux hospices, intronisation de la chancelière et du Président français dans la confrérie des chevaliers du Tastevin au mythique château du clos de Vougeot et incontournable dégustation de vin suivie de remise de cadeaux.

Peut-être aussi - allez savoir - un souvenir d’enfance du petit Emmanuel devant la télé, à l’occasion d’une énième rediffusion de La Grande Vadrouille, un dimanche soir, veille d’école. Qui sait ? Les Allemands y sont balourds, plutôt bébêtes et finalement pas très méchants lorsqu’ils valdinguent dans le fossé en essayant d’éviter les citrouilles balancées par Louis de Funès et Bourvil juchés à l’arrière du camion conduit par la bonne sœur. Ou bien – qui sait encore ?-, pour remonter un peu plus loin, Emmanuel Macron a peut-être pensé au rêve fou de Charles de Bourgogne, voulant faire de son duché une sorte de royaume européen constitué de bric et de broc entre Bruges et Dijon, coincé entre France et Saint-Empire romain germanique, rêve qui s’effondra piteusement dans la campagne glacée, près de Nancy, un 5 janvier 1477 : « Je suis ce Téméraire au soir de la bataille. Qui respire peut-être encore sur le pré/Mais l’air et les oiseaux voient déjà ses entrailles » (Aragon). Un rêve européen que tenta de relever son arrière-petit-fils, Charles Quint, héritier des États et de la Toison d’or de son aïeul, toujours, bien évidemment, au détriment de la France.

Ce 3 novembre 2021, pas de Toison d’or mais un cordon rouge et une plaque en vermeil. Emmanuel Macron a remis les insignes de grand-croix de la Légion d’honneur à Angela Merkel. Ne hurlons pas, ces choses-là se sont toujours faites. Dans la liste des chefs d’État étrangers, on trouve Élisabeth II (depuis 1948, alors qu’elle n’était que princesse héritière) mais aussi Mussolini... À l’inverse, Nicolas Sarkozy fut naguère distingué de la Toison d’or espagnole, François Fillon du grand cordon de l’ordre du Soleil levant et Anne Hidalgo de la croix de commandeur d’Isabelle la Catholique ! Mais cette remise de décoration protocolaire et traditionnelle a surtout été l’occasion, pour Emmanuel Macron, de parler de lui et de se mettre en valeur : « Merci d’avoir accepté ce jeune Président impétueux qui voulait tout bousculer », a-t-il déclaré à la chancelière en préretraite. Moyennant quoi, il n’a rien bousculé du tout. Depuis 2017, Angela Merkel a regardé le jeune homme pressé s’agiter dans tous les sens, sans broncher. Elle l’a laissé baratiner sur la « souveraineté européenne » tout en en faisant à sa guise. Elle a très volontiers accepté en 2019 que, pour la première fois de son Histoire, le Conseil de sécurité à l'ONU soit coprésidé par la France et l'Allemagne. Elle a laissé venir l'impétueux à Aix-la-Chapelle, toujours en 2019, pour signer un traité dont l’idée générale est, en gros, celle-ci : ce qui est à moi est à moi ; ce qui est à toi peut être à moi.

Sauf erreur de notre part, Emmanuel Macron n’est toujours pas grand-croix de l’ordre du Mérite de la République fédérale d’Allemagne. Une injustice qu’il conviendrait de réparer au plus vite. Peut-être au printemps prochain…

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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